Tiré de De CADTM infolettre
Avec pour principale entrepreneure, dans le cas du Burkina Faso, la Fondation Bill et Melinda Gates (FBMG), à travers le réseau international Target Malaria (aussi actif au Cap-Vert, Ghana, Mali, en Ouganda) dont elle est la principale source de financement. Elle s’est ainsi subordonnée, voire s’est substituée aux pouvoirs publics en la matière.
Cependant, la critique de ce processus avancé du « suprématisme du secteur privé » (Naomi Klein, La stratégie du choc), idéal du capitalisme, dans la lutte contre le paludisme, est quelque peu émoussée, dans ce rapport, par la conception, ambiguë, du capitalisme exprimée par l’expression « capital voyou » (« rogue capitalism », p. 6) [1]. Celle-ci, désignant sans aucun doute le philanthrocapitalisme de la FBMG, est ainsi définie : « Le capital voyou se caractérise par une extraction de richesses ayant des impacts négatifs matériels réels sur la vie des gens et l’écologie (FIAN International et al., 2020) afin de fournir des retours sur investissement aux actionnaires, qui sont très rarement liés au système qui est pillé. Lorsque le capital voyou pénètre dans un pays doté d’un système de gouvernance faible et fortement corrompu, il est en mesure de façonner dans une large mesure les conditions dans lesquelles il opère » (p. 10). Ce qui donne l’impression qu’il ne s’agit pas d’une caractéristique ordinaire, normale, que ce serait du marginal, de l’exceptionnel, dans l’histoire du capitalisme, dont l’un des avatars est pourtant l’impérialisme. Alors qu’est actuellement, plus qu’auparavant, assez évidente l’influence des transnationales sur les États, leur façonnage « dans une large mesure », dans les sociétés capitalistes périphériques en général aussi dites Sud Global, en Afrique en l’occurrence. Sans remonter au façonnage, aux premiers temps de la mondialisation – celui de la mondialisation marchande [2] – de ces sociétés extra-européennes (avec effet en retour sur les sociétés européennes, rien déjà que par la consommation de la tomate, du sucre, du thé, de la pomme de terre, etc.) par la dynamique expansive du capital. Par exemple de l’East India Company (dès 1600) à la Royal Niger Company (à partir de 1886) – la “fondatrice” du Nigeria colonial –, sans oublier le sort tragique qui a été fait, par des pires que voyous, aux autochtones du continent dit américain, dès le 16e siècle. La phase actuelle, néolibérale, de la mondialisation est, à travers, entre autres, les politiques d’ajustement structurel, consacrant la domination des grandes entreprises privées, une certaine mise à jour de cette tradition, poly-rythmée, du capital, en fait ininterrompue. À moins de nier l’existence permanente de ces rapports de domination.
La volonté du capital (privé) d’asseoir sa suprématie, pour le reste des temps, s’exprime à une autre échelle par le « partenariat stratégique » entre l’Organisation des Nations unies (multigouvernementale, faut-il rappeler) et le Forum économique mondial [3], dans lequel ce sont plutôt les agences de celle-là (de la Fao à l’Unesco, en passant par l’OMS, l’OIT, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique), “progressistes” pendant les années 1960-1970 (voire jusqu’au tout début des années 1980), qui paraissent s’inscrire dans la stratégie de celui-ci. C’est dans cette dynamique que s’inscrit l’influence de la FBMG (leader mondial du philanthrocapitalisme) au sein aussi bien de l’OMS que de l’agence de développement de l’Union Africaine, le NEPAD : l’une et l’autre étant favorables aux OGM, promues par la FBMG (Bill Gates étant investisseur dans les semences et les moustiques génétiquement modifiés) qui co-finance ces agences. Ce qui ne revient nullement à réduire les États, les agences onusiennes, panafricaines à de simples marionnettes. Leurs dirigeant·e·s y trouvent aussi, par des affinités idéologiques de classe, leurs intérêts, tout en jouant à être guidé·e·s par l’intérêt général [4].
