Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

COP21

Ces accords commerciaux qui dopent le changement climatique : le facteur alimentaire

Les négociations sur le climat, qui auront lieu à Paris en décembre prochain (COP21), sont considérées comme la dernière chance pour les gouvernements du monde de s’engager sur des objectifs contraignants qui pourraient arrêter notre marche vers la catastrophe. Mais pendant le compte à rebours des négociations de Paris, beaucoup de ces mêmes gouvernements ont signé ou sont en train de faire pression pour conclure toute une série d’accords de commerce et d’investissement ambitieux qui préempterait toutes les mesures que ces pays pourraient prendre face au changement climatique (voir encadré 1).

Ce que nous savons de ces accords pour le moment, à partir des quelques textes qui ont été divulgués sur les négociations secrètes, c’est qu’ils vont conduire à une augmentation de la production, du commerce et de la consommation des combustibles fossiles, à un moment de consensus mondial sur la nécessité de la réduire [1]. L’Accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada (CETA) et le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’UE et les États-Unis (TTIP), tout particulièrement, devraient aboutir à une dépendance accrue de l’UE vis-à-vis des importations de combustibles fossiles provenant d’Amérique du Nord, ainsi qu’à une restriction de l’espace politique permettant de promouvoir les énergies renouvelables et les économies sobres en carbone. Le Partenariat Trans-Pacifique (TPP), un « méga-pacte » réunissant 14 pays d’Asie et d’Amérique, qui a été conclu au début de ce mois, devrait se traduire par une augmentation des exportations de gaz des États-Unis vers les pays riverains du Pacifique. Ces nouveaux accords étendront également les dispositions prévues pour le règlement des différends entre les investisseurs et l’État que les entreprises utilisent déjà dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) pour annuler les moratoires sur la fracturation hydraulique et d’autres mesures populaires de protection de l’environnement mises en œuvre par des gouvernements [2].

On parle beaucoup moins de la façon dont les dispositions de ces accords relatives à l’alimentation et l’agriculture auront une incidence sur notre climat. Cette question est pourtant vitale car l’alimentation et l’agriculture a un poids énorme dans le changement climatique. Entre la déforestation, l’utilisation des engrais, les fermes industrielles ou les rayons des supermarchés, la production, le transport, la consommation et le gaspillage de l’alimentation représentent environ la moitié du total des émissions de gaz à effet de serre (GES) [3]. Dans la mesure où la création de nouveaux moyens de distribution des produits agricoles et la modification des régimes de réglementation et d’investissement pour l’agrobusiness et l’industrie agro-alimentaire revêtent une importance prioritaires dans les accords commerciaux actuels, il y aura certainement des impacts sur le changement climatique (probablement négatifs), à moins que nous fassions quelque chose à ce sujet.

Nous estimons que les composantes Agriculture et Alimentation des accords de commerce et d’investissement actuels vont aggraver la crise climatique, et ce pour les 7 principales raisons suivantes :

1. L’augmentation de la production, du commerce et de la consommation de produits alimentaires qui sont de grands émetteurs de gaz à effet de serre

A priori, les accords commerciaux sont destinés à accroître les échanges commerciaux. Le commerce des produits alimentaire en fait partie.

Les aliments qui contribuent le plus au changement climatique sont : la viande rouge (les pires : bœuf, agneau et porc), les produits laitiers (les pires : le beurre et le fromage, suivis par le lait et les œufs), les poissons (les pires : les poissons sauvages ou les poissons d’élevage industriel), la volaille, l’huile de palme et les aliments hautement transformés (les pires : ceux qui sont transportés par avion). Il ne s’agit, bien sûr, que de généralisations très sommaires. De nombreuses études tentent de mesurer précisément les émissions de GES liées à différents aliments en fonction du lieu et de la façon dont ils sont produits [4]. Mais, grosso modo, le tableau correspond à ce que nous voyons dans le graphique 1.

En termes de production agricole, la viande et les produits laitiers sont les plus gros contributeurs au changement climatique (voir encadré 2). Seulement 11 % de la production totale de viande est commercialisée au niveau international mais, au niveau mondial, la production et la consommation de viande devraient augmenter de 17 % d’ici 2024 et carrément doubler d’ici 2050[5]. L’accroissement du commerce devrait jouer un rôle dans cette augmentation et une partie de celle-ci viendra des nouveaux accords commerciaux, qui pourraient changer substantiellement la dynamique du commerce de la viande [6]. Nous ne pouvons bien sûr pas prévoir dans quelle mesure le commerce et la consommation vont augmenter directement à la suite de ces accords, mais les réductions des droits de douane et l’abaissement des normes devraient conduire à l’augmentation des approvisionnements et donc à l’augmentation de la consommation dans les pays importateurs. C’est, après tout, l’objectif des lobbies de l’industrie.

