Le NPD, le Bloc québécois (et le Parti Vert avec une intervention d’Elizabeth May qui n’a pas voté, toutefois) ont sagement voté contre cette motion toxique qui s’attaque à la liberté d’expression des Palestiniens et de leurs alliés.
Le chef par intérim du Bloc, Rhéal Fortin, pense qu’il est « dangereux » de manipuler les libertés individuelles et que le gouvernement ne devrait pas s’immiscer. « Les gens ont le droit de boycotter. On peut être d’accord ou pas avec le boycott – ça, c’est correct. Mais de venir légiférer ou adopter une motion pour interdire ou condamner, ça me rappelle de mauvais souvenirs », a indiqué le chef.
Le parti indépendantiste a d’ailleurs adopté à l’unanimité une proposition pour réitérer son appui à la Palestine « dans sa lutte pour l’autodétermination de son peuple », lors de son Conseil général, la fin de semaine dernière.
2. Il faut s’opposer à la menace du gouvernement du Canada de criminaliser la critique d’Israël
Samedi 20 février 2016, la lettre suivante a été émise au nom de 74 organismes :
Mesdames et Messieurs les députés libéraux de la Chambre des Communes du Canada
Le Parti conservateur a déposé, cette semaine à la Chambre des Communes, une motion appelant à rejeter le mouvement de Boycott, désinvestissement et sanction (BDS) qui ferait (…) la promotion de la démonisation et de la délégitimation d’Israël. La motion demande au gouvernement canadien (…) de condamner tout individu, groupe ou organisation canadienne qui ferait la promotion du mouvement BDS ici au Canada et partout ailleurs dans le monde. Le parti libéral de M. Trudeau s’apprêterait à appuyer cette motion. Nous en sommes profondément choqués.
En tant qu’organisations de la société civile québécoise, nous nous opposons fermement à cette motion antidémocratique qui constitue une grave atteinte à la liberté d’expression, un droit pourtant protégé par les Chartes québécoise et canadienne. Les États-Unis, la France, le Royaume-Uni ont également pris de telles mesures, ce qui laisse supposer une action concertée du gouvernement israélien auprès de ses alliés occidentaux pour faire interdire le mouvement BDS.
Sachant que les députés du NPD, du BQ et du Parti Vert ont annoncé leur intention de voter contre la motion, nous demandons instamment aux députés libéraux, de voter eux aussi contre cette motion qui reprend pour l’essentiel le Protocole d’entente Canada-Israël concernant la diplomatie publique signé par le gouvernement Harper en janvier 2015.
Le 15 avril 2015, nous avions appuyé l’appel de l’organisation Voix juives indépendantes à protester contre cette entente. Nous réitérons aujourd’hui notre appui à cet appel.
Appel de Voix Juives Indépendantes Avril 2015
En 2009, le gouvernement du Canada a soutenu de manière très importante la Coalition parlementaire canadienne pour combattre l’antisémitisme (CPCCA), un groupe de parlementaires accusant d’antisémitisme tous ceux qui contestent le traitement injuste fait par Israël aux Palestiniens et Palestiniennes. Le but de la CPCCA était de créer au Canada un climat dans lequel toute critique d’Israël pourrait être criminalisée. Heureusement, cette initiative a échoué, grâce à une large opposition du public canadien.
En 2014, le gouvernement du Canada a signé un Protocole d’entente avec Israël concernant la diplomatie publique. Ce protocole stipule que « le ciblage sélectif d’Israël constitue le nouveau visage de l’antisémitisme » et déclare que le Canada s’opposera à ceux et celles qui soutiennent le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS). Peu après la signature de ce protocole, le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, a annoncé à l’Assemblée générale de l’ONU que le gouvernement du Canada ferait preuve de tolérance zéro à l’égard de toutes les formes de discrimination, y compris la rhétorique, envers Israël, et les tentatives de délégitimation d’Israël comme le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions.
Tout cela fait suite au fait qu’en octobre 2014, le gouvernement du Canada a adopté des modifications au Code criminel dans le projet de loi C-13, lesquelles élargissent aux nations la définition de groupes devant être protégés contre l’incitation publique à la haine. Ce changement à la loi canadienne, ressemble en tout point à ce qui s’est fait en France, où des modifications au code pénal français ont conduit à la condamnation pour incitation à la haine raciale de vingt citoyens français appuyant le mouvement BDS.
