Édition du 17 décembre 2024

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Économie

ÉNERGIES ANALYSE

Ce choc énergétique qui vient

Pétrole, gaz, électricité… les prix des énergies en Europe explosent depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les marchés paniquent. Et l’Europe commence à mesurer l’ampleur du piège russe dans lequel elle s’est laissé enfermer. Le choc économique qui s’annonce pourrait être de la même ampleur que celui de 1973.

3 mars 2022 | tiré de mediapart.fr

L’espoir était mince. Mais jusqu’au dernier moment Américains et Européens avaient escompté un geste, un léger fléchissement des pays producteurs membres de l’OPEP en soutien à leur politique de sanctions contre la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine. La réunion du 2 mars a douché leurs attentes : l’OPEP n’a pas bougé.

Les Occidentaux n’ont pas réussi à détacher les pays producteurs de pétrole de la Russie, devenue un acteur important de l’OPEP+ depuis 2014. Comme l’avaient laissé entendre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis dès le 27 février, les membres du cartel pétrolier ont décidé de rester à l’écart des mesures de rétorsion décidées par les Occidentaux, et de refuser de se substituer à la Russie en augmentant leur production pétrolière afin de soulager les économies occidentales.
L’Inde, l’Égypte, le Mexique, qui ne sont pas membres du cartel, semblent prêts à se rallier à cette position officielle de neutralité.

Leur position se résume en un chiffre : ils n’augmenteront pas leur production de plus 400 000 barils par jour en avril, comme cela était prévu de longue date. Comme si l’offre permettait de satisfaire la demande, comme si les tensions n’existaient pas sur les marchés de l’énergie depuis l’été, comme si l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les sanctions qui lui sont infligées en représailles ne bousculaient pas tout.

Des pêcheurs irakiens près du champ de pétrole de Nahr Bin Omar, au nord de l’Irak, le 21 janvier 2021. © Photo Hussein Faleh / AFP

En dépit de tout cela, les pays producteurs estiment qu’il n’y a pas lieu de changer de cap. « Je ne pense pas que le marché soit sous-approvisionné actuellement. Il y a d’autres facteurs qui ne dépendent pas de nous qui touchent le marché », avait justifié par avance le ministre émirati de l’énergie, Suhail al-Mazrouei. « Il n’y a pas besoin de produire plus de barils que prévu », avait surenchéri le ministre nigérian du pétrole Timipre Sylva.

Pour les économies occidentales, c’est le scénario noir. La sortie chaotique de deux ans de crise sanitaire provoquée par le Covid-19, doublée par une flambée des prix de l’énergie depuis l’été, a fait renaître des poussées inflationnistes inconnuesdepuis plus de 30 ans. En février, les prix ont augmenté de 5,8 % dans la zone euro, de 4,5 % en France, selon les statistiques publiées le 2 mars. Selon des estimations publiées ces derniers jours, l’Europe pourrait connaître une inflation égale ou supérieure à 5 % tout au long de 2022.

Mais tous ces calculs étaient avant. Avant la guerre en Ukraine.

Un choc énergétique comparable à celui de 1973

En six jours, le cours du Brent, pétrole de référence sur les marchés européens, a augmenté de près de 30 % pour atteindre le 2 mars 113 dollars le baril. Le WTI, référence pétrolière sur les marchés américains, a flambé dans les mêmes proportions et cote à plus de 106 dollars le baril. Certains analystes annoncent déjà des cours à 120- 125 dollars le baril. Le litre d’essence à deux euros à la pompe est désormais plus qu’une probabilité.

Cours du Brent sur un an ( en dollars par baril). © Boursorama

D’autant que le gouvernement américain agite maintenant la menace d’étendre les sanctions et de frapper le secteur énergétique russe, ce qu’il avait exclu jusqu’à présent. Le 2 mars, l’attachée de presse de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a déclaré dans un entretien sur la chaîne MSNBC que « le sujet était sur la table ». « Mais nous avons besoin d’évaluer tous les impacts que cela pourrait avoir. Nous n’allons pas nous faire mal. Nous essayons de faire mal au président Poutine et à l’économie russe », a-t-elle précisé.