Prenons par exemple le TTIP. S’il l’accord est signé, il aura pour effet d’élargir le marché européen pour la viande bovine américaine, qu’elle soit de haute ou de basse qualité. (Les quotas de bœuf sans hormones vont augmenter, tandis que les restrictions sanitaires vont baisser.) [7] La viande bovine européenne de qualité ne sera peut-être pas en mesure d’être compétitive, ce qui conduira à un déplacement de la production vers les États-Unis. Dans le cadre du CETA, le Canada enverra plus de porc, de bœuf et de produits laitiers en Europe, tandis que l’UE exportera plus de fromage au Canada.

L’accord de libre-échange conclu récemment entre la Chine et l’Australie (ChAFTA) devrait jouer un rôle important dans l’augmentation de la production et du commerce des produits laitiers dans la région Asie-Pacifique. La Chine importe environ 20 % de ses produits laitiers et ces importations connaissent une hausse constante[8]. Jusqu’à présent, du fait de l’accord commercial entre la Chine et la Nouvelle-Zélande, cette dernière dominait l’offre laitière étrangère en Chine. Maintenant, l’Australie devrait s’emparer d’une partie de ce marché. Dans le même temps, les entreprises chinoises investissent massivement dans la production laitière « offshore » en Australie pour réexporter vers la Chine [9]. Elles développent également leurs moyens de production de viande bovine en Nouvelle-Zélande pour exporter vers la Chine [10].

Les importations chinoises de viande bovine, qui ne sont actuellement autorisées qu’à partir d’une poignée de pays, ont augmenté de 18 % au premier semestre 2015[11]. L’Australie représente désormais près de la moitié de ce marché en raison de l’accord ChAFTA [12]. Grâce à l’accord Chine-Nouvelle-Zélande, la Chine est le plus gros acheteur de la Nouvelle-Zélande pour l’agneau et le deuxième pour le bœuf.

Le commerce des produits laitiers a été une question très controversée dans les négociations sur le TPP et elle aurait fait partie de celles qui ont retardé la conclusion de la transaction. Maintenant que l’accord a été conclu, Washington qualifie l’industrie agricole américaine de « grande gagnante » du TPP, puisque les exportations américaines de produits laitiers devraient augmenter de manière significative, mais aussi celles de bœuf et de porc.

En dehors des tarifs douaniers et des quotas, les marchés devraient également progresser pour certaines entreprises agro-industrielles et leurs investisseurs en raison des dispositions plus laxistes de la réglementation sur la sécurité alimentaire et des lois en matière d’étiquetage qui suivront ces nouveaux accords commerciaux [13]. C’est une préoccupation importante pour les agriculteurs et les consommateurs dans un certain nombre de pays dont les gouvernements participent aux négociations. Malheureusement, même si les dirigeants politiques déclarent que rien ne changera, un grand nombre des changements réglementaires appuyés par les géants de l’agro-alimentaire concernent l’abaissement des normes pour les produits chimiques, l’ouverture des marchés à la viande clonée ou aux aliments génétiquement modifiés, et la levée des barrières liées aux maladies de la volaille (grippe aviaire) et de la viande bovine (vache folle). Dans le cadre du TPP, nous savons maintenant que le gouvernement américain a obtenu le droit de contester les normes de sécurité alimentaire des autres pays et d’établir de nouvelles normes pour la présence d’organismes génétiquement modifiés dans les denrées alimentaires [14]. Cela permettra certainement à l’industrie agro-alimentaire américaine d’étendre son influence au niveau mondial.

2. La promotion de l’agriculture industrielle pour l’exportation au détriment des fermes et des systèmes alimentaires locaux

Le développement des marchés pour la volaille et la poudre de lait européennes a longtemps constitué un élément clé des programmes de libéralisation du commerce de l’UE, comme le savent bien les agriculteurs et les éleveurs africains. Ils sont mobilisés depuis des années pour arrêter le dumping du poulet et des produits laitiers fortement subventionnés par l’Europe. Ces luttes sont maintenant de plus en plus liées au changement climatique. La volaille industrielle est, après tout, à l’origine d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Les poulets de chair, qui sont élevés pour leur viande, produisent sept fois plus de GES que les volailles de basse-cour. Et les poules pondeuses, qui sont élevées pour leurs œufs, produisent quatre fois plus d’émissions [15].

