Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Vote stratégique

À propos du « vote stratégique »

Enfin, les élections sont déclenchées. Enfin, car bon nombre de Québécoises et de Québécois ont hâte de se débarrasser du gouvernement Charest. Mais ce souhait légitime en conduit plusieurs à une stratégie fort dangereuse, me semble-t-il. Avec le « vote stratégique », il ne s’agirait plus de se donner un gouvernement qui pourrait entreprendre les mesures qui nous conduiraient à la société que nous voulons, mais d’éliminer le plus tôt possible des dirigeants corrompus et défenseurs des intérêts de la minorité possédante.

Bien sûr, on ne peut élire pire que le gouvernement actuel (quoique, avec la Coalition avenir Québec…). Mais avec le Parti québécois ? Peut-être un peu plus d’honnêteté, une meilleure défense de la langue française, quelques mesures légèrement progressistes ; mais essentiellement les mêmes orientations économiques : augmenter le PIB, créer des emplois, exploiter nos ressources (avec un peu plus de retombées pour le Québec), augmenter les revenus de la classe moyenne et favoriser la poursuite d’une consommation débridée qui est en train de détruire la planète. « Favoriser notre enrichissement collectif », nous dit Pauline Marois ; rendre le Québec plus riche globalement, sans trop se préoccuper de qui en bénéficiera le plus.

Nous nous trouvons à une période cruciale de l’histoire humaine. Notre système financier est plus fragile que jamais, les inégalités de revenu s’accroissent constamment, le pétrole dont nous sommes totalement dépendants devient rapidement plus coûteux, des espèces animales et végétales disparaissent chaque jour qui risquent de mettre en péril l’équilibre de la planète, les gaz à effet de serre continuent à augmenter, avec comme conséquence les perturbations climatiques et la hausse du niveau des mers… De tout cela, nos « grands partis » ne glissent un mot. Certes, Québec solidaire ne pourrait régler tous ces problèmes d’un coup. Aucun parti ne le pourrait, d’ailleurs.

C’est d’un changement de paradigme dont nous avons besoin, ce qui ne peut arriver sans une mobilisation immense de toute la population. Si Québec solidaire ne peut prendre le pouvoir à court terme , déjà s’y est amorcée une réflexion importante pour trouver des mesures qui nous mèneraient sur la bonne voie. Il faut prendre conscience que si nous ne visons qu’un gouvernement « moins pire », nous continuerons dans la même voie qui nous précipite vers la catastrophe. Et nous retardons le moment d’entreprendre les véritables mesures qui devront être prises tôt ou tard pour réduire les inégalités, pour mettre un terme à la surconsommation, pour ménager nos ressources naturelles, pour nous donner des villes faites pour les humains et non pour les automobiles…

Non, Québec solidaire ne peut gagner cette élection. Mais il peut faire élire quelques députés qui continueront à défendre âprement les intérêts de la majorité, il peut aussi accroître son appui populaire et devenir rapidement une force non négligeable, avec l’appui de la rue. Mais tant qu’on dira que « voter pour Québec solidaire, c’est perdre son vote », on n’avancera pas.

Serge Mongeau

Serge Mongeau est écrivain ; il vient de diriger un collectif qui a publié, aux Éditions Écosociété, Objecteurs de croissance. Pour sortir de l’impasse : la décroissance. Il est membre du Mouvement québécois pour une décroissance conviviale.

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