Édition du 12 novembre 2024

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Environnement

Adoption du projet de Loi sur les hydrocarbures sous le bâillon : Et les droits acquis des citoyens, Monsieur Arcand ?

Le gouvernement libéral s’apprête à adopter, sous le bâillon, le projet de Loi sur les hydrocarbures, malgré la vive opposition des municipalités, des syndicats ouvriers, des agriculteurs, des scientifiques, des groupes écologistes et des organisations citoyennes. Répondant à l’appel du monde des affaires et invoquant une urgence qui n’existe pas, sinon du point de vue de la stratégie politique du parti Libéral du Québec, le gouvernement du Québec fera donc fi, une nouvelle fois, des règles démocratiques élémentaires pour imposer sa volonté de transformer le Québec en pétrosociété.

Les pouvoirs exorbitants conférés aux sociétés gazières et pétrolières, dont celui de pénétrer sur les propriétés des résidents sans leur autorisation et de les exproprier, en phase de production des hydrocarbures, ont soulevé l’ire de nombreux citoyens, alors que la réduction des compétences des municipalités de gérer le développement et l’aménagement du territoire et de protéger leur eau potable a indisposé bien des élus locaux.

Le ministre a tenté de rassurer les municipalités en leur offrant la possibilité d’interdire le développement de la filière des hydrocarbures dans certaines zones de leur territoire. L’inclusion d’une clause de protection des droits acquis des sociétés gazières et pétrolières sur les mêmes territoires a cependant réduit cette possibilité comme une peau de chagrin, à un point tel que le cadeau de grec du gouvernement a tôt fait d’être découvert par les intéressés. Plusieurs maires, mairesses et préfet ont d’ailleurs dénoncé cette manipulation.

Il est toutefois un domaine où la protection des droits acquis ne semble pas une préoccupation réelle pour ce gouvernement : c’est celui des droits acquis des citoyens québécois.

En effet, lors de la nationalisation du sous-sol sur une partie du territoire du Québec par le biais du projet de loi 35, adopté sous le gouvernement du Parti Québécois, en 1982, les droits acquis sur le sous-sol d’un nombre relativement important de résidents avaient été préservés. L’actuel article 4 de la Loi sur les mines (où les hydrocarbures ont été logés jusqu’à aujourd’hui) rend compte de cette garantie.

Or, le projet de Loi sur les hydrocarbures affirme clairement à son article 2 que les hydrocarbures font partie du domaine de l’État sans aucune exception. Qu’est-ce à dire ?
Cela signifie clairement que les droits acquis sur le sous-sol d’un nombre relativement important de citoyens et citoyennes du Québec (certains estiment ce nombre à plus de 65 000 personnes) sont simplement rayés d’un trait de plume. Le gouvernement libéral est donc en train d’exproprier, sans aucune compensation, les droits sur les hydrocarbures contenus dans le sous-sol de leur propriété.
 
Cette spoliation sera donc réalisée en pleine nuit par le biais de l’adoption d’une loi scélérate et ce, alors qu’aucune information n’aura été donnée aux intéressés.

Se pourrait-il que l’urgence invoquée par le gouvernement pour faire adopter sa loi sous le bâillon, soit celle d’un voleur qui ne veut pas que son forfait soit connu de la population et qui pour cela agit la nuit ?
 
Richard E. Langelier

Docteur en droit (LL.D.) et sociologue

Le 8 décembre 2016

Note

i Ne fait pas partie du domaine de l’État le droit aux substances suivantes, lorsqu’elles se trouvent :

— dans des concessions minières pour lesquelles des lettres patentes ont été délivrées avant le 1er juillet 1911 ;

— dans des terres concédées avant le 24 juillet 1880 dans un canton ou concédées par billet de location à des fins agricoles, pour lesquelles des lettres patentes ou d’autres titres n’ont pas été délivrés avant cette date ou ne l’ont été que postérieurement à cette date, mais pouvaient, jusqu’au 1er janvier 1921, être réputés délivrés le 24 juillet 1880 ;

— dans des terres concédées en tenure seigneuriale où les droits miniers n’appartenaient pas à l’État :

1° les substances minérales contenues dans un terrain où était situé un gisement en exploitation le 6 mai 1982, pourvu qu’une déclaration conforme à la loi ait été déposée au bureau du registraire dans les 180 jours qui ont suivi le 15 septembre 1982 ;

2° les substances minérales contenues dans un terrain où était situé un gisement de minerai qui constituait une réserve nécessaire à la continuation d’une entreprise minière, pétrolière ou gazière en exploitation au Québec le 6 mai 1982, pourvu qu’à cette date l’exploitant, au sens de l’article 218, ait été titulaire des droits dont elles faisaient l’objet, qu’il ait démontré l’existence d’indices permettant de croire à la présence d’un gisement exploitable et que dans les 180 jours qui ont suivi le 15 septembre 1982, il ait déposé au bureau du registraire une déclaration conforme à la loi ;

3° les substances minérales visées par une option, une promesse de vente ou un bail le 6 mai 1982, pourvu que l’original ou une copie authentique du document ait été déposé au bureau du registraire dans les 180 jours qui ont suivi le 15 septembre 1982.

Toutefois, dans les terres concédées avant le 24 juillet 1880, le droit à l’or et à l’argent fait partie du domaine de l’État.

Richard E. Langelier

juriste et sociologue intéressé aux question entourant la fracturation hydraulique et le mouvement opposé aux gaz de schiste.

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