La consommation de poulet est en hausse dans de nombreux pays car c’est une viande bon marché et, par conséquent, le commerce mondial de la volaille devrait augmenter. Tout ce commerce est lié à des élevages avicoles industriels, qui sont plus polluants que les exploitations en basse-cour ou de petite taille. Principalement en raison de leur dépendance au soja, les élevages de volailles du Brésil et de l’UE représentent un niveau de dangerosité relativement plus élevé pour le climat. Même en Chine, où les exportations ne représentent qu’une petite proportion de la production nationale, les accords commerciaux conduisent à une augmentation des importations de matières premières animales qui alimentent les fermes industrielles construites avec des apports importants de capitaux étrangers.

Au-delà de la volaille, les experts disent maintenant que dans les dix prochaines années, l’augmentation de la consommation mondiale de viande va augmenter les émissions globales de gaz à effet de serre, quelle que soit l’amélioration des indices de consommation dans les systèmes de production industriels [16].

3. Le développement des supermarchés internationaux et des aliments hautement transformés

Les plus grands noms de la distribution alimentaire visent une croissance en Asie, ainsi qu’en Afrique et en Amérique latine, grâce à plusieurs des nouveaux accords commerciaux actuels. Le développement des supermarchés internationaux s’accompagne du développement de la production, du commerce et de la consommation des aliments transformés. Par exemple, avec l’ALENA, la consommation d’aliments transformés a grimpé en flèche au Mexique, apportant avec elle des problèmes graves de santé publique, et le secteur de la distribution du pays a été repris par de grandes chaînes internationales [17].

Les aliments transformés (produits par Mondelez, Nestlé, PepsiCo, Danone, Unilever, etc.) sont d’importants émetteurs de gaz à effet de serre, non seulement du fait de toute l’énergie utilisée pour l’emballage, la transformation et le transport des aliments, mais aussi du fait des émissions produites par l’exploitation. Les aliments transformés sont élaborés à partir des matières premières les moins chères que les entreprises peuvent acheter dans le monde entier. Un paquet d’aliment de supermarché standard peut contenir du lait en poudre de Nouvelle-Zélande, du maïs des États-Unis, du sucre du Brésil, du soja d’Argentine et de l’huile de palme d’Indonésie, c’est-à-dire des aliments particulièrement émetteurs de gaz à effet de serre.

Une étude récente, sur une boîte de céréales Kellogg’s pour le petit déjeuner, a montré que manger une portion de 100 grammes génère l’équivalent de 264 grammes de CO2. Si l’on ajoute du lait à ces céréales, les émissions augmentent de deux à quatre fois. Les ingrédients représentaient environ la moitié des émissions totales pour les céréales, tandis que le reste correspondait à la fabrication, à l’emballage et au transport. Les recherches ont identifié plus de 20 pays dans lesquels les ingrédients avaient été achetés, notamment l’Argentine pour le maïs, l’UE pour le lait en poudre, l’Égypte et la Thaïlande pour le riz, l’Espagne pour le blé et les États-Unis pour le sucre [18].

Le développement des supermarchés et des aliments transformés se traduit aussi par une déforestation accrue et d’autres changements au niveau des terres et de l’eau, pour produire plus de sucre, de maïs, de soja et d’huile de palme, quatre produits qui sont les piliers du secteur des aliments transformés. Au Nigeria, par exemple, Wilmar, la plus grande société de négoce d’huile de palme dans le monde, prévoit d’étendre ses plantations de palmiers à huile dans l’État de Cross River ce qui, d’après les groupes sur le terrain, signifiera inévitablement une nouvelle déforestation. Grâce à ses accords commerciaux avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), l’Inde est devenue un marché important pour l’huile de palme indonésienne et malaisienne, qui remplace la noix de coco, la moutarde, l’arachide, le sésame et les autres huiles végétales traditionnelles indiennes, qui étaient beaucoup moins néfastes pour le climat. Il en va de même pour la Chine, le deuxième marché de l’huile de palme de l’ASEAN après l’Inde.

L’accord TPP qui vient d’être conclu pourrait entraîner une hausse importante de la production, du commerce et de l’utilisation de l’huile de palme. « Je m’attends à ce qu’il y ait une véritable ruée des investissements étrangers en Asie du Sud-Est lorsque le texte final de l’accord sera publié », a déclaré Deborah Elms, directrice exécutive du Asian Trade Center, au Wall Street Journal [19]. Le secteur de l’huile de palme malaisien est censé attirer tout particulièrement une grande partie de cette ruée, les investisseurs bondissant sur l’occasion de sécuriser leur accès à une nouvelle source d’huile bon marché pour le secteur américain de la restauration rapide [20].

4. La tricherie climatique : l’externalisation des émissions

L’un des effets des accords commerciaux est que la fabrication est sous-traitée à des pays à bas salaires avec peu de contraintes environnementales. Les pays où ces produits sont consommés semblent ainsi avoir réduit leurs émissions alors qu’en réalité ces émissions ont simplement été transférées vers les pays où les marchandises sont maintenant produites. Comme on peut le voir dans le cas des États-Unis et de la Chine, aucun des deux pays ne veut alors en assumer la responsabilité. C’est la même situation pour les aliments.