Ainsi, l’usage de l’expression « capital voyou » pour désigner autre chose que la branche du capital dénommée génériquement la mafia, par exemple, expose à être considérée comme l’expression d’une adhésion à la perpétuation du capitalisme, en romançant son histoire, riche en actes de barbarie, non marginaux (sur tous les continents, du protocapitalisme au néolibéralisme). Ce qui est décliné ces dernières décennies sous forme d’opposition entre un supposé bon capital, industriel, et un mauvais capital, financier, par la critique procapitaliste du néolibéralisme. Elle s’appuie sur une des versions tronquées de l’histoire du capitalisme. Celle consistant à présenter le capitalisme des trois décennies post-Seconde Guerre mondiale dit fordiste-keynésien (du nom de l’industriel automobile et pro-fasciste états-unien Henry Ford prônant une hausse des salaires pouvant permettre aux travailleurs/travailleuses d’être aussi des client·e·s des marchandises qu’elles/ils produisent et de celui de l’économiste anglais John Maynard Keynes théoricien de l’État entrepreneur économique, du rejet du principe du marché auto-régulé ou « main invisible du marché », de politiques sociales réductrices des inégalités, du chômage, etc.), aussi dit des Trente Glorieuses, de l’État providence/Welfare State (ayant ainsi permis l’élévation du niveau de vie dans les classes populaires, favorisé la consommation de masse dans les sociétés du capitalisme central), comme s’il s’agissait de la règle dans l’histoire du capitalisme, de l’orthodoxie, non pas d’une exception, d’une parenthèse dans la bicentenaire histoire de la société capitaliste (grosso modo à partir du 18e siècle). Keynes justifiait la nécessité de la réforme du capitalisme par la menace que représentaient, pour le capitalisme, depuis la fin du 19e siècle, l’existence d’un mouvement ouvrier dynamique, le mouvement communiste – « spectre » qui hantait les capitalistes, les États bourgeois européens. Ce qui avait déjà, à la fin du 19e siècle, poussé à l’instauration par le chancelier allemand Bismarck d’un État dit social, très relativement précurseur de l’État providence/Welfare State capitaliste envisagé par Keynes. La peur des capitalistes a été amplifiée par la Révolution russe d’octobre 1917, ayant davantage modifié les rapports de force entre les capitalistes et le prolétariat, voire entre les peuples colonisés et les puissances capitalistes coloniales. En acquérant l’indépendance, les ex-colonies devenues États ont retenu le principe de l’État acteur économique, avec des services sociaux publics, généralement de qualité médiocre, expression de leur sous-développement capitaliste. Globalement, le capitalisme a ainsi été relativement “civilisé” par la menace communiste (même pervertie par le régime de Staline).
Ce qui est devenu plus effectif du lendemain de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à la fin des années 1970, pendant une partie de la période dite de guerre froide opposant le camp capitaliste dit du « monde libre » au camp dit communiste/socialiste, du fait aussi du prestige de l’URSS (bien que stalinienne), co-vainqueure de premier rang de l’Allemagne nazie, ainsi que de celui des communistes d’Europe dont la participation à la résistance anti-nazie était reconnue. Alors que les capitalistes avaient généralement, dans un pays comme la France, collaboré avec l’occupant allemand nazi, ayant été ainsi discrédités. Ce qui a contribué au dynamisme des luttes sociales menées dans l’après-guerre, assez riches en acquis sociaux. Ainsi, la nostalgie, y compris dans une grande partie du mouvement altermondialiste, du centre capitaliste surtout, principalement critique du « capitalisme sauvage », des supposés excès actuels du capitalisme.
Toutefois ces trois décennies n’avaient pas fait perdre au capital sa nature prédatrice, inégalitaire – la consommation de masse, dans les sociétés capitalistes développées, n’y supprimait pas les inégalités sociales –, comme en témoignent aussi les pratiques écocidaires de la technoscience (adoptée aussi par le bloc rival dit socialiste/communiste imprégné de l’idéologie du Progrès issue des Lumières), de l’idéologie de la croissance économique (à propos desquelles il ne manquait pas de lanceurs/lanceuses d’alerte, faiblement audibles vu le consumérisme ambiant dans les sociétés capitalistes développées), les guerres coloniales, puis néocoloniales (la guerre dite froide étant froide au Nord, mais chaude au Sud (Daniel Bensaïd), aussi pour le contrôle des ressources naturelles, dont le pillage contribuait aussi à la consommation de masse au confort dans les sociétés capitalistes développées ; étant un avatar du capitalisme, le fordisme-keynésianisme était compatible avec l’impérialisme, avec l’échange inégal), le racisme (des États-Unis d’Amérique à l’Afrique du Sud – l’économiste sud-africain Stephen Gelb considérait le régime d’apartheid sud-africain comme un « fordisme racial »), le soutien aux régimes monopartistes et dictatoriaux pro-capitalistes aussi bien en Afrique, Amérique dite latine et Asie qu’en Europe (Espagne, Grèce, Portugal). Des réalités aucunement glorieuses de cette période.
