Geoffrey Crothall, porte-parole de l’ONG China Labour Bulletin à Hong Kong, un organisme qui défend les droits des travailleurs chinois, en donne les raisons :
« Il y a une concentration d’activisme du côté des travailleurs parce qu’ils n’ont aucun autre moyen d’exprimer leurs griefs : il leur est impossible résoudre le problème par un dialogue pacifique car les syndicats ne sont d’aucune efficacité [seul le syndicat officiel lié au Parti communiste est autorisé, ndlr].
Ces grèves sont le seul moyen de forcer leurs patrons à faire des concessions ».
Au cours des deux dernières semaines, plus de 10 000 ouvriers de différentes usines se sont mis en grève
Lundi, 700 employés de l’usine taïwanaise Jingmo Electronics qui fabrique des claviers d’ordinateurs pour Apple et IBM ont cessé le travail. Le lendemain, c’est au tour de 400 ouvriers de l’usine de sous-vêtements Shenzhen Top For Underwear de se mettre en grève.
Fin octobre, ils étaient 1 178 chez le fabricant japonais de montres Citizen à tenir tête à leur patron pour obtenir la rémunération de 40 minutes de présence quotidienne supplémentaire imposée mais non payée depuis plusieurs années.
La manifestation la plus importante a eu lieu à Dongguan, important centre industriel du sud de la Chine : 7000 employés de l’usine de chaussures Yucheng Footwear Factory, un sous-traitant de Nike et d’Adidas, sont descendus dans la rue pour protester contre l’annonce de licenciements, une baisse de leurs salaires, ainsi que la suppression des heures supplémentaires, laissant aux employés un maigre salaire de base. Une douzaine de travailleurs ont été blessés par la police.
La Chine avait déjà connu une vague de grèves en 2010, notamment dans les usines du groupe Foxconn, sous-traitant de nombreux fabriquants d’électronique mondiaux, pour obtenir de meilleurs salaires et conditions de travail. Cette fois, c’est le contexte économique mondial qui pèse sur le climat social.
Des conditions de travail dégradées
La crise de la dette en Europe et une situation économique difficile aux États-Unis entraînent depuis plusieurs mois une chute spectaculaire des commandes dans les usines chinoises travaillant pour l’exportation.
Dans la province du Guangdong (sud-est), qui produit à elle seule un tiers des exportations chinoises, les commandes ont plongé de 9% le mois dernier.
L’activité manufacturière chinoise enregistre actuellement sa plus forte chute depuis mars 2009, tandis que l’inflation s’élevait à 5,5%.
« L’économie ralentit et ce sont les travailleurs qui font les frais de ces pertes » s’insurge Geoffrey Crothall. « Ils ne peuvent pas le supporter ! ».
Li Qiang, le fondateur de l’ONG China Labor Watch, basée aux Etats-Unis, souligne :
« De très nombreuses entreprises veulent délocaliser vers l’intérieur du pays où la main d’œuvre coûte beaucoup moins cher ».
Geoffrey Chrothall explique :
« Il y a beaucoup d’anxiété parmi les travailleurs : ils ont peur que leurs usines ferment et d’être licenciés sans compensation. Ils sont anxieux de savoir où leurs usines vont être relocalisées. Tout ça ajoute au sentiment de malaise ».
Les patrons chinois de ces usines sont donc loin d’être tiré d’affaires. Les statistiques de la Fédération des industries de Hong Kong estiment qu’un tiers des 50000 usines chinoises appartenant à des industriels de l’ancienne colonie britannique pourraient fermer et licencier en masse d’ici janvier.
Étrangement, il n’existe pas d’informations concernant les usines chinoises qui produisent des biens à destination du marché intérieur. A croire que celles-ci ne sont jamais en grève…
Geoffrey Chrothall analyse :
« Je pense que les grèves dans les sociétés qui travaillent à destination du marché intérieur se règlent plus rapidement pour une raison très simple : le gouvernement opte pour une ligne beaucoup plus dure contre ces travailleurs ».
Article tiré du site de Rue89.com