Édition du 5 novembre 2024

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Politique québécoise

Aux actionnaires de la corporation minière Osisko

Le Regroupement des citoyens du quartier sud de Malartic, vous connaissez ? Non, pourtant vous devriez car nous sommes intimement liés aux activités quotidiennes d’exploitation de la méga fosse à ciel ouvert, 24 heures par jour, 7 jours par semaine à Malartic, en Abitibi. En fait, vous l’aurez compris, Osisko est notre voisin immédiat, de surcroît, un riche voisin corporatif coté en bourse.

Laissez-nous vous raconter brièvement notre histoire. Entre août 2009 et août 2010, alors que la Cie Osisko érigeait le mur de 15 mètres qui allait séparer la ville de sa future fosse, nos résidences se trouvant à proximité de ce mur et de la fosse, notre qualité de vie a totalement basculé. S’il est vrai que l’exploitation de la méga fosse rapporte des dividendes fort intéressants qui vous permettent peut-être de bénéficier d’un certain paradis financier et peut-être fiscal au niveau des gains rapportés, il est également vrai d’affirmer que de l’autre côté du mur, c’est l’enfer, du moins au niveau de notre qualité de vie. En fait, notre vie est devenue un véritable enfer.

Un regroupement de citoyens de notre secteur s’est alors formé en août 2010, que l’on a nommé le Regroupement des citoyens du quartier sud de Malartic (RCQSM). Nos objectifs étaient simples et légitimes soient : obtenir du support juridique, au frais de la compagnie Osisko, afin de connaître nos droits face à ce que nous vivions et pour négocier, avec chacun d’entre nous, la vente de notre maison à Osisko. Pour chacun d’entre nous, il était devenu évident qu’il fallait quitter ce secteur de la ville. Qui voudrait acheter nos maisons et à quel prix ?

Après plus de huit mois de batailles, appuyé par un comité bénévole, en l’occurrence le Comité de vigilance de Malartic, notre regroupement signait le 2 mars 2011 une entente avec Osisko dans laquelle celle-ci accordait cinq heures de soutien juridique à chacun des membres de notre regroupement soit pour 39 dossiers. Nous pensions qu’Osisko confirmait ainsi la promotion de deux valeurs importantes : le respect et l’équité. Respect et équité en recherchant un équilibre entre l’économie, l’environnement et les aspects sociaux et humains.

Depuis, Osisko a acheté la maison de 30 membres de notre regroupement mais n’a jamais donné suite à une demande de négociation pour les 9 propriétaires restants. Nous voyons défiler dans les médias les nombreux prix d’excellence récoltés par la compagnie dont particulièrement celui décerné par l’AEMQ soulignant le haut degré de responsabilité environnementale et sociale.

Permettez-nous de ne pas comprendre et reconnaître tant de mérite et de prix ! Pour nous, c’est le bruit élevé continu, la poussière 24 heures sur 24, des sautages quotidiens exposant de toute évidence nos résidences à une certaine fragilisation à court et moyen terme. Au quotidien, portes et fenêtres fermées en tout temps, oublions la corde à linge, le lavage continuel de l’auto, des meubles patios, des fenêtres extérieures et même des murs de nos maisons. Après deux ans, encore aucune idée de la nature de cette poussière que nous respirons. En prime et cadeau, en avril 2011 après la signature de notre entente, nous avons eu droit à une augmentation du nombre de décibels admissibles suite à un décret ministériel. Le tout, avec l’accompagnement de l’ancien ministre des Ressources naturelles et de la Faune et actuel député de notre comté. Nous pensions l’avoir élu pour l’intérêt de tous. Lorsque les vents sont en direction de nos résidences ou que la pression atmosphérique présente certaines conditions favorables, nous subissons les bruits de l’exploitation de la fosse à tel point que de l’intérieur de nos maisons nous entendons tous les bruits de l’exploitation. Nous nous pratiquons à ne pas sursauter lorsqu’il y a un sautage. Pour terminer, est-ce nécessaire de vous faire la description des conséquences de tous ces dommages subis, sur notre sommeil, notre santé physique et mentale ?

Nous avons mené une dure bataille afin que la compagnie commence les négociations. La réponse s’est d’abord faite attendre, puis silencieuse et ambiguë, pour recevoir par écrit récemment un non catégorique. Endurez votre sort ! Pendant ce temps, la compagnie est occupée à saupoudrer des millions $ afin de soigner son blason de bon citoyen corporatif. Ainsi, elle subventionne une équipe de hockey en position financière fragile, commandite l’équipe nationale de ski, investit de façon massive et intensive dans les médias nationaux et régionaux en s’attribuant le mérite d’être une compagnie de la nouvelle génération. Au fait, laquelle ?

À notre avis, les dirigeants de la Cie Osisko, à la lumière de ces informations, devraient répondre à des questions fort embarrassantes de la part d’actionnaires éthiquement responsables devant qui ils sont redevables. Comment concilier la crédibilité de la belle image projetée par Osisko, soit disant corporation modèle, avec ce que des citoyens de Malartic vivent ? Pour nous qui sommes ignorés, insultés et méprisés face au respect de nos droits, il nous semble qu’éthiquement ces placements ne rencontrent pas les standards acceptables et ne sont nullement responsables.

Nous avons décidé de poursuivre la bataille, afin d’obtenir gain de cause pour un droit que nous considérons fondamental et légitime : notre qualité de vie. Investisseurs de la Cie Osisko aujourd’hui, nous faisons appel à votre conscience et à vos valeurs. Il nous semble totalement inacceptable qu’une compagnie comme Osisko ayant une valeur boursière de 5,4 milliards ne veulent pas régler avec neuf citoyens-propriétaires et six locataires. Nous revendiquons le droit de retrouver la qualité de vie au quotidien que nous avions avant l’arrivée de la Cie. Nous sommes majoritairement de Malartic depuis plus 40, 50 et même depuis plus de 65 ans. Certains d’entre nous avons plus de 80 ans.

Nous n’avons pas d’argent pour engager des lobbyistes pour vous rejoindre, ni des milliers de dollars pour acheter de la publicité. Nous sommes de conditions modestes et n’avons que nos crayons pour vous écrire et notre parole pour vous parler. Enfin, nous vous remercions d’avoir pris le temps de nous lire. Pour nous, il nous semble important d’informer les actionnaires responsables d’Osisko de cette situation invivable. Quand la Cie Osisko vous dira qu’elle crée des centaines d’emplois bien rémunérés et que c’est bon pour l’économie de tout le Québec, s’il vous plaît, pensez à nous ! Est-il acceptable de tolérer que cela se passe ici au Québec en 2011 quand une solution respectueuse, rapide et fort peu coûteuse existe ?

Nous, ce n’est pas Trou Story mais True Story !

Les auteurs sont membres du Regroupement des citoyens du quartier sud de Malartic

Mario Gagnon

Regroupement des citoyens du quartier sud de Malartic

Alain Lahaie

Regroupement des citoyens du quartier sud de Malartic

Carl-Hugues Leblanc

Regroupement des citoyens du quartier sud de Malartic

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