La fin de cette période a correspondu à la hausse de la dette publique extérieure des États dits alors du Tiers-Monde, conséquence, entre autres, de l’incitation à l’“endettement pour le développement” – qui les aurait aussi fait entrer dans la société de consommation de masse – à faible taux d’intérêts, menée par la Banque mondiale du fait de l’abondance d’argent dans les grandes banques d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, suivie d’une hausse états-unienne des taux d’intérêts, multipliant le volume à rembourser, devenant asphyxiant. Une occasion d’embarquer les États débiteurs dans la néolibéralisation de leurs économies – tournant pris au Royaume-Uni (par la Première ministre Margaret Thatcher) et aux États-Unis d’Amérique (par le président Jimmy Carter, puis surtout par son successeur Ronald Reagan), à la suite du laboratoire chilien (sous la dictature militaire de Augusto Pinochet), caractérisé aussi par la “déréglementation financière”, le retour de la « main invisible du marché » –, à travers les programmes d’ajustement structurel imposés aux États dits souverains par les institutions financières de Bretton Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international) dont ils sont des membres en position subordonnée. Les services sociaux publics déjà quantitativement insuffisants et de faible qualité vont en faire particulièrement les frais [5]. On a ainsi parlé de recolonisation, de l’Afrique par exemple. Mais il s’agit plutôt de néolibéralisation du néocolonialisme – quoi qu’il en soit, la société ou la situation néocoloniale n’est pas à confondre avec celle coloniale –, favorisant une plus grande emprise des capitaux, des transnationales, sur des États dits souverains (néanmoins dominés, dépendants, sans être des colonies, même dans le cas de la Françafrique), les économies, les sociétés du Sud Global. Les classes dirigeantes, les fractions locales de la classe dominante, capitaliste, du Sud partagent avec les dominants du Nord les profits de cette néolibéralisation, aux dépens des classes sociales et groupes sociaux populaires, où, en Afrique et ailleurs, se comptent les victimes du paludisme, entre autres maladies (tuberculose, diarrhée, etc.)
Le néolibéralisme est une phase de l’histoire du capitalisme, mais d’un capitalisme désormais débarrassé, décomplexé, surtout après la fin du bloc dit communiste (fin 1980-début 1990), de l’équilibre des forces établi par le dynamisme du mouvement ouvrier et autres forces d’émancipation, jusqu’aux années 1970. Dynamisme ayant été, en même temps, atténué, au fil des ans, voire des acquis sociaux, par les sortilèges, en puissance exponentielle, de la marchandise, dans la société de consommation – avec sa « fièvre de la consommation […], une fièvre d’obéissance à un ordre non énoncé » disait Pier Paolo Pasolini (Ecrits corsaires) –, par l’accentuation du “réformisme” des bureaucraties syndicales, etc.. Ainsi, à partir des années 1990, le capitalisme s’est retrouvé sans concurrent effectif, quasiment exorcisé de la menace communiste, le mouvement émancipateur étant généralement affaibli ; la « pensée unique », du capitalisme triomphateur, s’imposait en économie, porteuse aussi du « capitalisme sauvage » (une mise à jour de celui des 18e et 19e siècles). Par ailleurs, pour la reproduction assurée de son hégémonie, pour plus d’efficacité dans son fonctionnement, le capitalisme a, entre autres, intégré/récupéré des aspects pouvant l’être, en les désamorçant, dans la mesure du possible, des revendications des luttes émancipatrices des années 1960-1970 créant ainsi un « nouvel esprit du capitalisme » (Luc Boltanski, Eve Chiapello), pseudo-progressiste, promoteur de plus d’individualisme pseudo-émancipateur, etc. Toujours en perfectionnement de nos jours. Ainsi, si pendant les Trente glorieuses, le capital manifestait, enraciné dans une tradition au moins centenaire, une surdité certaine à l’égard des critiques, peu sonores, du culte du Progrès, de la Croissance, de la Technoscience, de nos jours, il ne se prive pas, généralement, de contre-produire un discours d’écologie de marché, de promouvoir des pratiques prétendument écologiques grotesquement disproportionnées aux dégâts déjà là et inévitablement à venir, résultant de ses activités. Le capital n’est pas prêt à se suicider pour le sauvetage de l’humanité, de la nature non humaine. L’accumulation par tous les moyens possibles, quel qu’en soit le coût, pour les autres, tel est le principe qu’il a pratiqué dans son passé, et pratique encore, avec évidence, dans son présent néolibéral, capital industriel, capital commercial, capital financier, (connectés les uns aux autres, avec des actionnaires plurisectoriels) confondus.