Les accords commerciaux favorisent la production alimentaire dans les pays à faible coût et/ou dans lesquels la production est fortement subventionnée, avec des niveaux d’émissions élevés. Ces pays disposent de puissants lobbies de l’agriculture industrielle (États-Unis, Brésil, Nouvelle-Zélande, Europe) et sont souvent fortement dépendants des exportations de produits agricoles pour leurs revenus à l’étranger (États-Unis, Brésil, Nouvelle-Zélande, Irlande, Indonésie, Nouvelle-Zélande, Vietnam). Il est extrêmement improbable que ces pays mettront en œuvre des mesures pour réduire les émissions qui pourraient peser sur la compétitivité de leurs produits agricoles. Nous voyons déjà ces pays prendre des mesures avec leurs entreprises pour bloquer les efforts internationaux visant à des réductions d’émissions importantes dans l’agriculture, par exemple avec l’Alliance mondiale pour une agriculture intelligente face au climat.

Il est également peu probable, que les émissions qui sont « importées » en même temps que les aliments soient prises en compte par le pays importateur. Même si un pays importateur essayait d’en tenir compte, les mesures visant à réduire les importations de certains produits fortement émetteurs de gaz à effet de serre pourraient être contestées et considérées comme des restrictions commerciales déloyales dans le cadre des nouveaux accords.

5. Plus de biocarburants

Les biocarburants sont une autre forme d’énergie polluante qui, avec les combustibles fossiles, pourrait connaître une accélération à la faveur des plus récents accords commerciaux. C’est particulièrement vrai quand les chapitres sur l’investissement des accords commerciaux essaient de mettre les investisseurs étrangers sur un pied d’égalité, en établissant des règles sur le « traitement national » et la « nation la plus favorisée », qui facilite grandement l’accès à la terre pour la production de biocarburants. Les nouvelles règles en matière de brevets imposées par ces accords permettent également aux entreprises de se lancer plus facilement dans des transferts de technologie puisqu’elles savent qu’elles pourront bénéficier de droits de monopole dans les pays signataires. Déjà, les politiques climatiques de l’UE ont renforcé un accaparement massif des terres en Afrique pour la production d’un éthanol à destination des marchés européens. La Chine, qui s’approvisionne actuellement en éthanol auprès de ses soi-disant partenaires de libre-échange, le Pakistan et le Vietnam, investit également massivement en ce moment au Brésil dans ce but (une première livraison d’éthanol brésilien pour la Chine vient de quitter l’Amérique du Sud). L’industrie canadienne des biocarburants prévoit de bénéficier de l’ouverture d’un nouveau marché de 50 millions de CAD dans l’UE grâce au CETA.Beaucoup de cultures destinées aux biocarburants (canne à sucre, betterave à sucre, patate douce, palmier à huile, maïs, sorgho, colza) peuvent aussi être indifféremment utilisées dans l’industrie alimentaire [21].

Si l’accord de TTIP entre les USA et l’UE se concrétise, les modélisateurs prédisent que les États-Unis vont assister à une forte augmentation de la production de bioéthanol et de biodiesel et des exportations vers l’UE qui, à l’inverse, assistera à une forte hausse de sa production et de ses exportations de sucre vers les États-Unis [22]. Les effets induits au Brésil, en Argentine et en Chine seront également importants.

Malgré son palmarès médiocre en termes de droits de l’homme, de droits fonciers et d’émissions de carbone, la production de biocarburants devrait être de plus en plus prônée en tant qu’énergie renouvelable dans le cadre des stratégies d’atténuation des changements climatiques, et les accords de commerce et d’investissement participeront à cette évolution.

6. La promotion des économies alimentaires locales sera fragilisée

Les programmes incitant à « acheter national » ou « acheter local » ainsi que les règlements sur l’étiquetage du pays d’origine, sont généralement considérés comme discriminatoires et accusés de distorsion des échanges dans la doctrine dite de libre-échange. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a peu fait pour décourager ces initiatives, mais ces accords commerciaux bilatéraux et régionaux d’un nouveau genre pourraient aller beaucoup plus loin. L’UE veut notamment obtenir un accès beaucoup plus important des entreprises européennes aux marchés publics américains, à tous les niveaux (fédéral, étatique ou local) dans le cadre du TTIP. Les défenseurs de la souveraineté alimentaire et les acteurs de terrain y voient une menace potentielle pour les économies alimentaires locales que des groupes ont construit patiemment au cours des dernières décennies (par exemple les initiatives des conseils de politique alimentaire visant à soutenir l’utilisation de produits alimentaires locaux dans les services publics comme les écoles et les hôpitaux) [23].Toute démarche visant à rendre illégales les initiatives de type « acheter local » ou « consommer local » dans le secteur alimentaire contribuera automatiquement à la déstabilisation du climat [24]