« Les sanctions contre la Russie auront un prix aussi pour nous », a prévenu Emmanuel Macron dans son allocution du 2 mars, tout en cherchant à en minimiser l’ampleur réelle à venir. Alors que la question de la menace de l’inflation sur le pouvoir d’achat s’est déjà invitée dans les débats, les gouvernements européens commencent à annoncer des séries de mesures – allant de la baisse de la fiscalité à des chèques énergie pour les ménages les plus précaires – pour limiter l’impact de cette nouvelle flambée. La politique du « quoi qu’il en coûte », instaurée au moment des premiers confinements de mars 2020, est de retour à pleine puissance.

Déjà, la Banque centrale européenne a annoncé qu’elle n’était plus en position de « normaliser » sa politique monétaire avant 2023, tandis que la Commission européenne prévoit aussi d’allonger les exemptions aux règles budgétaires européennes pour une durée encore indéterminée.

Des mesures bienvenues mais qui risquent d’être insuffisantes par rapport au choc à venir, préviennent cependant certains économistes. Ces dernières semaines, ceux-ci évoquaient de plus en plus souvent le retour de la stagflation, un environnement marqué par une stagnation économique accompagnée par une forte inflation, comparable à celle de la fin des années 1970, au vu de la résurgence d’une inflation forte dans des économies qui ne se sont pas relevées de la crise du Covid.

Après l’invasion de l’Ukraine, le scénario s’est encore noirci : un choc énergétique – car le gaz compte autant que le pétrole dans les circonstances actuelles – équivalent au moins à celui de 1973, au moment de la guerre du Kippour. Un choc qui ne pourrait, selon eux, conduire qu’à une récession de grande ampleur dans les économies occidentales, et peut-être même à une dépression, avec l’éclatement de toutes les bulles d’actifs et des fausses valeurs qui se sont formées depuis la crise financière de 2008.

Pour tenter de contrer le danger, tous les expédients sont requis. Le 1er mars, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a ainsi annoncé la mise sur le marché d’une partie des réserves des stocks stratégiques mondiaux « afin d’envoyer un message fort aux marchés mondiaux pétroliers qu’il n’y aura pas de rupture dans les approvisionnements en dépit de l’invasion russe en Ukraine ». Un dispositif exceptionnel que l’AIE n’a pas utilisé depuis 2011 au moment de la guerre en Libye.

Cette annonce a eu le même effet que la décision prise en décembre par Joe Biden de mettre sur le marché une partie des stocks stratégiques américains, afin d’endiguer la flambée du prix de l’essence : elle a duré dix minutes. Dans la foulée, le prix du baril a augmenté de 6 %.

Chaos sur les marchés pétroliers

Chaos. C’est le terme qui revient le plus fréquemment chez les intervenants sur le marché pétrolier pour définir ce qui se passe aujourd’hui. L’annonce des sanctions occidentales contre la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine a eu un effet de souffle sur le négoce mondial de l’énergie. Même si Américains et Européens ont pris la peine de souligner que les achats de pétrole et de gaz russes ne seraient pas concernés par les interdictions, afin de ne pas trop pénaliser les économies occidentales, le bannissement des banques russes du système Swift – messagerie mondiale qui permet de sécuriser les transactions et les transferts de fond – a tout gelé.

Alors que les autorités américaines et européennes ont tardé à donner des règles claires sur l’étendue des sanctions – le nom des banques russes exclues, les modalités des transactions qui pourraient être autorisées –, on assiste à un arrêt quasi général des achats de pétrole russe sur le marché. Faute de savoir quelles étaient les contreparties, comment pouvait être transféré l’argent, s’ils n’étaient pas passibles de poursuites en cas d’achat, les négociants ont choisi de se tenir à l’écart du pétrole russe, devenu soudain hautement radioactif.

L’histoire a fait le tour du petit monde des négociants d’énergie le 1er mars. Trafigura, la plus grande société de courtage pétrolier au monde, a proposé le 1er mars l’achat d’une livraison d’un tanker russe arrivé en mer Noire à un prix défiant toute concurrence : la décote était de plus de 20 % par rapport aux cours mondiaux. Pourtant, la cargaison n’a pas trouvé preneur. « Environ 70 % du négoce pétrolier russe est gelé. La plupart des grands acteurs pétroliers ne veulent pas toucher au pétrole russe. Il n’y a plus que quelques raffineurs et sociétés de négoce européennes sur ce marché », a expliqué un consultant d’Energy Aspects à Bloomberg.

