Les alliés de Bahreïn doivent agir avec plus de fermeté afin d’essayer de trouver une issue à la crise des droits humains qui gagne rapidement du terrain dans ce petit État du Golfe à la position stratégique, a déclaré Amnesty International jeudi 21 avril alors qu’elle diffusait une nouvelle synthèse sur la répression persistante de manifestations pacifiques.
Dans ce document, intitulé Bahrain : A Human Rights Crisis, Amnesty International engage les gouvernements entretenant des liens étroits avec Bahreïn à exhorter les dirigeants bahreïnites à mettre fin aux mesures punitives visant ceux qui appellent au changement.
« Les gouvernements du nord de l’Amérique et de l’Union européenne, qui ont récemment défendu avec zèle la cause des droits humains en Libye, en Tunisie et en Égypte doivent également se faire entendre sur ce qui se passe à Bahreïn », a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Afin d’éviter qu’on leur reproche de pratiquer deux poids deux mesures, ils doivent redoubler d’ardeur pour demander aux autorités bahreïnites de respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains. »
L’organisation a ajouté que le 16 mars, le gouvernement bahreïnite a lancé une opération de répression manifestement planifiée et orchestrée, en recourant à une force excessive pour étouffer les actions de protestation appelant au changement politique et à la réforme.
Les forces de sécurité ont utilisé des fusils, des balles en caoutchouc, du gaz lacrymogène et, dans certains cas, des balles réelles, parfois à une très faible distance, et dans des circonstances où le recours à des armes telles que des fusils et d’autres armes à feu ne pouvait être justifiée.
Les requêtes présentées par des délégués d’Amnesty International, qui se sont rendus à Bahreïn du 1er au 8 avril pour rencontrer de hauts responsables des forces de sécurité et de l’armée chargés de l’application des lois, ont été rejetées. Les autorités ont déclaré que la moindre information relative aux ordres transmis à la police et aux forces de sécurité était « classée secrète ».
La répression acharnée menée par le gouvernement, sa proclamation d’un « état de sécurité nationale » et le fait d’invoquer celui-ci pour arrêter et placer au secret manifestants et militants politiques ont exacerbé les tensions entre les communautés musulmanes sunnite et chiite, indique la synthèse.
Plus de 500 personnes ont été appréhendées au cours du mois écoulé. La plupart sont des chiites ayant participé à des manifestations. Dans presque tous les cas, des semaines après leur arrestation, on ignore toujours où ils se trouvent.
Certains détenus auraient été torturés ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements à la suite de leur arrestation. Au moins quatre détenus sont morts en détention dans des circonstances suspectes.
On trouve parmi les personnes arrêtées des médecins et des infirmières, pour la plupart employés par le complexe médical de Salmaniya, le principal hôpital de Bahreïn. Les raisons exactes de leur arrestation ne sont pas connues mais ils ont semble-t-il été pris pour cible parce qu’ils auraient soutenu les actions de protestation en soignant des manifestants, en critiquant le gouvernement dans les médias et en participant à des manifestations.
Des témoins ont dit à Amnesty International que lors des opérations de répression du mois de mars, les forces de sécurité ont lancé du gaz lacrymogène en direction du complexe, où des manifestants, dont des personnes blessées recevant des soins, auraient également été arrêtés et emmenés.
Les forces de sécurité auraient par ailleurs encerclé le centre hospitalier et empêché des manifestants blessés d’y entrer.
D’autres sources affirment cependant que certains professionnels de santé ont refusé de soigner des travailleurs originaires d’Asie ayant été blessés, tandis que le gouvernement soutient que ses forces ont pris le contrôle du complexe parce que les manifestants s’en servaient de base.
Amnesty International a découvert que malgré ces informations contradictoires, il semble que les forces de sécurité tout comme certains des manifestants de l’opposition ont bafoué la neutralité du complexe médical de Salmaniya.
Des centaines de personnes ayant rallié les manifestations ont perdu leur emploi au sein de la fonction publique, d’institutions de l’État et d’entreprises privées, notamment des maîtres de conférences, des enseignants, des médecins et des infirmières. De nombreux travailleurs n’ont pas été payés en mars.
La raison invoquée pour les licenciements est généralement que les employés en question ont enfreint les conditions de leur emploi en manifestant ; dans les faits cependant, il semble que le gouvernement cherche à signaler à ceux qui continuent à manifester que les conséquences seront néfastes, notamment en ce qui concerne leurs moyens de subsistance.
« Ce dernier mois, nous avons assisté à une détérioration spectaculaire de la situation des droits humains à Bahreïn », a conclu Malcolm Smart.
« Les Bahreïnites ont besoin de voir que leur gouvernement agit de manière résolue et dans la transparence afin de renverser la tendance et d’amorcer un processus de reconstruction de la confiance de la population dans ses institutions. »
Bahrain : A Human Rights Crisis :
http://www.amnesty.org/fr/library/i...
Complément d’information
Ce rapport s’appuie sur les constats faits par trois délégués d’Amnesty International qui étaient à Bahreïn du 1er au 8 avril 2011, à la suite de missions effectués en février 2011 et fin 2010, et sur le travail de suivi mené en continu par l’organisation sur l’évolution de la situation entretemps.