Un projet scindé pour mieux le faire passer ?
Le projet Arianne Phosphate prévoit le transport de quelques trois millions de tonnes d’apatite produites annuellement par bateau, ce qui nécessitera la construction d’un terminal maritime. Le site retenu par le promoteur, situé à Sainte-Rose du Nord, comporte de nombreux enjeux liés à l’environnement, à la sécurité et à l’acceptabilité sociale. Il n’a cependant pas été soumis au BAPE et fera plutôt l’objet d’une évaluation environnementale fédérale, séparée.
« Le promoteur semble avoir tronqué le projet en vue d’en faciliter l’acceptation, notamment car le site retenu pour le terminal est situé en amont du parc marin du Saguenay, un milieu hautement valorisé pour les bélugas et pour les activités récréotouristiques. En excluant toute analyse des impacts sur le milieu marin et les milieux riverains, on passe sous silence une grande partie des impacts reliés au projet. Cela crée un dangereux précédent » affirme Dominique Bernier, coordonnatrice de la Coalition, présente cette semaine lors des audiences au Saguenay.
Transport routier : la sécurité publique mise à mal
Le tracé routier retenu pour le transport du concentré de phosphate soulève également de nombreuses inquiétudes et a été remis en question par un grand nombre d’intervenants lors des audiences, incluant certains ministères. « Beaucoup d’intervenants s’inquiètent des risques d’accidents graves et mortels que pourrait entraîner le transport, chaque année, de près de 25 000 camions lourds sur une distance de 250km de routes forestières accidentées et tortueuses », affirmeUgo Lapointe, coordonnateur de Mining Watch Canada et porte-parole de la Coalition.
Le tracé routier privilégié actuellement par le promoteur traverserait une partie du parc national des Monts Valins. Ce chemin est fréquenté par 80 000 véhicules chaque année, en plus de loger nombre de résidences le long du parcours. « Ce tracé pose un risque inacceptable pour la sécurité routière, en plus de générer poussière, pollution de l’air et bruit pour les résidents du secteur », précise Dominique Bernier.
La Coalition demande que d’autres options de tracé routier soient analysées en détail, en privilégiant d’abord et avant tout la sécuritépubliquecomme principal critère de sélection. « Des trajets alternatifs de longueurs comparables ont été présentés pour acheminer le concentré vers Forestville, le long du fleuve Saint-Laurent, où des installations portuaires sont déjà présentes. Cette voie pourrait être beaucoup plus sécuritaire et semble rencontrer l’acceptabilité sociale. Elle comporte également l’immense avantage de réduire le transport maritime de plusieurs centaines de kilomètres et d’éviter le fjord du Saguenay, un milieu écologiquement fragile et au potentiel récréotouristique majeur » ajoute Dominique Bernier.
Une rentabilité financière incertaine : un facteur de risque additionnel
Alors que le prix du marché du phosphate est de 115$ la tonne, Arianne Phosphate doit réussir à obtenir un prix de 130 à 135$ la tonne uniquement pour couvrir ses coûts de construction, de production et de transport. Pour offrir à ses investisseurs potentiels un retour sur investissement de 20% (un standard minimal pour absorber les risques des projets miniers au stade de démarrage), il devrait aller chercher un prix d’au moins 210$. « Dans le contexte actuel, où le prix du phosphate est stagnant ou en baisse, il est peu probable qu’Arianne puisse vendre son concentré d’apatite à si bon prix, aussi pur soit-il. D’ailleurs, le prix de l’action de la compagnie a baissé de près de 50% depuis 18 mois et aucune entente n’a encore été signée avec de potentiels acheteurs » d’expliquer Ugo Lapointe.
De nombreuses questions sans réponses
Plusieurs autres questions en lien avec les impacts du projet demeurent toujours sans réponse, notamment les impacts sur la santé des résidents qui seraient affectés par le transport du concentré de phosphate (poussières, bruit, nuisances, etc.), les mesures compensatoires prévues pour ces personnes, ainsi que les charges totales de contaminants qui seraient déversés dans les eaux environnantes par l’effluent minier. L’état des relations avec les nations autochtones affectées -Essipit, Pessamit et Mashteuiatsh-demeurt également inconnu.
La Coalition continue l’analyse du projet et présentera un mémoire lors de la deuxième partie des audiences du BAPE d’ici un mois.