Tiré de Europe solidaire sans frontière.
Les cheveux un peu ébouriffés, une brosse à dents à la main, Agnes Chow sort de sa petite tente Igloo installée devant l’entrée du parlement de Hong Kong. Déjà, elle proteste. C’était à l’automne 2014, en pleine « révolution des parapluies » lancée par la jeunesse hongkongaise afin d’obtenir l’élection au suffrage universel direct du chef de l’exécutif.
Discrète et réservée, Agnes Chow confiait à La Croix « qu’il faut se battre pour obtenir la démocratie ».
Elle était alors une des figures d’un mouvement (dont elle est la porte-parole) qui aura paralysé Hong Kong pendant 79 jours et suscité l’ire de Pékin. Elle avait 17 ans et allait entrer à l’Université.
Aujourd’hui, à 23 ans, elle est une des premières personnalités politiques de l’opposition à avoir été appréhendées pour « collusion avec des forces étrangères », selon les termes de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin depuis le 1er juillet 2020.
Agnes Chow est engagée en politique depuis l’âge de 15 ans
Si elle est aujourd’hui en première ligne dans le combat pour les libertés politiques que la Chine étouffe depuis des mois, Agnes Chow a commencé son engagement dès 2012. À 15 ans, encore au lycée, elle rejoint un groupe d’étudiants qui se bat contre un projet de Pékin visant à imposer une « éducation patriotique » dans les écoles publiques.
Ces lycéens redoutent que ce plan n’ouvre la voie à une politique éducative très encadrée politiquement comme en Chine continentale. Pour faire entendre leur voix, ils organisent d’immenses sit-in. La mobilisation est massive et le gouvernement hongkongais, pas encore sous la coupe totale de Pékin, finit par reculer.
En 2014, Agnes Chow est porte-parole du « mouvement des parapluies »
Une nouvelle génération d’opposants politiques est née. C’est à ce moment qu’elle rencontre Joshua Wong et Nathan Law qui deviendront les figures du « mouvement des parapluies » de 2014.
Mais cette fois, le gouvernement de Carrie Lam ne cède rien. Terriblement déçus de cet échec, les jeunes gens s’organisent et se structurent. Ils fondent le parti Demosisto (démocratie et résistance).
« Très discrète mais très active, Agnes Show émerge vraiment sur la scène politique lorsqu’elle veut remplacer Nathan Law au parlement local en 2018 », raconte Éric Sautedé, chroniqueur politique local, spécialiste du monde chinois.
Agnes Chow a son fan-club au Japon, dont elle a appris la langue toute seule
Déjà dans le collimateur du pouvoir, elle est interdite de se présenter aux législatives partielles en 2018 au motif que son parti prônait « l’auto-détermination ». « Le gouvernement essaie de se débarrasser de tous les partis politiques qui sont contre lui », avait-elle alors lancé.
Devant les journalistes locaux et internationaux Agnes Chow affiche une détermination sans faille. En conférence de presse, dans les locaux du parti ou dans les rues de Hong Kong, elle passe avec aisance du cantonais au mandarin et de l’anglais au japonais, un atout majeur dans l’internationalisation des protestations contre la loi sur l’extradition que veut imposer la Chine en juin 2019.
À Hong Kong, l’implacable « terreur blanche » de Pékin
Elle a ainsi réussi à créer un immense réseau social notamment au Japon. Elle a appris seule le japonais en écoutant de la J-Pop, en regardant les mangas et la télévision japonaise.
« Elle est formidable », dit d’elle un avocat hongkongais bénévole qui a aidé des dizaines de jeunes manifestants arrêtés par la police. « Elle semble timide mais quand elle parle, ses idées sont fortes, claires et structurées, de quoi séduire tous les journalistes de la planète ».
Sur son compte Twitter japonais, elle a plus de 500 000 membres et près de 200 000 sur son compte Facebook.
« On sent qu’elle a une mission, ajoute Éric Sautedé. « Il ne faut pas oublier qu’elle est profondément catholique, tout comme Joshua Wong est protestant, à l’instar de nombreux militants. Ils l’affirment ouvertement et on sent que la religion joue un rôle important dans leur engagement ».
Ils sont une inspiration pour la jeunesse hongkongaise âgée de 12 à 18 ans qui résiste dans les collèges et les lycéens.
Agnes Chow incarne également toutes les filles en première ligne dans les manifestations
Souvent surnommée la « déesse de la démocratie », Agnes Chow est depuis son passage en détention provisoire comparée à la légendaire héroïne chinoise Mulan : loyale, courageuse, battante, risquant la prison pour ses idées.
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