La même chose est vraie des initiatives visant à soutenir les achats « verts » ou des programmes visant à exiger de s’approvisionner auprès de petites et moyennes entreprises au nom de l’atténuation du changement climatique. Ces deux types d’efforts peut être contestés par les entreprises au motif qu’ils sont discriminatoires. Les accords de libre-échange et les traités d’investissement ont généralement un mécanisme de règlement des différends investisseur-État qui permet aux entreprises de contester les politiques gouvernementales de ce type. La contestation aboutit parfois à une énorme indemnisation financière pour l’entreprise qui est jugée perdante face à ces lois. Parfois, elle oblige les gouvernements à changer de politiques pour éviter de telles poursuites.

Tout comme dans le secteur de l’énergie, nous devons nous attaquer à la consommation pour nous attaquer aux changements climatiques. Augmenter la production et le commerce, ou se contenter de les rendre plus « verts », ne réduira pas le problème. Dans la mesure où les gouvernements admettent que 15 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent de l’élevage et que 74 % d’entre elles proviennent de la viande bovine et des produits laitiers, nous avons une magnifique opportunité d’éliminer positivement une grande partie du problème climatique grâce à des initiatives locales. Mais pour ce faire, nous avons besoin de faire échouer les accords commerciaux et l’idéologie qui prétend que la promotion des économies « locales » s’oppose à la liberté du marché et est, assez curieusement, mauvaise pour nous. (Elle est seulement mauvaise pour les multinationales !)

7. Les mesures de sécurité alimentaire deviennent illégales

En 2013, des gouvernements, poussés par les milieux des entreprises, principalement des États-Unis, ont essayé d’établir comme règle de l’OMC que les achats publics de produits alimentaires en temps de crise soient considérés comme une forme de subvention agricole qui fausse les échanges commerciaux. De nombreux gouvernements achètent des produits agricoles auprès des agriculteurs afin de stabiliser les marchés, d’assurer des prix garantis et de gérer des stocks ou des systèmes de distribution dans l’intérêt public. Les ravages provoqués par les changements climatiques (inondations, sécheresses, typhons, etc.) dans un monde soumis à la déréglementation et à la concentration des entreprises rendent les chocs alimentaires plus fréquents et plus menaçants. Cela signifie que ces mesures de sécurité alimentaire de base et un vigoureux programme d’achats publics sont de plus en plus nécessaires. Ironie du sort, dès que les négociations sur le climat de Paris prendront fin en décembre, les responsables gouvernementaux se rendront à Nairobi pour une réunion ministérielle de l’OMC afin de décider si de telles mesures seront considérées comme licites ou non dans le cadre du commerce mondial.

Il est temps de cesser de déstabiliser le climat !

Les modes de consommation alimentaire évoluent. Le régime alimentaire occidental se propage, particulièrement dans les pays du Sud, en apportant avec lui des problèmes de santé, mais aussi en accroissant la pression sur le climat. (Certaines personnes disent que nous avons besoin d’un changement de régime alimentaire, pas d’un changement climatique.) Les traders de matières premières, les entreprises agroalimentaires, les chaînes de distribution, les groupes de capital-investissement et les autres types de sociétés qui financent et font fonctionner le système alimentaire industriel sont vivement intéressés par un développement des affaires sur ces marchés. Les accords commerciaux sont un excellent outil pour y parvenir, mais ce n’est pas seulement une affaire Nord-Sud. Les entreprises brésiliennes sont en concurrence avec leurs homologues thaïlandaises pour capter des parts de marché dans les pays émergents, en Afrique, en Russie ou au Moyen-Orient. L’Australie veut être plus présente en Chine, pays qui fait plus en plus d’affaires avec les États-Unis. Et ainsi de suite.

Nous devons nous réveiller et faire le calcul. Si nous voulons faire face au changement climatique, nous devons réduire la consommation de certains aliments et cela signifie aussi en réduire la production et le commerce. Heureusement, c’est tout à fait réalisable. Mais cela nécessite un redimensionnement structurel des grandes entreprises de l’agro-industrie et de la distribution, et de ceux qui les financent. À leur place, des exploitations, des entreprises de transformation et des marchés de petite et moyenne taille, soutenus par des achats et des financements publics, pourraient mieux faire le travail. Il faut pour cela créer une impulsion et rapprocher les différentes luttes sur les changements climatiques de celles qui défendent la souveraineté alimentaire et s’opposent aux accords commerciaux au service des grandes entreprises.

