Son discours appelle à des réformes fondamentales : système de soins de santé universel et étatique, gratuité de scolarité dans les collèges, le salaire minimum à 15$ l’heure, le fractionnement des grandes banques, la garantie que les riches paieront leur juste part de taxes et d’impôts. C’est ce qui a inspiré les travailleurs-euses dans tout le pays. Il a une réponse vigoureuse à la crise de l’environnement qui attire un grand de jeunes électeurs-trices et sa proposition de politique étrangère qui met l’accent sur la diplomatie plutôt que sur les changements de régime sonne positivement aux oreilles de ceux et celles que les guerres inquiètent. Et plus important encore, sa campagne non orthodoxe lui a permis de dire la vérité quant aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Il convie la population à une « révolution politique » parce que dit-il, les changements dont le pays a si dramatiquement besoin ne peuvent advenir que si la démocratie sort des griffes des Wall Street, des banquiers et des multi millionnaires.
Nous croyons qu’une telle révolution est non seulement possible, mais nécessaire et c’est pourquoi nous soutenons la candidature de Bernier Sanders à la présidence. The Nation a rarement soutenu des candidats démocrates au stade des primaires. Ceci n’est survenu que deux fois, pour Jesse Jackson en 1988 et B. Obama en 2008. Si nous le faisons cette année c’est que nous sommes convaincus que notre système est mal orienté et qu’il favorise une petite minorité au détriment de la majorité. Les Américains-es sont maintenant conscients-es de cette réalité et exigent des changements. Dans les deux primaires, démocrate et républicaine, cet aspect des choses apparaît, mais les réponses y sont fondamentalement différentes.
Les inégalités sont au cœur des crises économiques et politiques. Les États-Unis sont devenus une ploutocratie, le système y fonctionne en faveur d’une oligarchie.
Comme le dit M. Sanders : « non seulement avons-nous des richesses presque infinies et des inégalités de revenus, mais il y a une structure de pouvoir qui protège ces inégalités ». La classe moyenne américaine a fondu pendant que l’écart de richesse atteint les niveaux d’extrémité du « Gilded Age [1] ». La reprise après la crise économique de 2008 n’a pas été partagée. En fait, il semble que rien n’est partagé de nos jours ni la prospérité ni la sécurité et même pas les responsabilités. Alors que des millions de personnes se débattent avec les conséquences des changements climatiques, les grandes industries d’énergies fossiles font la promotion des climatosceptiques pour pouvoir continuer à accumuler des profits en détruisant de la planète. Alors que la population n’en peut plus des guerres sans fin, le complexe militaro-industriel et ses partisans-es continuent à défendre des interventions risquées qui coûtent les yeux de la tête, mettent à mal notre réputation à l’étranger et créent un tourbillon de pertes, de fraudes et d’abus au Pentagone. Alors que les Américains-es de toutes allégeances reconnaissent la nécessité de réformer notre système juridique et de lutte contre la criminalité, les Afro-américains-es, hommes femmes et enfants, continuent de se faire descendre dans la rue par des policiers-ères et l’incarcération de masse se poursuit.
Les Américains-es en ont assez et montent au front. Prises isolément, la lutte pour le salaire minimum à 15$ de l’heure, de Black Lives Matter, du mouvement pour l’environnement et contre les changements climatiques, celui pour les droits des immigrants-es, la campagne pour une taxe sur les transactions financières et le renouvellement de la bataille pour un régime de soins de santé universel et étatique, peuvent paraître sans liens. Mais si vous les prenez comme un tout, vous voyez que cela forme un assemblage de colères contre un gouvernement qui soutient les demandes des riches et ne fait rien pour satisfaire les besoins du plus grand nombre. Ce sont ceux-là qui partagent un même sentiment de fureur devant une politique que des intérêts spéciaux et l’argent facile ont saisie à leurs fins et la présence d’une corruption perverse qui travestit la notion même de démocratie.
Ces mouvements de lutte pour plus d’égalité et de justice ont trouvé leur homme chez Bernie Sanders. Contrairement aux démagogues de droite qui exploitent ces crises pour fomenter la division, le Sénateur du Vermont reste fidèle à la fière tradition sociale démocrate pour faire revivre la simple, mais puissante notion de solidarité. Nous devons nous tourner les uns-es vers les autres pas les uns-es contre les autres [2], nous dit B.Sanders ; il faut nous unir pour changer les politiques corrompus qui nous affectent tous et toutes.
Le financement de sa campagne est à l’image de cet engagement ; il repose sur les contributions de millions de personnes et s’éloigne résolument du soutien des « super-PACs [3] » des entreprises. C’est grâce à l’intégrité qui règne dans sa campagne électorale qu’il offre à lui seul le potentiel d’unification des mouvements qui surgissent à la base partout dans le pays et claironnent l’irrésistible exigence du changement politique et systémique.
Bernie Sanders défie maintenant les structures politiques traditionnelles depuis trente ans. Il a constamment défendu des idées et des enjeux bien au-delà des limites de la politique de plus en plus restreinte dans notre pays. Alors qu’il était maire de Burlington, il s’est battu pour que les rives du lac Champlain soient ouvertes à la population, pour le développement du centre-ville tout en présentant des budgets équilibrés. À la Chambre des représentants, il a travaillé à l’organisation du Caucus progressiste et a présenté des propositions pour protéger les retraites et augmenter le nombre de centres communautaires médicaux. Au Sénat, il s’est opposé aux abus de surveillance, aux guerres, à la déréglementation des banques et aux sauvetages financiers des multi millionnaires par l’État. Il a été félicité pour la qualité de sa présidence du Comité sénatorial pour les affaires des anciens combattants.
