Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/08/10/violences-faites-aux-femmes/
Actuellement dans notre pays, près d’un viol sur deux est perpétré par un conjoint ou un ex-conjoint. Ce fait, gravissime, est pourtant très peu médiatisé et conscientisé par la population. Malgré la vague #MeToo en 2017, le mythe du devoir conjugal reste bel et bien toujours ancré dans les mœurs. « Le lieu où les femmes sont le plus en danger, sont le plus assassinées en France, c’est chez elles […] l’homme le plus dangereux pour une femme, c’est son mari », déclarait Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, sur RMC le 1er juin.
Le viol conjugal, comme le viol en général, peut s’effectuer sans violence physique par pression psychologique, culpabilisation et insistance. Le viol sur conjoint est une violence sexuelle demandant une prise en charge adaptée du fait de sa spécificité, qui se manifeste sur différents plans : affectif, financier, familial, psychologique et médical. De plus, le viol conjugal est très exposé au déni et à l’amnésie traumatique.
Absence de la notion de consentement dans les couples
Le mythe du devoir conjugal, quant à lui, est au cœur de l’absence de notion de consentement dans les couples. Beaucoup de victimes témoignent avoir été forcées par leur partenaire mais ne posent pas le mot « viol » sur leur vécu, pensant que leur conjoint est dans son bon droit. Bon nombre d’agresseurs admettent d’ailleurs forcer leur partenaire, tout en se sentant légitimes pour le faire sous couvert de devoir conjugal.
Rappelons que la loi française définit le viol comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise. Lorsqu’il est perpétré par le conjoint ou l’ex-conjoint, la peine encourue est alors de 20 ans de réclusion criminelle.
Depuis les années 80, le viol entre époux est considéré comme circonstance aggravante, mais l’application des textes de lois sur ce sujet et la prise en charge des victimes n’est toujours pas au rendez-vous. Dans les faits, la majorité des viols conjugaux ne sont pas pris sérieusement en compte par la justice et sont requalifiés en tant que délit ou classés sans suite. Pour donner un ordre d’idée, d’après le ministère de la Justice (pour les affaires traitées en 2016), 70% des cas de viols étaient classés sans suite.
C’est pour faire face à ce fléau qui touche une femme sur trois dans notre pays – 33 % des femmes interrogées dans une enquête du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ont déjà eu un rapport sexuel suite à l’insistance de leur partenaire, alors qu’elles n’en avaient pas envie que nous créons aujourd’hui le Collectif français contre le viol conjugal (CFCVC).
Prévention, accompagnement, formation
Le collectif a pour objectif de sensibiliser la société au consentement au sein des couples et de lutter contre le viol conjugal et ses conséquences à travers des campagnes de sensibilisation, des actions militantes et des projets pour une meilleure prise en charge des victimes.
Nous réclamons davantage de prévention au consentement dans le couple, la prise en compte de sa particularité dans le contexte conjugal, et un accompagnement des victimes à toutes les étapes post-traumatiques adapté aux situations particulières de chacune (dépendance financière, assistance sociale et psychologique, dépôt de plainte et procédure judiciaire…).
Nous demandons une journée de formation obligatoire dédiée au viol conjugal pour tous les fonctionnaires publics en contact avec des victimes. Nous réclamons également que la notion de viol conjugal soit abordée dans le cursus d’études supérieures des élèves de droit, psychologie et médecine. Enfin, il nous paraît important que les associations féministes et d’accompagnement de victimes de violence puissent être formées à cette thématique.
Nous demandons à ce que la notion de « devoir conjugal » soit abolie de manière définitive dans les interprétations de textes de loi, et qu’il ne puisse plus être utilisé comme argument de faute grave lors de divorces. Ainsi, l’article 215 du code civil, qui oblige les époux à une communauté de vie, interprétée par la jurisprudence comme incluant le devoir conjugal, doit être révisé et détaillé pour affirmer l’absence d’obligation sexuelle dans le couple.
Enfin, nous réclamons une application concrète de la notion de circonstance aggravante qui figure dans les textes de lois lors d’un viol commis par conjoint. Nous demandons que ces peines incluent un accompagnement psychologique de l’agresseur afin de limiter les risques de récidive une fois la peine purgée.
Il s’agit d’un enjeu de santé publique contre lequel il convient d’agir urgemment. Le consentement n’est pas et ne doit jamais être une option, quel que soit le contexte relationnel.
Signataires : Capucine Coudrier Créatrice du compte @ovairestherainbow ; Louisadonna Psychologue auprès de victimes de violence et artiste ; Giulia Foïs Journaliste et écrivaine ; Mona Jafarian Militante féministe ; Fanny Puel Elue et militante féministe ; Main violette Caen Association ; Alice Pfältzer Créatrice du compte @je.suis.une.sorcière ; Arnaud Gallais Cofondateur du collectif Prévenir et Protéger et Be Brave France ; Bettina Zourli Créatrice du compte @jeneveuxpasdenfant ; Noëlla Bugni Dubois Créatrice du compte @nos_allies_les_hommes ; Justine Lossa Comédienne et cocréatrice du compte @camilletjustine ; Muriel Salmona Présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie.
Compte Instagram du collectif accessible ici.
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https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/la-moitie-des-viols-sont-conjugaux-il-faut-agir-20230809_RJOFN52S3VGIFOHJUIC6ABYJ6E/
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