Édition du 25 mars 2025

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Economie mondiale

Une nouvelle étape dans la crise économique mondiale

Nick Beams, World Socialist Web Site, (wsws.org), 9 février 2016,
Traduction, Alexandra Cyr

Les réserves de devises étrangères chinoises ont fondu d’environ 100 milliards de dollars en janvier 2016. Elles avaient déjà diminué de 108 milliards de dollars en décembre 2015. Cela ajoute aux craintes vécues face au retrait des capitaux étrangers dans le pays et l’incapacité des autorités financières qui sont en train de perdre la bataille pour empêcher la rapide dévaluation du yen. Cette annonce a eu un écho mondial. Couplée aux incertitudes dans le marché des actions, on voit là une indication que la crise qui a commencé en 2008, est entrée dans une nouvelle phase explosive.

L’envol de 99,5 milliards de dollars après les baisses sans précédent de décembre a mené les réserves de devises chinoises à leur niveau le plus bas depuis trois ans, soit 3,23 mille milliards de dollars. À première vue on peut penser que cela est suffisant pour que la Chine continue sur sa lancée. Toutefois, selon les calculs du Fond monétaire international, (FMI) le pays a besoin d’environ 2,75 mille milliards de dollars pour maintenir la flexibilité nécessaire à la gestion de sa monnaie et de son système financier. Autrement dit, la Chine ne dispose plus que de 500 milliards de dollars pour faire face aux difficultés et si les fonds étrangers continuent de s’envoler au rythme actuel, cette somme sera vite épuisée.

On se rend compte de la signification mondiale de la croissance des problèmes financiers de la Chine quand on examine la situation à la lumière de l’histoire économique du quart de siècle que nous venons de vivre. À la fin de l’URSS en 1991, une vague de triomphalisme bourgeois a surgit. Partout dans le monde on a salué la victoire du « marché libre ». Le régime Chinois a fait parti du concert.

Le gouvernement avait déjà commencé son ouverture au capitalisme et organisé la répression de la classe ouvrière lors du massacre de la place Tiananmen en juin 1989. En 1992, il est allé de l’avant dans son intégration encore plus directe dans le marché capitaliste mondial et a élaboré sa plateforme pour offrir ses travailleurs-euses sous payés-es au capital planétaire.

Au cours des années qui ont suivi, cela a donné ce qu’on a appelé le « cercle économique vertueux ». Pour les multinationales, l’ouverture de la Chine et la disponibilité de sa classe ouvrière ultra bon marché a généré une augmentation significative de leurs profits et a bénéficié au marché financier américain. À un moment donné, les salaires Chinois ne représentaient que le treizième de ceux des États-Unis.

Pour maintenir sa position de premier marché du monde offrant de si bas salaires le régime chinois a recyclé les dollars que lui fournissaient ses exportations vers les États-Unis et les autres marchés occidentaux en les plaçant dans le système financier américain, en achetant des bons du trésor américain. Cela empêchait la hausse inconsidérée du yuan.

Cela a permis à la Réserve fédérale américaine de maintenir des taux d’intérêt historiquement bas tout au cours des années 90 et dans la première partie du 21ième siècle. On nomme cette période celle de la « grande modération ». Ces bas taux d’intérêt ont alimenté la spéculation sur des actifs financiers, fonciers, immobiliers, et mobiliers etc. C’était devenu la manière la plus commune d’accumuler des profits aux États-Unis. Ce boom financier et l’augmentation de la valeur immobilière ont aussi soutenu la consommation américaine malgré le déclin de la valeur réelle des salaires. Les marchés ont été inondés de produits fabriqués en Chine ce qui a généré de futurs surplus qui, à nouveau, ont été recyclés dans les bons du trésor américain. Cela a permis d’encore maintenir les taux d’intérêts très bas.

Ce château de carte s’est effondré quand la crise des hypothèques irresponsables (sub-prime) a commencé aux États-Unis entrainant l’écroulement financier mondial. Cette crise a marqué le début de la fin du boom d’exportation chinoise. Pour faire face à ses pertes de plus de 20 millions d’emplois en 2008 et 2009, le régime a déployé un plan de stimulation d’un demi- milliard de dollars et les autorités financières ont démarré un élargissement majeur de l’accès au crédit. Cela a mené un boom d’investissements dans les infrastructures et dans l’immobilier qui ne reposaient que sur des fonds empruntés.

Conséquences : le prix du pétrole et des autres ressources minières et naturelles a augmenté donnant lieu au « super cycle des matières premières ». Les marchés des pays émergents ont bénéficié de l’augmentation de la demande pour leurs exportations de matières premières. Leurs industries financières ont cherché de meilleurs rendements et se sont servi de ces fonds pour financer des projets qu’avec des fonds empruntés.

Au même moment, la Réserve fédérale, d’accord avec d’autres banques centrales, continuait de fournir le flot d’argent très, très bon marché en gardant ses taux d’intérêts à leur bas niveau record. Elles en augmentaient également la quantité en rachetant des actions et d’autres actifs financiers via leurs programmes « d’assouplissement quantitatif ».