Alors que la crainte de voir la Russie fermer les robinets de gaz et de pétrole dominait dans les conversations des intervenants sur les marchés de l’énergie, cette dernière, même si elle subsiste, est remplacée par une autre peur : celle d’un accident de marché, provoqué par l’arrêt complet des exportations russes faute d’une sécurité financière minimum, qui se répercuterait sur l’ensemble.

« L’hypothèse selon laquelle les flux [d’exportations pétrolières et gazières russes – ndlr] continueront d’être à l’écart des sanctions prises par la Russie est devenue beaucoup moins tenable. [...] la sécurité et la fiabilité des fournitures énergétiques russes sont devenues un sujet dominant du marché au cours de la semaine dernière », préviennent des analystes de la banque Standard Chartered dans une note. « Bien que les sanctions soient conçues pour éviter un choc des prix de l’énergie, nous pensons que cette position agressive mais non maximaliste n’est peut-être pas durable, les ruptures dans les livraisons de gaz et de pétrole semblent de plus en plus inévitables  », écrit de son côté la société de conseil en investissement Evercore Isidans une note.

Le statu quo de l’OPEP

Ils n’osent même pas imaginer ce que représenterait l’effacement de la production russe des marchés pétroliers : la Russie est le deuxième producteur mondial de pétrole après les États-Unis, avant l’Arabie saoudite. Elle extrait en moyenne 10,8 millions de barils par jour, soit 10 % de la production mondiale (100 millions de barils par jour). Elle en exportait environ 6 millions.

Même si l’Iran revient sur les marchés pétroliers – l’hypothèse de la levée des sanctions contre Téhéran dans le cadre d’un accord sur le nucléaire est de plus en plus évoquée –, cela ne peut suffire à compenser la perte de l’approvisionnement russe. Selon la banque JPMorgan, les capacités disponibles représentent 2,6 millions de barils supplémentaires. Un niveau qui était déjà jugé – avant même la guerre d’Ukraine – comme très insuffisant pour garantir la sécurité des approvisionnements mondiaux : ces capacités étaient à plus de 4 millions de barils avant la crise sanitaire.

C’est un des casse-tête des spécialistes des marchés pétroliers : pourquoi l’offre ne réussit-elle pas à répondre à la demande ? La consommation pétrolière a certes rebondi après la paralysie économique de 2020 mais pas dans des proportions aussi importantes que certains veulent le dire. Après quelques mois de remise en route, la production pétrolière aurait dû être en état de pouvoir répondre. Or elle ne l’est pas. Le déficit de production est persistant.

Les interruptions liées au Covid, les difficultés de trouver les équipements et les pièces nécessaires, sont mises en avant. Certains avancent d’autres arguments : « Le marché pétrolier est artificiellement tendu », accusait ces derniers jours le chroniqueur de Reuters George Hay. « L’OPEP+ pompe environ 3 millions de barils par jour de moins de ce qu’elle pourrait produire. Et l’essentiel de ces capacités supplémentaires est en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. »

Ce dernier pariait cependant que les deux pays, en raison des relations anciennes et étroites avec les États-Unis, libéreraient des productions supplémentaires, si Washington le leur demandait. Erreur : l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont été les chefs de file pour défendre le statu quo au sein de l’OPEP.

Les politiques de transition énergétique en danger

Car le temps de l’amitié indéfectible est révolu. Désormais, les deux États sont en concurrence directe avec les États-Unis, devenus le premier producteur pétrolier mondial avec l’avènement de l’industrie de la fracturation hydraulique. En 2014, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avait lancé une guerre des prix farouche dans l’espoir de réimposer la puissance saoudienne face aux producteurs américains. Cela se termina par un échec ruineux.

Depuis, l’Arabie saoudite a changé de cap et l’OPEP avec elle. Sans en être un membre officiel, la Russie a été appelée à rejoindre le cartel devenu OPEP+. La Chine, et dans une moindre mesure l’Asie, est devenue la destination privilégiée des exportations pétrolières du Moyen-Orient, d’autant qu’elle accepte, à la différence des pays occidentaux, d’inscrire ses approvisionnements dans le cadre de contrats de long terme, assurant à tout le monde une visibilité et des prix fixes.