Rien n’est encore très clair quant à la façon de procéder du gouvernement du Canada pour mettre en œuvre cette politique de tolérance zéro contre ceux et celles qui exercent leur liberté d’expression en préconisant et en participant à la campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre Israël pour faire respecter les droits des Palestiniens et Palestiniennes. Ce qui est clair, cependant, c’est que le gouvernement du Canada est déterminé à cibler les personnes qui rendent visibles les mauvais traitements infligés par Israël aux Palestiniens et Palestiniennes et s’y opposent. Ces efforts déployés par le gouvernement ne peuvent que jeter un froid sur la démocratie canadienne et peuvent conduire à la criminalisation de la dissidence à plus ou moins brève échéance.
Nous sommes sans équivoques dans notre condamnation de toutes les formes de racisme, y compris l’antisémitisme. Il faut affirmer avec insistance qu’il n’est pas antisémite de critiquer l’État d’Israël. Ceux qui assimilent ces critiques à une haine des Juifs tentent simplement de réduire au silence toute personne ou groupe qui critique Israël.
Devant ces gestes du gouvernement du Canada, et parce que nous sommes dans une démocratie, nous devons défendre le droit des citoyennes et citoyens de critiquer le comportement de tout gouvernement et de choisir des moyens pacifiques comme le boycott pour changer ce comportement.
Nous, les organisations soussignées, nous opposons aux tentatives du gouvernement du Canada visant à criminaliser la critique ou l’opposition aux actions de tout pays.
3. Lettre des Artistes pour la Paix 20 février2016
La motion conservatrice a semblé intolérable par son intolérance aux Artistes pour la Paix qui ont, par la voix de leur présidente Guylaine Maroist, et de leur vice-président Pierre Jasmin, voulu en avertir avant le vote, le premier ministre Justin Trudeau avec copie au ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion :
Monsieur le premier ministre,
Les Artistes pour la Paix se sont réjouis de votre élection suivie de gestes concrets pour la paix et la justice sociale et nous nous sommes réjouis de la nomination, entre autres, du ministre Stéphane Dion aux Affaires étrangères avec qui nous avons correspondu, notamment au sujet des bombes nucléaires (israéliennes et autres) qui nous préoccupent.
Permettez-nous de reprendre intégralement les mots de la lettre du 11 février dernier adressée à la mairesse de Paris, madame Anne Hidalgo, par trois maires palestiniens : Madame Vera Baboun, maire de Bethléem, Monsieur Mohammed Jalaytah, maire de Jéricho et Monsieur Musa Hadid, maire de Ramallah. Cette lettre affirmait avec émotion et justesse les mots suivants que nous reprenons à l’endroit de tous les députés appelés à voter sur une motion conservatrice lundi :
nous restons profondément attachés à une résolution pacifique du conflit israélo-palestinien sur la base des deux États, conformément aux résolutions relatives de la légitimité internationale et les accords conclus entre les parties, israélienne et palestinienne. Cette vision est portée et soutenue par l’ensemble de la communauté internationale. La fin de l’occupation israélienne de la Palestine en est une condition sine-qua-non, ainsi que le recouvrement des droits nationaux légitimes du peuple palestinien.
Notre objectif n’est pas de boycotter le peuple israélien, mais l’occupation par Israël de la Palestine, la politique et les pratiques de colonisation du gouvernement israélien qui ne font que [faire]dépérir l’horizon politique pour les deux peuples.
C’est dans cet objectif que nous vous écrivons aujourd’hui. En effet, nous avons appris qu’une motion serait déposée par les élus[députés conservateurs en l’occurrence]en condamnation du BDS à l’égard d’Israël et nous en sommes profondément préoccupés. Une telle motion donnerait un signal à contre-sens des efforts de paix et du droit international, elle risquerait d’encourager l’occupation et la répression du peuple palestinien. L’occupation sous laquelle vivent des millions de palestiniens, ainsi que la colonisation et le système d’expropriation et d’apartheid qui en découlent, constituent des violations graves du droit international, des droits inaliénables du peuple palestinien et sapent toute solution politique.
Nous souhaitons vous voir reconsidérer votre position [dans ce cas-ci, la position que vous prêtent les médias] pour protéger cette paix fragile et particulièrement menacée en terre de paix, la Palestine occupée. Vous adresseriez ainsi un message fort d’engagement en faveur du droit international et de la diplomatie comme seuls moyens d’avancer et témoigneriez de votre respect à l’égard du droit des palestiniens, en vous assurant que vous serez de la Communauté internationale qui reste aux côtés de ceux qui respectent ses droits et ses principes.
Peu de choses à ajouter à cette déclaration troublante qui, nous l’espérons, guideront votre vote face à la motion conservatrice : les Libéraux, comme les Canadiens, ne gagneraient rien à appuyer une motion inspirée par des sentiments haineux envers une minorité déjà si fragilisée.