Toutes ces mesures n’ont pas rétabli l’économie mondiale dans son état antérieur à la crise de 2008. Au mieux, la récupération fut anémique. Les investissements sont demeurés à un très bas niveau. Les entreprises ont accumulé leurs fonds et les ont utilisés dans des transactions spéculatives comme les fusions d’entreprises, les acquisitions et les rachats d’actions. Les investissements dans la production sont pourtant le moteur premier de la croissance réelle dans le système capitaliste.
L’expansion massive du crédit chinois s’observe non seulement par l’augmentation de la place de la Chine dans l’économie mondiale mais également par le fait que le « super cycle » des matières premières qu’elle a généré, signifiait que les marchés des pays émergents dont elle dépendait, ont compté pour 40% de la croissance mondiale après 2008.

Mais, loin de résoudre la crise de 2008, toutes les mesures introduites dans le système n’ont servi qu’à créer les conditions pour qu’une autre crise et un nouvel effondrement économique mondial se produisent.

La semaine dernière, le New York Times publiait une analyse qui mettait le doigt sur une masse de prêts non performants, de mauvaises dettes, qui pose un problème de plus en plus inquiétant à tout le système bancaire. On estime qu’en Chine, la valeur de ces créances douteuses pourrait dépasser les 5 mille milliards de dollars, soit l’équivalent de la moitié de la richesse produite par le pays chaque année. Selon l’économiste Charlene Chu, citée dans cet article, le secteur financier chinois détiendra, à la fin de cette année la valeur de 30 mille milliards de dollars sous forme de prêts et autres actifs financiers alors qu’il n’en détenait que pour 9 mille milliard de dollars il y a sept ans. Elle souligne que : « Le monde n’a jamais vu une telle augmentation du crédit en si peu de temps. Nous pensons que cela aura, directement ou indirectement, un impact sur le prix de presque tous les actifs dans le monde. C’est ce qui rend les marchés si nerveux ; l’idée de ce que les problèmes du crédit chinois pourrait révéler, (les terrifie).

Le phénomène des prêts non performants n’est pas confiné à la Chine. On estime à mille milliard de dollars la valeur qu’il représente en Europe et le FMI a calculé que les marchés des pays émergents avaient dépassé leur capacité de crédit de 3 mille milliards de dollars.

Donc, l’examen du dernier quart de siècle nous révèle une toute autre image que celle qu’évoquait le triomphe du « marché libre » à la fin de l’URSS. La première phase de la croissance était le résultat de l’augmentation des profits basée sur l’exploitation des salariés-es sous payés-es en Chine et ailleurs. Cela s’est terminé par un désastre financier. L’économie mondiale, sévèrement secouée n’a tenu que grâce aux mille milliards de dollars introduit dans le système financier par les banques centrales les plus importantes et l’expansion majeure du crédit en Chine. Ce cycle est maintenant arrivé à sa fin. Le creusement des conditions menant à une récession et la probabilité d’une nouvelle crise financière, auront de conséquences bien plus étendues qu’en 2008.

La crise de plus en plus importante en Chine et ses conséquences mondiales mettent au jour un fait inquiétant : aucune économie, aucun groupe d’économies ne peut fournir les bases nécessaires pour soutenir l’expansion économique mondiale. Les États-Unis, considérés jusqu’à maintenant comme les plus solides, s’en vont vers une récession. Il est probable que leur industrie manufacturière y soit déjà. La plongée de la valeur du secteur des bons du trésor américain à 10 ans d’échéance en est aussi un signe. Hier ils ont terminé la séance à tout juste 1,7% alors que les investisseurs cherchent une « zone de sécurité ».

L’économie européenne continue de stagner. Les perspectives de chômage devraient demeurer au dessus des 10% pour un temps indéfini et les inquiétudes augmentent quant aux mauvaises créances que détient son système bancaire. La banque centrale japonaise prend des mesures d’assouplissement financier et est passée à des taux d’intérêt négatifs à cause de la faillite des mesures économiques du Premier ministre S. Abe (Abenomics) pour tenter de renforcer l’économie du pays.

Les pressions vers la récession sont si intenses que le quart des pays du monde fonctionnent maintenant avec des taux d’intérêt négatifs. C’est une situation sans précédent, historique.

Comme elle n’a pas de solution économique à la crise qui se développe, la classe dirigeante mondiale répondra avec un programme en trois points :

1- Une intensification des assauts contre la classe ouvrière par des éliminations d’emplois, des baisses de salaires et une détérioration des conditions sociales.
2- Le développement de réformes encore plus autoritaires, des attaques contre les droits démocratiques et la répression sans faille des luttes sociales et de classes qui se développent en ce moment.
3- Une accélération du « va-t-en guerre », chaque grand pouvoir capitaliste cherchant à se débarrasser de sa crise sur ses rivaux et s’il le faut par de moyens militaires.

La classe ouvrière internationale doit développer sa propre stratégie, décider des ses propres objectifs et y travailler par la lutte pour un programme socialiste international qui vise la prise du pouvoir politique et le renversement du système de profit capitaliste.

Nick Beams

Auteur pour le site World socialist.

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