Édition du 17 décembre 2024

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Planète

Aux Etats-Unis, les ravages de l’ouragan Harvey sont attribués au changement climatique

Au Texas, le passage dévastateur et toujours en cours de Harvey, l’ouragan rétrogradé en tempête tropicale, ramène dans le débat la question du rôle du climat. Pour le célèbre climatologue Michael Mann, « le changement climatique a aggravé les conséquences de l’ouragan. »

Tiré de Reporterre.

Le débat est timide pour l’instant, pour éviter toute récupération politique d’un drame humain en train de se jouer au Texas, mais certains Américains ont déjà pris la parole : sans le réchauffement climatique, les conséquences de l’ouragan Harvey n’auraient pas été les mêmes.

Nombre d’officiels du pays s’accordent pour dire qu’il s’agit d’une tragédie sans comparaison historique. Plusieurs morts ont déjà été confirmées, le bilan humain étant difficile à établir tant certaines zones inondées sont inaccessibles. Sans compter, dans le futur, les risques sanitaires liés aux eaux polluées des inondations. D’ici à la fin des précipitations, mercredi 30 août ou jeudi 31, les services météo prévoient jusqu’à 127 centimètres de pluie dans les quartiers les plus touchés. Les pertes assurées de Harvey sont pour l’heure estimées à moins de trois milliards de dollars, selon l’AFP.

Une fois l’ouragan passé, il faudra s’interroger sur le rôle des hommes dans ce désastre. Le célèbre professeur de sciences du climat à la Pennsylvania State University, Michael E. Mann, a pris les devants lundi sur son compte Facebook. Il y a selon lui « certains facteurs liés au changement climatique dont on peut dire avec une grande assurance qu’ils ont aggravé les inondations ». Il en cite notamment deux : la hausse du niveau de la mer et le réchauffement de la mer.

Dans cette région, la hausse du niveau de la mer attribuée en partie au changement climatique est de plus de 15 centimètres sur les dernières décennies. D’où une montée des eaux plus importante quand Harvey a surgi. Par ailleurs, la température de la surface de la mer dans cette région a augmenté de 0,5 degrés Celsius sur les dernières décennies, passant de 30 à 30,5 degrés. Ce qui a provoqué une humidité de l’air plus importante dans l’atmosphère, dont se sont nourries les pluies de Harvey. Or « la combinaison entre les inondations côtières et les chutes de pluie est responsable des inondations dévastatrices que Houston connaît aujourd’hui », écrit Michael E. Mann.

Le scientifique note aussi la stagnation inhabituelle de l’ouragan à l’intérieur des terres avant de retourner vers la mer, provoquant ce qui ressemble à un « déluge sans fin ». Or Michael E. Mann a récemment publié une étude liant ce type de stagnation au changement climatique créé par l’homme. « En conclusion, affirme le chercheur, bien qu’on ne puisse pas dire que le changement climatique a causé l’ouragan Harvey (il s’agit d’une question mal posée), on peut dire qu’il a exacerbé plusieurs caractéristiques de la tempête de manière à augmenter les risques de dommages et décès. Le changement climatique a aggravé les conséquences de l’ouragan Harvey. » De la même manière, s’il est difficile d’établir avec certitude que le réchauffement climatique causera un plus grand nombre d’ouragans, les scientifiques s’accordent pour dire que les ouragans qui se formeront seront plus puissants.

Le rôle de l’industrie pétrolière à Houston

Meurtrie par les inondations, la ville de Houston est particulièrement pointée du doigt pour son rôle dans le changement climatique, avec ses 5.000 entreprises du secteur de l’énergie, dont 17 font partie des 500 plus grosses sociétés américaines. La côte du Golfe du Mexique abrite en effet l’une des plus grandes zones de raffineries pétrolières de la planète.

Or les industriels du secteur ont refusé d’admettre la réalité du changement climatique et du rôle humain sur celui-ci. Il suffit de voir comment la communication d’ExxonMobil a délibérément menti à ce sujet malgré ses propres notes internes, une information révélée par des chercheurs de Harvard la semaine dernière. « En semant le doute sur les conséquences sur le changement climatique des énergies fossiles, ces monstres ont induit les électeurs en erreur pendant des décennies, et ont réussi à bloquer les demandes d’action aux Etats-Unis et dans d’autres pays dont l’Australie », dénonce ainsi un journaliste du quotidien australien Sydney Morning Herald.

Dans le magazine The Week, le journaliste Ryan Cooper est encore plus dur : selon lui, Harvey est « ce qui arrive quand l’humanité échoue soit à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre soit à se préparer aux dommages dont on sait qu’ils arriveront ». Le développement effréné de Houston - avec une « bétonisation » qui ne retient pas la pluie - sans considération pour les risques d’inondation, a pu jouer un rôle dans les dégâts actuels, rappelle-t-il.

Donald Trump montré du doigt

Le journaliste s’en prend ensuite à Donald Trump. Il rappelle que juste avant l’ouragan Harvey, le 15 août dernier, le président américain avait signé un décret visant à revenir sur une mesure de prévention de Barack Obama. Celle-ci oblige les constructeurs d’infrastructures recevant des fonds fédéraux (routes, ponts, bureaux) à prendre en compte les risques liés au changement climatique et à construire au-dessus du niveau de la mer dans les zones inondables. Donald Trump a également proposé, plus tôt cette année, de couper - entre autres - le budget du National Weather Service, l’agence nationale des prévisions météorologiques, de 6 %.

Ryan Cooper fustige aussi « l’idiotie presque inimaginable » de Donald Trump, qui tweete frénétiquement sur Harvey depuis vendredi et qui doit se rendre au Texas ce mardi 29 août : « Si ISIS (le groupe Etat islamique, ou Daech, NDLR) avait pour projet de détruire l’une des plus grosses raffineries du pays, cela servirait de justification instantanée à une guerre sans fin et au budget illimité. Mais puisque la menace provient d’un processus scientifique abstrait et lent - et puisque l’un de nos deux partis politiques est devenu intellectuellement dérangé - nous sommes là, à nous tourner les pouces, en attendant le désastre. »

Triste ironie dans cette catastrophe, les mêmes Républicains - dont le sénateur Ted Cruz, ex-candidat à la primaire - qui avaient refusé de voter pour une subvention fédérale aux Etats de New York et du New Jersey après l’ouragan Sandy, appellent désormais Washington à l’aide.

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