Édition du 19 novembre 2024

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Israël - Palestine

600,000 enfants à Rafah ne peuvent « évacuer »

La représentante de l’UNICEF Mme Tess Ingram déclare après son retour de Gaza, «  La réalité dans laquelle vivent les enfants ici, est honnêtement choquante. Les gens vivent vraiment dans des conditions sordides ».

Jeremy Scahill, The Intercept, 8 mai 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Avec leurs tanks, les militaires israéliens sont entrés dans Rafah et se sont vite dirigé vers le poste frontière avec l’Égypte pour en prendre le contrôle. Cette prise en mains bloque le seul corridor dont disposaient les Gazaouis vers un territoire hors contrôle des Israéliens. À titre de salutation, un tank bulldozeur israélien a démoli un monument où on pouvait lire « I love Gaza » en entrant dans le territoire venant d’Égypte.

L’assaut, et la menace israélienne pendante d’une invasion complète de la zone, malgré les objections importantes de la Maison blanche, laissent les civils.es palestiniens.es avec le poids d’attaques incessantes dont ils et elles doivent supporter le choc permanent. Très vite Israël a fermé la frontière à Rafah et provoquer ainsi l’arrêt des entrées d’aides dans le sud de l’enclave, si maigres étaient-elles.

« Ils sont épuisés.es, traumatisés.es, malades, affamés.es, et leurs capacités pour entreprendre une évacuation sécuritaire sont limitées ».

Les résidents.es de Gaza sont une fois de plus forcés.es de s’introduire dans un scénario inimaginable où il leur faut batailler pour comprendre les cartes déterminées par Israël qui leur indiquent les endroits où se diriger pour avoir moins de risques de mourir. Sur les réseaux sociaux, la porte-parole de langue arabe de l’armée israélienne leur dit de se rendre à Khan Younes, un territoire en ruine après les attaques aériennes et terrestres (de la part de cette armée).

L’UNICEF demande au gouvernement israélien et à ses supporters d’accepter un cessez-le feu et de revenir sur ses plans d’invasion de Rafah.

Sa représentante, Mme Tess Ingram, insiste : « À Rafah, il y a 600,000 enfants qui y cherchent refuge. Beaucoup d’entre eux et elles ont déjà été déplacés.es de multiples fois, sont épuisés.es, traumatisés.es, malades, affamés.es et leurs capacités à évacuer en sécurité sont limitées. L’endroit où on leur dit d’aller n’est pas sécuritaire. Il n’y a aucun service de base pour leur assurer l’eau, les sanitaires et un abri. Et ça n’est pas sécuritaire aussi parce que nous savons que cette zone a été l’objet d’attaques même si elle est qualifiée de sûre. L’impact d’une offensive terrestre dans une région du monde la plus peuplée, nous préoccupe aussi  ».

Avant le début de la guerre à Gaza, Rafah comptait environ 250,000 habitants.es. Avec l’arrivée des Gazaouis fuyant les combats cette population. a fini par atteindre le million et quart.

Mme Ingram ajoute : «  Honnêtement la réalité dans laquelle vivent ces enfants est choquante. Les gens vivent dans des conditions sordides. C’est un territoire incroyablement surpeuplé. Partout où vous marchez, vous êtes côte à côte avec quelqu’un. Les abris de fortune s’étendent depuis les immeubles jusque sur les trottoirs et dans les rues. Les gens vivent là où ils peuvent trouver un espace, sous des toiles ou des couvertures. Et ça s’étend aussi loin que porte la vue ».

Elle n’a pas pu avoir d’aide humanitaire ou d’essence à Gaza depuis dimanche : « Vraiment, nous grattons les fonds de barils pour trouver ce qu’il nous reste de pétrole. Nous n’avons pas réussi à en faire entrer plus. Pourtant c’est vital pour l’aide humanitaire et les opérations à Gaza. Sans cela, nos plus importants systèmes, les usines de dessalement de l’eau de mer, les hôpitaux, la livraison de la nourriture par camions, vont devoir s’arrêter ».

Ces propos ont été confirmés par le porte-parole de Département d’État, Mark Miller, lors d’un point de presse mercredi dernier. Il a confirmé qu’aucun pétrole n’était entré dans Gaza que ce soit par les poste de Rafah ou Karem Shalom malgré les pressions américaines. Il a ajouté que les États-Unis ont averti Israël qu’en prenant le contrôle du poste frontière, il a maintenant la responsabilité de l’ouvrir au plus vite. Et même si les camions d’aide entraient à Gaza ils ne pourraient assurer leurs livraisons sans essence.

Israël ne reculera pas

Les conditions épouvantables ont encore empiré avec les bombardements incessants des forces israéliennes sur Rafah et dans les environs. Elles ont stratégiquement saisi des territoires comme le poste frontière et massé des troupes en préparation d’une invasion de grande ampleur.