Ladite financiarisation, c’est le pouvoir du capital financier – s’étant déjà manifesté de la fin du 19e siècle aux trois premières décennies du 20e, à la mesure du développement capitaliste à cette époque-là –, correspondant à et co-structurant la phase néolibérale du capitalisme. C’est sa pointe avancée, non pas un quelconque dévoiement ou écart par rapport à un fictif capitalisme humaniste, moral. De la fin du 19e siècle aux premières décennies du 20e, les précurseurs de Bill Gates et consorts, les premiers milliardaires états-uniens (Andrew Carnegie, Andrew Mellon, John Pierpont Morgan, John D. Rockefeller, etc.), pour leur indécence, leurs forfaits sociaux, leur avidité, leur corruption de l’establishment politique états-unien – sans inclure leurs forfaits à l’étranger, généralement soutenus par le gouvernement –, avaient été surnommés les « barons voleurs ». Ce qu’ils ont pensé couvrir en créant des fondations dites philanthropiques, croyant aussi, en bon chrétiens, s’acheter des places au paradis. Un puissant mécanisme idéologique. En notre époque de globalisation marchande, de « suprématisme du secteur privé » très avancés, Bill Gates (actionnaire aussi dans, entre autres, l’industrie de l’armement, secteur très prospère du capital, déjà avant le néolibéralisme) ne fait, comme ses pairs, que marcher sur les pas de ces capitalistes érigés en modèles. Ce n’est pas protéger des vies humaines (du chikungunya, de la dengue, du paludisme, de la zika) [6] qui intéresse fondamentalement la FBMG et autres investisseurs obstinés dans la production et l’utilisation des moustiques génétiquement modifiés au Burkina Faso comme en Australie, au Brésil, dans la Caraïbe, aux États-Unis (Californie, Floride), malgré les échecs aux Îles Caïmans, en Malaisie, vu que les effets secondaires, sur les humains et la nature non humaine, de cette fausse solution ne les préoccupent pas, mais c’est accumuler davantage toujours [7]. Ce qui est pour le capitalisme, non seulement pour les acteurs de la financiarisation, « la loi et les prophètes » (Karl Marx).
Les crises écologique (climat, biodiversité, etc.) et sociale (croissance des inégalités, de la pauvreté, etc.) actuelles, tout comme son histoire – à la différence des manuels de « science économique » –, montrent que le capital n’est pas que voyou, mais cynique, criminel, structurellement. Ainsi, même si actuellement, par l’emprise multidimensionnelle/globalisante croissante et mortifère du capitalisme, la fin du monde paraît une possibilité plus réelle que la fin du capitalisme (Fredric Jameson), il n’est pas question de confondre l’anti-néolibéralisme pro-capitaliste et l’anti-capitalisme, de contribuer au blanchiment de tel capital par rapport à tel autre. Au-delà de l’opposition à l’utilisation des moustiques génétiquement modifiés, à la financiarisation de la lutte contre le paludisme et autres maladies, il s’agit de soustraire la santé des griffes du capitalisme. Ce qui ne peut se réaliser sans combattre aussi l’emprise de celui-ci sur tous les autres secteurs de la société et sur la vie non humaine. C’est comme totalité multidimensionnelle que le capitalisme est à combattre. L’espérance d’une autre vie écologico-sociale que celle imposée par le capitalisme n’est pas à perdre, elle est à vivifier.
Notes
[1] C’est le titre d’une publication, de FIAN International, Transnational Institute et Focus on the Global South, Rogue capitalism and the financialization of territories and nature (2020) dont la version française a préféré traduire « rogue » par « dévoyé » plutôt que par « voyou ». Cependant c’est « voyou » qui a été retenu dans la traduction française du rapport de Sasha Mentz-Lagrange et Stefanie Swanepoel. L’expression est évidemment inspirée de « État voyou » de George Bush Jr., le super-voleur criant au voleur.