Que faire ?

Rejoignez les campagnes de plus en plus importantes contre les principaux accords commerciaux comme le TTIP, le TPP, le RCEP, le Tisa et le CETA. Consultez bilaterals.org pour des liens vers les principaux groupes et plus d’informations.
Lancez une campagne ciblée sur le commerce, le climat et l’alimentation, pour montrer comment les accords commerciaux négociés actuellement par votre gouvernement vont spécifiquement avoir un impact sur les émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation, et obtenir leur abandon.

Soulevez la question de l’alimentation et du commerce de l’alimentation dans des discussions et des actions locales dans lesquelles vous êtes impliqué pour vous battre contre le changement climatique. Venez à Paris pour les mobilisations en marge de la COP21. Il y aura un cortège « accords commerciaux » dans la manifestation, qui exigera l’abandon du TTIP et du CETA et d’autres accords commerciaux d’un nouveau genre. Et une journée d’action sera organisée le 9 décembre, qui sera entièrement consacrée à l’alimentation, à l’agriculture et au changement climatique.

Utilisez votre imagination pour développer des initiatives concrètes pour réduire votre/notre dépendance au système alimentaire industriel et réduire la demande pour ses produits. Lancez une action de boycott : c’est ce que les dirigeants de l’industrie alimentaire craignent le plus.

Approfondissez vos connaissances sur l’impact climatique des aliments que vous mangez et lancez, rejoignez ou renforcez une initiative alimentaire locale, que ce soit une coopérative, un programme scolaire, une AMAP (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne), un CSA (projet agricole soutenu par la communauté), un marché de producteurs, etc. (Article publié par GRAIN le 26 octobre 2015)

Encadré 1 : Les principaux méga-accords commerciaux en cours de négociation aujourd’hui

CETA : Accord économique et commercial global (Comprehensive Economic and Trade Agreement) entre l’UE et le Canada. Les négociations se sont achevées en 2014, mais le texte doit encore être ratifié. Il est question de peaufiner encore un peu certaines formulations sur la protection des investisseurs, étant donné l’ampleur des protestations du public à ce sujet.

FTAAP : Zone de libre échange Asie-Pacifique (Free Trade Area of Asia and the Pacific) : pacte commercial qui vise à couvrir tous les États membres de la Coopération économique Asie-Pacifique (Free Trade Area of Asia and the Pacific – APEC). L’idée a été initialement lancée par les États-Unis mais l’accord est maintenant défendu par la Chine afin de contrebalancer le TPP (qui exclut la Chine). Les négociations n’ont pas encore commencé.

TiSA : Accord sur le commerce des services (Trade in Service Agreement), un accord très important, secrètement négocié entre 40 pays en dehors de l’Organisation mondiale du commerce. Il vise à établir de nouvelles normes mondiales pour le commerce des services pour tous les futurs accords commerciaux.

TTIP ou TAFTA : Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership) entre l’UE et les États-Unis. En cours de négociation, mais massivement contesté par la société civile.

TTP ou TPPA : Partenariat Trans-Pacifique (Trans-Pacific Partnership) récemment conclu entre 14 pays des deux côtés du Pacifique (Australie, Brunei, Canada, Chili, États-Unis, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Vietnam). Devra être ratifié par les parlements nationaux.

RCEP : Le Partenariat économique global régional (Regional Comprehensive Economic Partnership) est un accord commercial entre les dix membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos PDR, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam) et six pays voisins : Australie, Chine, Corée du Sud, Inde, Japon et Nouvelle-Zélande. Actuellement négocié à huis clos.

Encadré 2 : Un effet bœuf sur le climat

Le secteur de la viande est peut-être la principale cause du changement climatique. Les données varient, sont débattues et peuvent être déformées. Par exemple, dans certains milieux, on a tendance à affirmer que les exploitations bovines super-industrialisées aux États-Unis ou en Europe occidentale sont plus « respectueuses du climat » que les systèmes de pâturage durables en Inde ou au Niger. Cela tient au fait que des organismes comme la FAO ont tendance à utiliser le prisme étroit de « l’efficacité » pour établir la comparaison et ils ne prennent pas en compte les contributions climatiques positives des systèmes de pâturage durables en Asie ou en Afrique. Même le GIEC, qui produit une grande partie des données scientifiques sur lesquelles se basent les gens pour juger et agir sur le changement climatique, se trompe parfois. Pourtant, il n’y a aucune raison de mettre en doute le fait que l’élevage ou la capture des animaux pour l’alimentation est l’une des principales causes du changement climatique.

