Cette décision survient alors que le mouvement de contestation qui réclame le départ du président prend encore de l’ampleur, notamment après la mort de 52 personnes tuées lors d’une attaque vendredi contre des manifestants à Sanaa.
Cette tuerie, attribuée à des partisans du régime, a marqué la journée la plus sanglante depuis le début de la contestation, fin janvier. Elle a été dénoncée par l’opposition comme un massacre et continue de provoquer des défections au sein du pouvoir.
Une foule massive s’est rassemblée dimanche près de l’université de Sanaa pour les funérailles de certains des manifestants tués. La foule en colère a scandé des slogans demandant la chute du régime et le départ du président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.
Selon un journaliste de l’AFP présent sur place, il s’agit de la plus importante manifestation à Sanaa depuis le début de la contestation.
Trois ministres démissionnent
Sur le plan politique, un troisième ministre yéménite, la ministre des droits de l’homme, Houda al-Baan, a démissionné dimanche pour protester contre contre "le massacre cruel" des 52 manifestants.
L’ambassadeur du Yémen à l’ONU, Abdallah al-Saïdi, a lui aussi présenté sa démission peu après pour les mêmes motifs.
Le sous-secrétaire du même ministère, Ali Taysir, avait déjà annoncé sa démission vendredi. Vendredi soir, le ministre du tourisme Nabil Al Faqih avait déjà quitté le gouvernement – qui compte une trentaine de ministres – pour protester contre "l’usage injustifié de la force" contre les participants au sit-in de l’Université de Sanaa.
Au début de la semaine, le ministre des "wakfs" (les biens religieux), Hammoud al-Hattar, avait également démissionné. D’autres défections ont eu lieu au niveau des organismes de l’Etat comme à la tête de l’agence officielle Saba, dont la patron et rédacteur en chef Nasser Taha Moustafa, a démissionné samedi pour les mêmes raisons.
Appels à la désobéissance
Par ailleurs, les religieux yéménites ont appelé les membres des forces de l’ordre à ne pas obéir aux ordres lorsqu’il s’agit de tirer sur les manifestants et rendu le président Saleh responsable du "massacre" du vendredi. Dans un communiqué diffusé dimanche, ces religieux ont également appelé à retirer les troupes de la garde républicaine, corps d’élite de l’armée, de Sanaa et au démantèlement du corps de la sûreté publique, la police politique du régime.
"Vendredi de l’avertissement"
Ce "vendredi de l’avertissement", ainsi que l’avait baptisé un des groupes l’ayant organisé, a commencé tôt dans les rues de la capitale yéménite, avant de dégénérer. Selon des témoins, des partisans du régime ont ouvert le feu sur la foule depuis les toits des habitations proches de la place de l’université, où se tient depuis le 21 février un sit-in pour réclamer le départ du chef de l’Etat.
De vastes rassemblements avaient également été signalés dans plusieurs villes du pays, du port d’Aden, dans le Sud, à Hodeïda, dans l’Ouest.
Les "regrets" du président Saleh
Samedi, des orateurs se sont succédés sur la place de l’Université, où les manifestants campaient toujours, pour conspuer le régime. "De quel droit le boucher et terroriste Ali Abdallah Saleh se permet-il d’instaurer l’état d’urgence alors qu’il est devenu une personne recherchée pour avoir commis un massacre contre le peuple", a clamé l’un des intervenants.
Le président Saleh a, lui, déclaré "regretter" ces morts qui sont considérés "comme des martyrs de la démocratie". Mais il a justifié sa décision d’instaurer l’état d’urgence dans le pays. Il a à nouveau demandé que les manifestants évacuent la place de l’Université, au centre de Sanaa, symbole de leur mobilisation. L’état d’urgence donne en théorie aux forces de l’ordre la latitude de réprimer les manifestations et aux autorités le pouvoir de restreindre les libertés publiques pour imposer l’ordre.