Depuis les sept mois d’attaques ininterrompues contre la population civile de la Bande qui ont fait plus de 35,000 morts, les hauts-fonctionnaires et les porte-paroles israéliens.nes, ont répété au monde entier que leur gouvernement n’avait pas l’intention d’occuper Gaza. L’actuelle main mise sur Rafah est un puissant rappel qu’on nous a servi un mensonge.

Même sans les tanks positionnés à la frontière, Israël exerce son autorité sur les entrées sur le territoire. Il a déjà installé un système d’inspections de sécurité du côté égyptien qui a imposé des délais de livraison à l’aide humanitaire depuis l’an dernier. Les tanks du côté de Gaza ne font que donner publiquement un sens militaire à cette réalité.

Depuis des semaines, l’administration Biden insiste pour dire que Rafah est sa ligne rouge. Mais, quand le Président Biden a discuté avec le Premier ministre Nétanyahou avant le début de l’opération, un fonctionnaire de haut-niveau soulignait : «  J. Biden n’a pas mis le frein sur la saisie du poste frontière de Rafah  ».

La Maison blanche a émis des préoccupations modérées à propos de la saisie (du poste frontière) après l’arrivée des tanks. Mais, le porte-parole du Conseil national de sécurité, M. John Kirby, a défendu l’action israélienne en disant que l’administration avait reçu des garanties d’Israël que ce ne serait pas « une opération terrestre de grande ampleur ».

Pendant que symboliquement les États-Unis reportent la livraison d’un lot d’armement, les représentants.es officiels.les du gouvernement ont clairement dit que l’appui en armes à Israël continuera qui a minimisé la signification de ce délai de livraison d’armes et assuré qu’en coulisses, les alliés travaillent sur les enjeux en cause.

Certaines des tensions dans ces coulisses ont surgit publiquement cette semaine lorsqu’un membre officiel du Likoud et député à la Knesset, M. Tali Gottlieb, a lancé une menace envers les États-Unis de porter plainte pour crimes de guerre en réponse à ce délai de livraison : «  Bon. J’ai reçu les nouvelles des États-Unis. Nous possédons des missiles imprécis. Je vais les utiliser. Je vais tout simplement écraser dix édifices. Dix édifices. C’est ce que je vais faire ».

The Intercept a questionné M. Miller du Département d’État, à propos de cette déclaration. Il l’a dénoncée : « Ces commentaires sont absolument choquants ; les membres les plus importants du gouvernement israélien devraient s’en abstenir ».

Mercredi, le Président Biden est allé plus loin. Répondant à Erin Burnett (sur CNN) il a déclaré que si Israël envahissait Rafah, son gouvernement couperait les aides en obus d’artillerie, de bombes et d’autres armes offensives.

Le gouvernement israélien a servi un paquet de raisons pour justifier son invasion de Rafah : défaire les bataillons du Hamas, démanteler les couloirs de contrebande, faire pression sur le Hamas pour qu’il accepte une entente de libération des otages. Pour leur part, les familles des otages manifestent massivement exigeant du gouvernement Nétanyahou qu’il arrive immédiatement à une entente avec le Hamas sur la libération de leurs proches détenus.es.

Cette demande était d’actualité lorsqu’Israël s’est saisi du poste frontière (à Rafah) mais les représentants officiels du gouvernement ont insisté sur la nécessité de conquérir Rafah avec ou sans une telle entente.

L’Unicef estime que les habitants.e de Rafah ont accès en ce moment à environ 3 litres d’eau pure par jour. Cette quantité doit servir d’eau potable, à la cuisine, à la lessive et à l’hygiène. L’agence souligne qu’un minimum de 15 litres par jour est recommandé pour les populations en situation d’urgence. Il y a une seule toilette pour 850 personnes. La diarrhée est rampante, les femmes et les filles n’ont pas un accès continue aux produits sanitaires nécessaires et le couches pour bébés manquent : « Les gens peuvent attendre des heures pour utiliser une salle de toilette ou encore ils ne se trouvent pas en sécurité pour le faire. Donc d’autres méthodes sont utilisées comme faire ses besoins en plein air. Quand vous marché dans Rafah très souvent vous sentez les égouts qui suintent. Le système d’évacuation ne fonctionne pas correctement mais il n’y a pas d’autres option ».

Si Israël étend ses opérations à Rafah, les endroits où la population devra se rendre sont encore moins bien pourvus de ces fragiles et inadéquates infrastructures. Mme Ingram ajoute : «  Il est difficile d’imaginer qu’une situation si mauvaise puisse empirer. Mais ça se passera quand les gens seront forcés de se rendre dans un endroit non sécurisé qui ne possède pas les services de base dont ils ont besoin pour survivre. Même Rafah manque de cela. Les enfants vulnérables dont on parle ont déjà survécu à sept mois de guerre et en portent toutes les marques physiquement ou psychologiquement. Leurs capacités à se déplacer vers la zone désignée sont diminuées par les traumatismes. Ils ont besoin de plus d’aide pas de moins ».

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