Notre position affirmée par cette lettre en est une de paix et non de partisannerie, puisque tout comme PEN international, Les Artistes pour la Paix n’ont pas adhéré au BDS, ne croyant pas aux vertus d’un boycott culturel lorsqu’imposé. Notre position collective, telle qu’endossée par le conseil d’administration des APLP, est toutefois enrichie par les apports individuels variés d’artistes pour la paix de l’année tels Wajdi Mouawad, Pascale Montpetit, Martin Duckworth, Anaïs Barbeau-Lavalette et Samian, tous avec l’expérience de séjours artistiques au Moyen-Orient.
Veuillez accepter, monsieur le premier ministre, l’expression de nos sentiments chaleureux,
Cc Monsieur Thomas Mulcair, NPD
Monsieur Mario Beaulieu, Bloc québécois
Madame Elizabeth May, Parti Vert
3. Rappelons à l’instar de Lorraine Guay, coordonnatrice pour BDS Québec, d’Amélie Nguyen du Centre International de Solidarité Ouvrière et de Nathalie Guay, responsable des relations internationales à la CSN (où oeuvrait autrefois notre APLP 1991 Simonne Monet-Chartrand et son mari Michel) que :
Le centre Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient (CJPME) a publié, en octobre dernier, un tableau notant les cinq principaux partis politiques sur des questions relatives à la région du Moyen-Orient. Parmi celles-ci, « la réponse aux guerres contre la bande de Gaza de 2012 et de 2014 » a vu le Parti libéral du Canada obtenir la note ÉCHEC, tout comme ses prédécesseurs conservateurs.
Depuis son élection, le gouvernement libéral s’est positionné aux Nations Unies (ONU) en s’opposant à six résolutions concernant la Palestine, Israël et certains enjeux analogues (nous avons nous-mêmes écrit au ministre Dion pour déplorer deux votes du Canada à l’ONU sur les bombes nucléaires, peu compatibles avec les positions défendues par M. Ban Ki-moon lui-même). Autre exemple : le Canada a voté contre la résolution A/70/L.21, qui concerne les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem-Est et le Golan syrien occupé), pourtant adoptée à la majorité par les Nations-Unies en appui au droit international contre une occupation militaire meurtrière. Curieux pour un parti libéral prétendant défendre des positions de « promotion de la paix et de la sécurité mondiale ».
Les APLP espèrent de tout cœur que cette façon autoritaire, de la part des puissants, de limiter, voire d’enlever la liberté d’expression aux peuples non reconnus, tels les Palestiniens, les Kurdes, les Tamouls, les Québécois (autrefois) et les Premières Nations (récemment, encore), n’entraînera aucune recrudescence d’actes terroristes. C’est pour prévenir de tels actes, dont on sait qu’ils empirent leurs situations, que ces démarches démocratiques ont été entreprises et qu’un cinéaste tel Jacques Audiard obtient une Palme d’Or à Cannes avec Dheepan, portrait réaliste d’un tigre tamoul.
Les APLP avaient fait de même, en écrivant alors : « Les APLP, favorables au mouvement BDS lorsqu’il s’oppose aux industries culturelles du gouvernement d’Israël comme outils de propagande, se portent évidemment volontiers signataires de cette pétition, d’autant plus qu’elle est initiée par nos amiEs Voix Juives Indépendantes et qu’elle défend le droit à l’expression.
Nous rappelons toutefois que tout comme PEN international et leur vice-présidente honoraire Margaret Atwood, nous croyons que le mouvement BDS devrait éviter de s’opposer aux échanges culturels individuels, vu que la majorité des écrivains et artistes israéliens sont, comme nous qui sommes opposés au gouvernement conservateur du Canada, opposés aux politiques des derniers gouvernements israéliens, tous hostiles à divers degrés aux Palestiniens.
Espérons qu’aujourd’hui même Benyamin Nétanyahou, que les Artistes pour la Paix critiquent sans relâche depuis des années, aura terminé ses ravages en tant que dirigeant israélien [il y avait vote pour le renouvellement de la Knesset, vote gagné contre la tendance des sondages par le dirigeant qui s’est maintenu au pouvoir grâce à l’appui de partis d’extrême-droite] !
Nous vous engageons à lire notre dernière prise de position anti-Nétanyahou, en fait un cri d’alarme sur l’état de la paix dans le monde, parue vendredi dernier dans L’Aut’Journal et sur notre site. »
Voir article dans la revue Relations 2010, disponible sur demande