Une discrimination particulièrement brutale et sexiste
Le recours à l’embauche de stagiaires non rémunéré.es est de plus en plus généralisé, dans un contexte de restructuration des politiques et des institutions publiques ainsi que dans un contexte de sous-financement chronique du milieu communautaire, ce qui restreint grandement l’embauche de travailleur.euse.s à temps plein avec des conditions de travail décentes. Alice Lefèvre, étudiante au baccalauréat en travail social et stagiaire dans un organisme communautaire, s’est jointe à ses collègues rassemblé.es par centaines cet après-midi devant les bureaux du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. "Je dois travailler gratuitement à raison de trois jours/semaine durant une année entière pour compléter ma formation. Aujourd’hui, je suis en grève pour visibiliser le travail gratuit accompli par des milliers de stagiaires, la plupart du temps dans les domaines traditionnellement féminins," a-t-elle tenu à préciser.
La forte concentration de femmes est sans l’ombre d’un doute le dénominateur commun des programmes avec stages non rémunérés, tant dans les domaines du care (l’enseignement, les soins infirmiers, le travail social, etc.) que de la culture. Des domaines où l’on assimile l’exploitation à la vocation et aux opportunités de carrière. "En enseignement, on doit compléter quatre stages totalisant quelque 700 heures de travail sans toucher le moindre salaire. C’est d’autant plus inacceptable quand on sait qu’aux États-Unis et au Canada, les stages des domaines traditionnellement masculins sont souvent bien payés !" s’insurge Alexandre Clément, stagiaire en éducation en grève. Cette disparité dans les conditions d’études accentue la hiérarchisation entre les programmes et empêche un traitement égal pour l’ensemble des étudiantes et étudiants. "Ce que nous exigeons, c’est qu’il n’y ait plus de catégorie de travailleuses et de travailleurs exclue des normes minimales de travail," ajoute le futur enseignant.
À affront international, riposte internationale !
La population des programmes avec stages a peu à voir avec la conception stéréotypée de l’étudiant.e qui est véhiculée par la droite pour justifier la dégradation de ses conditions d’étude, soit celle d’un.e millennial oisif.ve et geignard.e. Sandrine Belley, stagiaire en travail social et militante du CUTE-UQAM, explique : "On trouve au sein des programmes scolaires qui comportent des stages une forte concentration de personnes issues de l’immigration, dont les diplômes acquis à l’international ne sont pas reconnus. On trouve également des parents étudiants, des adultes effectuant un retour aux études, des personnes vivant avec des maladies chroniques, physiques ou mentales, etc. Ces personnes n’accomplissent leurs études et leurs stages qu’au prix de sacrifices immenses qui n’ont pas lieu d’être."
Les actions organisées par les membres de la Coalition montréalaise pour la rémunération des stages s’inscrivent dans un mouvement plus large de solidarité et de lutte contre le travail gratuit, aujourd’hui dans le cadre de la 3e édition de la Journée internationale des stagiaires coordonnée par la Global Intern Coalition. Pour marquer l’occasion à leur manière, plus d’une soixantaine d’organisations québécoises et d’ailleurs en Amérique du Nord ont joint leur voix pour dénoncer les abus et l’exploitation des stagiaires via la déclaration commune "Assez l’exploitation des stagiaires !", que l’on peut consulter au www.GlobalInternsDay.org.
De conclure Sandrine : "En cette Journée internationale des stagiaires, nous nous mobilisons comme des milliers d’autres stagiaires dans différentes régions de l’Amérique du Nord et du monde pour dénoncer les abus et l’exploitation. Nous en appelons à une mobilisation de tous les travailleurs et de toutes les travailleuses, et notamment de l’ensemble des stagiaires, afin de réclamer le salaire et les conditions de travail décentes qui leur sont dus !"
La Coalition montréalaise pour la rémunération des stages a été créée cet été par des associations, syndicats et groupes étudiants, dans le but d’obtenir notamment le plein salaire et des conditions de travail convenables pour tou.tes les étudiant.es en situation de stage à tout ordre d’enseignement. De concert avec d’autres coalitions analogues en voie de création, la Coalition contribue par cette lutte à un nécessaire renouveau du mouvement étudiant qui se veut davantage inclusif et ancré régionalement. On peut aussi suivre les activités de la Journée internationale des stagiaires via les hashtags #GlobalInternsDay et #InternsDay.
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