[2] Contrairement à une idée encore répandue par le complexe académico-médiatique, relayée aussi au sein du mouvement altermondialisme, la mondialisation du capital n’est pas une nouveauté des dernières décennies du 20e siècle. Au 19e siècle, Karl Marx affirmait « La découverte des contrées aurifères et argentifères d’Amérique, l’extermination et l’asservissement de la population indigène, son ensevelissement dans les mines, les débuts de la conquête et du sac des Indes orientales, la transformation de l’Afrique en garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà de quoi est faite l’aurore de l’ère de la production capitaliste. Ces processus idylliques sont des moments majeurs de l’accumulation initiale. Dans la foulée suit la guerre commerciale des nations européennes, qui a la planète pour théâtre », Le Capital, Livre I, Chap. XXIV, « La prétendue accumulation initiale ». Autrement dit la société capitaliste que l’on peut dater du 18e siècle découle de cette dynamique d’expansion planétaire, initiée comme mondialisation marchande ou du capital marchand/commercial : « La mondialisation a permis de donner naissance au capitalisme », a rappelé récemment Alain Bihr dans sa somme en trois tomes, Le premier âge du capitalisme (1415-1763) (Lausanne/Paris, Page 2/Syllepse, 2018-2019). À la fin du 20e siècle a commencé non pas La Mondialisation, mais la phase néolibérale de la mondialisation du capital, caractérisée par, entre autres, l’intensification de la marchandisation de tout ce qui peut l’être dans la mesure du possible (globalisation), de l’importance accrue de la sphère financière, considérée comme déréglementée, de « la finance » déjà active aussi dans les phases antérieures (par exemple, « Lorsque Darwin publia De la descendance de l’homme, la chasse aux Indiens battait toujours son plein en Argentine. Elle était financée par un emprunt obligataire. Lorsque les Indiens furent éliminés des terres, celles-ci furent partagées entre les porteurs. Chaque obligation donnait droit à 2500 hectares », affirme Sven Lindqvist dans Exterminez toutes ces brutes, Paris, Le Serpent à Plumes, 1998 [Stockholm, 1992 ; traduit du suédois par Alain Gnaedig], p. 155, en se référant à un ouvrage d’histoire de l’Argentine datant de 1964). Cette importance de « la finance » ne signifie nullement que l’extorsion de la survaleur dans la sphère productive (extractiviste, industrielle, etc.) a cessé d’être centrale pour le capitalisme, comme le prouvent les délocalisations vers des pays à main d’œuvre très bon marché ou l’importation de la main d’œuvre immigrée, formelle et informelle (les sans-papiers). Une part importante du capital financier provient de cette exploitation/surexploitation de la force de travail.
[3] Collectif, La gouvernance globale sous l’emprise des entreprises ! L’accord de partenariat entre le Forum économique mondial (FEM) et l’ONU est une menace dangereuse pour le système onusien. Lettre ouverte à M António Guterres, Secrétaire général des Nations unies, 7 octobre 2019, disponible par exemple à : https://actionsolidaritetiersmonde.org/inquietudes-face-a-une-emprise-grandissante-des-entreprises-transnationales-sur-les-organisations-des-nations-unies-consacrees-a-lalimentation/
[4] Ailleurs qu’en Afrique, l’État français, par exemple, a, plusieurs fois, chèrement payé, entre autres, le cabinet McKinsey – transnationale privée affirmée experte en néolibéralisation –, pour la production de recommandations, en faveur des intérêts du Capital, de ses seigneurs, supposées plus avisées que celles qu’auraient produites des commissions ministérielles/des “compétences” de l’administration publique (« dans la plupart des cas, les équipes de direction sont compétentes, fournies et elles devraient être en mesure de réaliser, seules, des expertises, puis de mettre en œuvre des changements structurels nécessaires »). En Belgique, il a suggéré une réforme de l’enseignement public et a remporté le marché de la réflexion sur ladite réforme, devant, sans originalité, néolibéralement parlant, aboutir à la subordination de l’Éducation, recherche comprise, aux désidératas, attentes du capital privé.
[5] Cf., par exemple, la documentation produite par le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes/CADTM (anciennement, Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde) : www.cadtm.org.
[6] Le rapport inscrit à juste titre l’Initiative présidentielle américaine contre le paludisme parmi les initiatives de « financiarisation du paludisme » (p. 24). La présidence états-unienne entreprend de sauver des Africain.e.s tout en négligeant, par racisme structurel aussi, la situation des pauvres des ghettos, des réserves (de Natives/Indien·ne·s) aux États-Unis mêmes. Du soft power, en fait. Aider ces pauvres-ci n’est pas rentable…
[7] Concernant le Brésil, « Une ville de 50 000 habitants devra débourser 670 000 à 1,6 million d’euros par an pour bénéficier de cette méthode et 335 000 euros les années suivantes pour le maintien de la population des insectes transgéniques », AFP/L’Express, « Brésil : une “usine” de moustiques OGM pour venir à bout de la dengue » L’Express, 30 juil. 2014 ; https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/bresil-une-usine-de-moustiques-ogm-pour-venir-a-bout-de-la-dengue_1563037.html.
Auteur.e
Jean Nanga est militant du CADTM en Afrique, il collabore régulièrement à la revue Inprecor.
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