Et une nouvelle stratégie a été définie : les prix plutôt que les volumes. L’année 2020, au cours de laquelle est descendu en dessous de 20 dollars le baril, les a confortés dans cette voie. À la sortie du confinement, tous se sont ralliés à la stratégie de la rareté, afin que les cours se redressent.

L’envolée actuelle des prix pétroliers ne peut que les satisfaire : après avoir connu sept ans de chute (2013-2020), leurs revenus pétroliers ont plus que triplé en 2021.
Mais les producteurs non membres de l’OPEP ne sont pas plus enclins à prendre le relais. Depuis plusieurs mois, le gouvernement américain lance des appels de plus en plus insistants pour que les producteurs américains augmentent leurs productions, afin de faire baisser les cours. En vain. Même à 100 dollars le baril, ils ne se précipitent pas.

Car l’heure est à la revanche. Critiqués pour leur inaction contre les dérèglements climatiques, leur rôle dans les pollutions diverses, les groupes pétroliers ont bien l’intention de profiter de ce nouveau rapport de force pour revenir sur nombre de mesures prises pour encadrer leur activité. Le sous-investissement dans l’exploration et la production pétrolières, qui conduit au manque de pétrole aujourd’hui, est dû, expliquent-ils, à toutes les pressions mises par les gouvernements, les organisations environnementales, l’opinion publique. Si le monde veut du pétrole, rajoutent-ils, il doit accepter de supprimer les contraintes qui leur ont été imposées et qui font peser un risque financier majeur sur leur activité : quelque 500 milliards de dollars d’actifs sont condamnés à plus ou moins long terme.

Compte tenu des tensions qui existent sur les marchés pétroliers et des risques qui planent sur l’économie mondiale, il y a tout à craindre pour les politiques de transition énergétique dans les mois à venir.

Une tête de puits coulant sur le champ de gaz naturel liquéfié d’Utrenneye, sur la côte de la mer de Kara dans le cercle arctique, en Russie, le 30 novembre 2021. © Photo Natalia Kolesnikova / AFP

Le piège de la dépendance européenne au gaz russe

Ce qui se passe sur les marchés pétroliers n’est rien par rapport aux marchés gaziers. La Russie est le premier fournisseur gazier mondial. À elle seule, elle fournit 40 % de la consommation gazière en Europe. Cela peut atteindre 100 % pour des pays comme l’Autriche, 60 % en Allemagne, un peu plus de 50 % pour l’Italie.
Conformément aux sanctions adoptées par les Américains et les Européens, le gaz russe continue d’arriver par les gazoducs qui passent par l’Ukraine, l’Europe centrale et Nord Stream 1. Depuis une semaine, les Européens en ont même jamais autant acheté : la facture s’élève à 700 millions de dollars par jour, selon les calculs de Bloomberg.

Les négociants de gaz russe cependant sont sur les dents : ils redoutent une interruption des livraisons à tout moment, soit pour des problèmes financiers en raison de l’exclusion des banques russes du système Swift, soit par décision de Vladimir Poutine de tout arrêter, soit à cause d’éventuelles destructions des infrastructures gazières en Ukraine.

Comble de malchance : l’hiver est plus long et plus rigoureux que les précédents. Et la production d’électricité par les éoliennes est au point le plus bas, en raison d’une succession d’anticyclones en Europe du Nord.

Résultat ? Le prix du gaz à Amsterdam, la plateforme néerlandaise qui sert de référence pour le gaz européen, a augmenté de 60 % le 3 mars, pour atteindre 194 euros le MWh. Dans les premiers échanges ce jeudi 3 mars, il a augmenté encore de 2 %, à 198 euros le MWh. Par effet de contagion, le prix de l’électricité en Europe – établi sur le coût marginal du gaz – flambe à son tour : il oscille entre 300 et 500 euros le MWh.

Avec des prix dix fois supérieurs à la normale, « nous sommes entrés dans le territoire de destruction de la demande », dit Ole Hanse, le responsable matières premières à Saxo Bank. La contrainte exercée par cette flambée des prix de toutes les énergies (pétrole, gaz, électricité) sur les ménages, les entreprises, l’économie tout entière, va bientôt se révéler insupportable, amenant les uns et les autres à de nombreux renoncements – produire, se chauffer, se déplacer. Avant même le début de la guerre en Ukraine, des entreprises d’aluminium, de papier, d’engrais chimiques avaient déjà renoncé à certaines productions, estimant impossible de faire face à une telle hausse de leurs coûts de production.