Voici quelques éléments clés pour alimenter la réflexion :
Selon une étude souvent citée, mais très critiquée par la FAO, sortie en 2006, l’élevage est responsable de 18 % du total des émissions de gaz à effet de serre. Des chercheurs de la Banque mondiale, travaillant pour le Worldwatch Institute en 2009, sont arrivés au chiffre de 51 %. En 2013, la FAO a réduit son chiffre à 15 %. De toute façon, il s’agit d’un impact important, dépassant toutes les formes de transport (avion, voiture, bateau) cumulées.

Les deux tiers (65 %) des émissions du bétail proviennent de la seule production de la viande bovine (35 %) et des produits laitiers (30 %), a indiqué la FAO en 2013 [25]. La production laitière mondiale est responsable de 4 % des émissions mondiales de GES.
Un quart des surfaces émergées de la planète est utilisé pour le pâturage et près de la moitié des cultures que nous pratiquons (40 %) (qui produisent aussi des GES) sert à nourrir le bétail.

L’élevage contribue au changement climatique non pas tant en termes d’émissions de carbone, mais en termes de méthane (provenant de la digestion des ruminants = 47 % de leurs émissions) et d’oxyde nitreux (provenant de l’engrais utilisé pour produire leur alimentation + les déjections animales = 24 % des émissions du bétail). Le méthane et l’oxyde nitreux sont beaucoup plus dangereux pour notre climat que le dioxyde de carbone. En fait, les données récentes de l’Université du Minnesota, de Yale et du Département de l’Agriculture américain suggèrent que le GIEC sous-estime les émissions de N2O provenant de la production de cultures industrielles (dont une grande partie sert à produire l’alimentation du bétail) de 40 %.

Si l’on prend en compte le fait que, de l’avis général, la consommation de viande et de produits laitiers dans le monde devrait doubler d’ici à 2050, on peut voir qu’il s’agit d’un problème grave et dont l’ampleur est croissante.

La bonne nouvelle c’est que nous pouvons faire quelque chose à ce sujet, et relativement rapidement. Une réduction de la production, de la consommation et du commerce de la viande et des produits laitiers serait un moyen efficace et réaliste pour réduire le chaos climatique. Comparé au carbone, le méthane est beaucoup plus facile et beaucoup plus rapide à « nettoyer » de l’atmosphère. Quant à l’oxyde nitreux, une contraction et une restructuration de la filière de la viande pour aller vers des petits systèmes locaux pourraient le faire disparaître ainsi que tout l’engrais qui est actuellement utilisé pour produire l’alimentation végétale.

Il n’est pas nécessaire que nous devenions tous végétaliens mais, si nous voulons faire face au changement climatique, nous devons prendre des mesures très énergiques par rapport à l’industrie de la viande à une échelle systémique et internationale. Il ne suffit pas d’arrêter l’extraction et la combustion des combustibles fossiles.

(Il est important de noter que les données de la FAO sur les émissions de GES provenant du bétail sont établies avec la participation de personnes issues du secteur de la viande et des produits laitiers : le Conseil international de la volaille, l’Association internationale d’alimentation animale, le Secrétariat international de la viande, la Commission internationale des œufs et… Danone.)

Notes

[1]Voir les prochains rapports du Corporate Europe Observatory, http://corporateeurope.org, ainsi que les précédents rapports du Sierra Club, du réseau des Amis de la Terre, du CEO et d’autres organisations regroupés sur http://www.bilaterals.org/?+-climate-+

[2] Peter Rossman, « Against the Trans-Pacific Partnership », Jacobin, 13 mai 2015 : https://www.jacobinmag.com/2015/05/trans-pacific-partnership-obama-fast-track-nafta/

[3] Voir La Via Campesina et GRAIN, « Souveraineté alimentaire : 5 étapes pour refroidir la planète et nourrir sa population », 5 décembre 2014, https://www.grain.org/fr/article/entries/5101-souverainete-alimentaire-5-etapes-pour-refroidir-la-planete-et-nourrir-sa-population

[4] Nous ne sommes pas en mesure d’évaluer ces données ici, mais nous espérons le faire bientôt.

[5] Voir OCDE-FAO, Agricultural Outlook 2015, 1er juillet 2015, http://dx.doi.org/10.1787/agr_outlook-2015-10-en. Le commerce des poissons et fruits de mer a déjà doublé au cours des cinq dernières années et ces aliments sont devenus la source de protéines la plus largement commercialisée. Pour plus d’informations, voir Rabobank, http://rabobank-food-agribusiness-research.pr.co/98495-seafood-a-myriad-of-globally-traded-aquatic-products

[6] Voir le chapitre détaillé sur la viande du document OCDE-FAO, op cit.

