Tiré de Politis.
Il y a dix ans, le 15 septembre 2008, Lehman Brothers s’effondrait. Cette faillite retentissante marque le déclenchement d’une crise financière et économique aux contours encore obscures et dont la sortie semble loin de voir le jour. Par la suite, d’autres faillites se sont succédé en chaîne, des faillites gérées par la plupart des États selon le fameux principe de socialisation des pertes, un mantra toujours d’actualité. Sans réelles poursuites des responsables, sans réelles conditions pour la suite. Dix ans après, les dettes globales, privées et publiques, sont plus élevées qu’en 2008 et ne sont pas moins risquées malgré les annonces optimistes des « responsables » politiques. Les populations se saignent aux quatre veines, à coup d’augmentations d’impôts et de coupes budgétaires dans les services publics pourtant essentiels, pour rembourser des dettes responsables de l’austérité qu’on lui impose.
Un monde vulnérable aux secousses financières
Les causes structurelles de la débâcle de 2008 sont toujours présentes. Rien n’a été accompli pour réglementer sérieusement les activités spéculatives, l’utilisation des dérivés ou même pour limiter l’effet de levier pratiqué par les banques (celles-ci ont très peu de fonds propres par rapport à tous les crédits qu’elles octroient). Aucune démarche non plus pour protéger nos dépôts des activités de trading à haute fréquence, pour assainir profondément le bilan des banques ou pour en diminuer radicalement la taille.
Tout le monde ne pâtit pas de la crise de la même façon. En 2015, on découvre ainsi que le FMI fait 2,5 milliards d’euros de profits sur ses prêts à la Grèce depuis 2010. Plus récemment, on apprend que la BCE, via son programme d’assouplissement quantitatif (en anglais QE, quantitative easing), a réalisé 7,8 milliards d’euros de bénéfices grâce aux titres grecs. Rappelons que cette politique d’assouplissement quantitatif a permis aux grandes banques européennes de se débarrasser des bonds d’États en difficulté sans tenir compte de leurs pratiques spéculatives. Hormis quelques rares banquiers jugés au pénal en Islande, les cadres supérieurs du système financier, celui même qui a engendré cette crise financière transformée en une grave crise sociale dans toute l’Europe, sont restés impunis (les deux tiers des cadres de Lehman se sont d’ailleurs recyclés dans d’autres grandes banques).
Par ailleurs, la diminution des taux d’intérêt dans les économies dites « avancées », provoquée par l’injection massive d’argent de la part des banques centrales des pays riches, a poussé les investisseurs à prêter massivement aux pays du Sud. Environ 12 000 milliards de dollars ont été injectés dans le système financier depuis l’effondrement de Lehman Brothers. Ces flux financiers ont provoqué une augmentation de la dette externe de ces pays libellée en dollars, une dépendance économique accrue vis-à-vis des créanciers occidentaux avec, in fine, le risque d’une nouvelle crise de la dette dans les pays appauvris.
L’augmentation des taux d’intérêt déjà à l’œuvre aux États-Unis détourne l’attention des investisseurs pour les économies du Sud à l’avantage des économies du Nord et en particulier des États-Unis. Le danger pour les pays du Sud deviendra plus important encore avec l’arrêt du programme d’assouplissement quantitatif (QE) de la BCE et de la FED prévu depuis longtemps mais repoussé plusieurs fois vu les risques qu’il fait peser de tous les côtés. Leurs dettes en devises fortes, notamment en dollars, déjà insoutenables, deviendront insurmontables. Sans doute le FMI viendra t-il encore avec ses conditionnalités à la rescousse, tel un prêteur en dernier ressort ? Sans doute aura-t-on oublié le rôle de cette institution qui, tel un pompier pyromane depuis sa création, ne fait que répandre la précarité au quatre coins du monde.
Les droits sociaux dépouillés par l’austérité
Alors que les banques et assurances ont été en grande partie recapitalisées par les États, les populations, elles, n’ont pas fini de payer. Mais pourquoi les peuples devraient-ils se priver de leurs droits fondamentaux pour des faillites privées dont la responsabilité incombe à leurs dirigeants et aux agences en charge de leur contrôle ? Pourquoi les laisserait-on répéter encore les mêmes erreurs ?
Alors que les grandes entreprises payent de moins en moins d’impôts, une diminution importante des services publics et une casse de la sécurité sociale ont contribué à l’émergence d’une crise sociale réelle. En Grèce, une récente étude universitaire a démontré les liens évidents entre mesures d’austérité et accroissement spectaculaire du taux de mortalité dans le pays, un taux dont la croissance a dépassé de cinq fois celle de la moyenne européenne durant la même période.
Le droit au logement est plus que jamais menacé par cette crise. L’insolvabilité des ménages (dont les moyens ont été diminués et les frais augmentés) et leur incapacité à rembourser leur dette a eu des conséquences sur le droit fondamental que constitue l’accès au logement. Les milliers de ménages qui ne pouvaient pas rembourser leurs prêts, se sont retrouvés attaqués par les banques à coups de ventes aux enchères ou d’expulsions. En Espagne, on estime à 800 000 les familles qui ont perdu leur logement pour cause d’insolvabilité alors qu’au même moment, le gouvernement grec s’est engagé face à ses créanciers à vendre aux enchères 135.000 logements d’ici 2021.
Face à ce délabrement persistant de la finance dérégulée, à l’heure où se profile une nouvelle crise financière qui secoue les pays émergents, à commencer par la Turquie et l’Argentine, nous continuons de nous mobiliser. Nous soutenons le mouvement « Byebyetina » à Bruxelles et à Liège ainsi que la mobilisation européenne pour fêter à sa manière les 10 ans de la crise : actions de rue, manifestations, conférences, débats pour notre avenir à tous et toutes. Seule la conscientisation de la population peut la mobiliser face aux injustices.
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