La panique s’est installée sur les marchés gaziers européens : tout le monde cherche d’autres sources d’approvisionnement susceptibles de remplacer le gaz russe. Les uns se tournent vers l’Algérie, d’autres vers le Qatar, certains aussi tapent à la porte des producteurs américains pour importer du gaz de schiste jusqu’alors banni en Europe.

Troisième producteur mondial, le Qatar a déclaré être prêt à vendre du gaz naturel liquéfié (GNL) supplémentaire à l’Europe. Mais en ajoutant tout de suite que ses capacités étaient limitées, l’essentiel de sa production étant déjà vendu dans le cadre de contrats long terme, avec la Chine notamment. L’Algérie a donné à peu près la même réponse.

L’aveuglement de l’Europe

En dehors de Gazprom, les ressources gazières inexploitées ne sont pas légion, selon les connaisseurs du marché. À cela s’ajoute un autre problème : le manque criant de moyens de transport, d’infrastructures gazières pour acheter du gaz ailleurs. Même si quelques bateaux sont détournés pour venir livrer du gaz de schiste américain en Europe, le nombre de méthaniers susceptibles d’acheminer du GNL est insuffisant pour compenser ne serait-ce que partiellement les livraisons de gaz russe. De même, en dehors de l’Espagne et de la France, aucun autre pays européen n’a les capacités portuaires et les capacités de stockage suffisantes pour accueillir de larges cargaisons de GNL.

L’Allemagne a ainsi soudain découvert qu’elle n’avait pratiquement aucune capacité de stockage disponible – la plupart ont été fermées au cours de ces quinze dernières années au nom de la bonne gestion. Surtout, elle n’a aucun port méthanier. Parmi les grands revirements de la politique allemande cette dernière semaine, il y a aussi celui-là : le chancelier Olaf Scholz s’est engagé à construire un port méthanier d’ici trois ans.

Cours du charbon en Europe sur un mois ( en dollars par tonne) © Boursorama

« Il faudra au moins cinq ans pour que l’Europe sorte de la dépendance du gaz russe », prévient une étude de la Banque mondiale. En attendant, chacun essaie de faire feu de tout bois. À défaut de trouver d’autres sources d’approvisionnement gazières, l’Allemagne et les pays de l’Europe centrale remettent en route leurs vieilles centrales à charbon. Les achats de charbon polonais n’ont jamais été aussi élevés depuis des années. En trois jours, les prix ont plus que doublé, passant de 200 à 435 dollars la tonne. Et toutes les belles promesses de lutte contre les dérèglements climatiques sont brusquement renvoyées aux calendes grecques.

Même si certains continuent à espérer que ces moments de folie seront passagers, beaucoup disent déjà avoir enterré cette illusion. Ils redoutent que la situation n’empire encore sur les marchés de l’énergie, avec des contre-coups vertigineux sur l’ensemble de l’économie européenne. L’hiver à venir leur fait particulièrement peur.

Malgré tous les avertissements, l’Europe se retrouve prise au piège savamment calculé et anticipé par Vladimir Poutine. En dépit de grandes déclarations sur le climat, elle reste totalement dépendante d’une économie totalement carbonée bâtie sur des prix de l’énergie le plus bas possibles. Elle s’est refusée depuis des décennies à penser en termes de sécurité et de stratégie énergétiques. Comme elle a renoncé à toute planification de la transition énergétique afin d’offrir un cadre et des objectifs clairs et prévisibles pour tous les acteurs.

Par aveuglement idéologique, par incurie, elle s’est persuadée que la bienheureuse « main invisible » du marché serait la plus à même de satisfaire à la fois les besoins immédiats au meilleur prix et de définir les meilleures stratégies pour l’avenir. Cette dernière s’avère désormais n’être capable de faire ni l’un ni l’autre, laissant les populations européennes démunies, exposées à tous les vents de l’histoire. La facture de ces erreurs risque d’être exorbitante.
Martine Orange

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