[7] Le tonnage autorisé pour la viande bovine sans hormones sera peut-être augmenté de 50 000 tonnes par an. Il ne s’agit que d’une hypothèse sur laquelle travaillent les experts, à partir de ce que l’UE a proposé au Canada dans le cadre du CETA. http://capreform.eu/ttip-and-the-potential-for-us-beef-imports/

[8] Ed Gannon et Simone Smith, China FTA : Australian dairy to win share from New Zealand », Weekly Times, 26 mai 2015, http://www.weeklytimesnow.com.au/agribusiness/dairy/china-fta-australian-dairy-to-win-share-from-new-zealand/story-fnkeqg0i-1227369585925 ; « China dairy sector », CLAL.it, http://www.clal.it/en/?section=stat_cina

[9] Les investisseurs chinois ne sont pas les plus grands propriétaires terriens étrangers en Australie, mais ils achètent ou soumettent des offres pour certaines des exploitations laitières et bovines les plus importantes du pays. Voir farmlandgrab.org.

[10] Voir par exemple, Naomi Tajitsu et Charlotte Greenfield, China’s Bright to buy 50 pct stake in NZ meat processor, Reuters, 14 sept. 2015, http://www.reuters.com/article/2015/09/15/newzealand-silverfern-merger-idUSL4N11L1E820150915

[11] « China’s agricultural imports in disarray », Dimsums, 15 août 2015, http://dimsums.blogspot.fr/2015/08/chinas-agricultural-imports-in-disarray.html

[12] « Pengxin may buy two cattle farms in Australia », China Daily, 2015-8-29, http://www.ecns.cn/business/2015/08-29/179146.shtml

[13] Voir GRAIN, « La sécurité sanitaire des aliments dans l’accord de libre échange UE-États-Unis : une réflexion plus globale », 10 déc. 2013, https://www.grain.org/fr/article/entries/4847-la-securite-sanitaire-des-aliments-dans-l-accord-de-libre-echange-ue-etats-unis-une-reflexion-plus-globale et FoEE, GRAIN, IATP et autres, « EU-US trade deal threatens food safety », 5 fév. 2015, https://www.grain.org/e/5129

[14] Matthew Weaver, « Vilsack : TPP text available in next 30 days », Capital Press, 6 octobre 2015, http://www.capitalpress.com/Nation_World/Nation/20151006/vilsack-tpp-text-available-in-next-30-days

[15] Ces données proviennent du rapport GLEAM (Global Livestock Environmental Assessment Model) de la FAO, « Greenhouse gas emissions from pig and chicken supply chains », 2013, http://www.fao.org/docrep/018/i3460e/i3460e.pdf

[16] Idem.

[17] Voir GRAIN, « Le libre-échange et l’épidémie de malbouffe au Mexique », 2 mars 2015,https://www.grain.org/fr/article/entries/5189-le-libre-echange-et-l-epidemie-de-malbouffe-au-mexique

[18] Harish Kumar Jeswani, Richard Burkinshaw, Adisa Azapagic, « Environmental sustainability issues in the food-energy-water nexus : Breakfast cereals and snacks », Science Direct, avril 2015, http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352550915000238

[19] Jake Maxwell Watts, Kathy Chiu et Celine Fernandez, « Company stampede to Southeast Asia seen on Trans-Pacific Partnership trade pact », Wall Street Journal, 7 octobre 2015, http://www.wsj.com/articles/company-stampede-to-southeast-asia-seen-on-trade-pact-1444230531

[20] Bernama, « TPP broadens market scope in US, say palm oil experts », 7 octobre 2015, http://www.themalaymailonline.com/money/article/tpp-broadens-market-scope-in-us-say-palm-oil-experts

[21] Gouvernement du Canada, « CETA : What has been said »,http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/ceta-aecg/benefits-avantages/quotes-citations.aspx

[22] John Beghin, Jean-Christophe Bureau et Alexandre Gohin, « The impact of an EU-US Transatlantic Trade and Investment Partnership agreement on biofuel and feedstock markets », J Working Paper 14-WP 552, novembre 2014, http://www.card.iastate.edu/publications/dbs/pdffiles/14wp552.pdf

[23] Voir Karen Hansen-Kuhn, « Local economies on the table : TTIP procurement update », IATP, 13 novembre 2014, http://www.iatp.org/documents/local-economies-on-the-table

[24]Les initiatives de type « acheter local » dans le secteur alimentaire ne sont pas toutes meilleures pour le climat. Mais beaucoup le sont.

[25] FAO, « Major cuts of greenhouse gas emissions from livestock within reach, Key facts and findings », 26 sept. 2013, http://www.fao.org/news/story/en/item/197623/icode/

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