Voir au bon déroulement sur le terrain d’une action devant durer plus d’un mois n‘est pas une tâche facile. C’est pourquoi les organisateurs ont conclu qu’il était plus efficace et symboliquement important de mettre la démocratie directe à l’honneur dans tout le processus décisionnel. De cette façon, tous les marcheurs et marcheuses, indépendamment de la durée de leur bout de chemin dans la Marche, étaient partie intégrante des prises de décision. En plus de participer à la vie démocratique, les marcheurs(e)s pouvaient laisser libre cours à leur créativité lorsque des difficultés se présentaient. Grâce à ce processus participatif, la marche s’est transformée en une mini-structure sociale alternative ; une structure dans laquelle les décisions importantes n’étaient plus prises par des individus n’ayant aucun compte à rendre et placés arbitrairement au sommet de la hiérarchie sociale. Non seulement les décisions étaient-elles toutes prises collectivement, mais toutes les tâches, comme assurer la sécurité, passer de porte en porte pour faire signer la pétition et mobiliser la population, préparer les repas, etc. étaient exécutées par des participant(e)s motivé(e)s. Autrement dit, tout le monde contribuait de bon gré à la mesure de ses capacités.
De multiples tactiques ont été employées dans le cadre de la stratégie générale encadrant la marche. Il y eut par exemple un face-à-face assez conflictuel avec le ministre Conservateur Steven Blaney, un ardent promoteur des oléoducs. Celui-ci a constamment tenté, par des pirouettes verbales impressionnantes, d’esquiver la question des pipelines, en aiguillant la conversation sur sa légitimité démocratique personnelle (il ne faisait cependant aucun cas des électeurs qui manifestaient contre les oléoducs). Une autre de nos tactiques a consisté à manifester dans les rues de Québec, Trois-Rivières, Montréal et Terrebonne, villes dans lesquelles chaque manifestation a réuni un bon nombre de citoyens et citoyennes opposé(e)s aux oléoducs. Et pendant toute la durée de la marche, on a amassé des milliers de signatures pour la pétition Coule pas chez nous.
Un des buts de la marche consistait à sortir de l’isolement les différents groupes opposés aux oléoducs répartis sur le territoire. À cet égard, on peut dire que la marche a été un succès. La Marche a activement collaboré avec divers groupes citoyens, dont STOP Oléoduc, et participé à la campagne Coule pas chez nous (http://www.coulepascheznous.com). Le Regroupement interrégional sur le gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent (http://www.regroupementgazdeschiste.com/?page=communiques), qui s’était constitué lors de la bataille victorieuse de 2011 contre le gaz de schiste, a jugé pertinent d’élargir son mandat afin de lutter contre tout nouveau projet d’exploitation des combustibles fossiles dans la province. La Marche a rencontré sur son passage les conseils municipaux de cinq villes situées le long du tracé des pipelines, qui ont adopté des résolutions rejetant un éventuel passage d’oléoducs sur leurs territoires respectifs, à savoir Saint-André de Kamouraska, L’Islet, Saint-Augustin de Desmaures, Lanoraie et Saint-Sulpice. Les bases d’une résistance à grande échelle aux pipelines ont été posées, mais pendant ce temps, les projets d’oléoducs continuent de cheminer à travers le processus fédéral d’« approbation » (c’est-à-dire d’autorisation systématique). De leur côté, les marcheurs et les marcheuses des Peuples pour la Terre Mère planifient présentement la tenue d’actions afin de poursuivre la lutte et de sensibiliser la population québécoise aux dangers que présentent les projets d’exploitation des combustibles fossiles. La bataille est loin d’être gagnée, mais la Marche a permis de créer une communauté unie et forte pour l’avènement d’un mouvement grandissant.