Si nous sommes convaincus que Bernie Sanders ferait un grand président, nous sommes bien conscients qu’il n’en est pas au bout du chemin pour se rendre à la Maison-Blanche. Au moment de publier ce texte, il est en bonne position pour gagner les caucus de l’Iowa et la primaire du New Hampshire. Il gagne des points dans les sondages à l’échelle du pays contre Mme Clinton. Son message économique populiste résonne positivement chez beaucoup de progressistes et de jeunes électeurs-trices. Mais il doit encore arriver à développer ses appuis chez les Afro-Américains-es, les Latinos et chez ceux et celles d’origine asiatique qui forment l’essentiel des rangs démocrates.
Ceci dit, il est soucieux de la nécessité de construire une large coalition. Avec M. Sanders, les Démocrates ont un candidat qui peut se rendre au bout de l’exercice : il a marché pour les droits civiques en 1960 et ses états de service dans la défense de la justice raciale parlent en sa faveur ; il s’est battu pour l’égalité des femmes et pour les droits des LGBTs. Ils ont aussi un candidat qui a fait preuve de volonté d’écouter et d’apprendre. Il a été interpellé au début de sa campagne par les militants-es du mouvement Black Lives Matter. Depuis, il a élaboré un plan pour tenir les services policiers responsables de leurs actes, pour réduire les incarcérations et pour réformer les lois discriminatoires liées au trafic de drogues.
Les électeurs-trices peuvent lui faire confiance. Il ne doit pas sa carrière aux financiers qui soutiennent le statu quo. Indépendant de cette chaîne d’intérêts particuliers, il peut adopter les mesures vigoureuses dont le pays a besoin. Il est le seul à proposer la dislocation des grandes banques, si grandes qu’elles ne peuvent faire faillite. Le seul à proposer d’investir dans le secteur d’éducation public, dans un réseau universel de centres gratuits de la petite enfance avec la gratuité des frais de scolarité dans les collèges. Il est le seul à vouloir casser le pouvoir des cartels pharmaceutiques et à réformer Medicare en l’ouvrant à tous et toutes. Il est aussi le seul à proposer d’augmenter le pouvoir des travailleurs-euses en augmentant les salaires au niveau du coût de la vie. Il est également seul qui soit prêt à mettre les Américains-es au travail en reconstruisant nos infrastructures qui s’écroulent et en faisant face aux changements climatiques en rendant les États-Unis chef de file dans les équipements pour les énergies renouvelables. Ce programme audacieux montre qu’en politique, l’argent ne l’élargit pas le débat, au contraire il rétrécit l’éventail de possibilités. Si M. Sanders comprend bien cela, nous craignons que sa rivale n’en fasse pas autant.
(…)
L’approche de M. Sanders est meilleure et différente (de celle de Mme Clinton. N.D.T.) Il n’a pas autant parlé que nous le voudrions des défis mondiaux et des opportunités. Nous l’incitons à le faire et à se centrer sur la politique étrangère. Mais ce qu’il a déclaré (et fait) inspire confiance. Il s’est opposé à la guerre en Irak depuis le début, il a critiqué la notion de « changement de régime » et la présomption que les États-Unis peuvent seuls assumer le rôle de « police du monde ». Il a rejeté l’idée d’une nouvelle guerre froide avec la Russie. Il soutient l’accord nucléaire avec l’Iran et il travaillerait encore au démantèlement des arsenaux nucléaires et a là non-prolifération. Il a longtemps milité pour la normalisation des relations avec Cuba et pour améliorer la politique américaine dans les Amériques.
Selon son programme en matière de politique étrangère, il créerait les conditions pour le développement de la prospérité dans le pays tout en là partageant. Il prendrait la tête d’un effort international pour en finir avec les politiques d’austérité qui vont engendrer une autre récession et il militerait pour un nouveau New Deal pour combattre les changements climatiques. Comme il s’oppose au Traité Trans-Pacifique, il annulerait tous ces traités de libre-échange définis pour les besoins des entreprises et qui ont détruit la classe moyenne de ce pays.
Les critiques de Bernie Sanders le traitent d’idéaliste (c’est vrai !) et l’accusent de défendre des chimères. Par ailleurs, les médias dominants, à leur courte honte, n’ont pratiquement fait aucun cas de ses succès de campagne, pendant qu’ils diffusaient les moindres déclarations outrancières de Donald Trump et des candidats républicains qui l’affrontent. Mais les sondages montrent que B. Sanders, que bien des électeurs-trices découvrent encore, ferait bonne figure face à l’opposant républicain désigné et souvent avec un meilleur résultat que Mme Clinton. En plus, contrairement aux audiences limitées dans ses assemblées, les foules qui se pressent dans celles de M. Sanders sont le signe qu’il serait capable de susciter une augmentation du vote.
Même si sa candidature et la campagne électorale inspirante qui alimentent l’étincelle de la « révolution politique » nous ne savons si elles seront suffisantes pour gagner la nomination démocrate et entrer à la Maison-Blanche cette année. Cela reste à voir. Ce que nous savons, c’est que sa candidature a déjà créé un espace pour un mouvement progressiste fort et démontré qu’une une autre politique est [4] possible. C’est une révolution qui va durer qu’il gagne la nomination ou non.
Bernie Sanders et ses partisans-es sont en train de mener une lutte historique qui va pousser la politique dans le sens de la justice. Ils et elles sont en pleine rébellion, présentent un possible et un rêve que nous endossons.