Le programme d’un parti politique ne peut s’élaborer que dans le cadre de débats démocratiques des différents secteurs et sensibilités politiques qui le constituent. Et les divergences qui traversent un tel parti sont les reflets de groupes sociaux, de classes, de genres qui vivent des expériences particulières et qui tirent des conclusions politiques de réflexions sur leurs expériences immédiates.
Les débats démocratiques visent, eux, à permettre aux membres du parti de s’arracher à des points de vue particuliers pour dégager les voies d’une résistance commune de différents secteurs de cette société à l’oppression, à l’exploitation et aux logiques irrationnelles d’un système qui détruit l’environnement.
Élaborer un programme d’un parti politique de gauche ne saurait en rien se réduire à aligner une série d’intentions d’un futur gouvernement. En fait, le programme est le produit des efforts de chaque membre du parti pour réfléchir et partager sur leurs expériences afin de tracer les voies de l’unification et du renforcement des forces populaires. Un programme d’un parti de combat ne contient pas seulement des revendications immédiates, il contient aussi des analyses, des commentaires, des polémiques contre les adversaires.
Voilà ce qui est le fondement de discussions programmatiques. Voilà pourquoi, ce sont des débats passionnés, des débats qui remuent, qui obligent à des cheminements rapides ou qui provoquent parfois des crispations douloureuses. La méthode que le parti met de l’avant est donc essentielle pour faire face à une tâche d’une telle envergure. Québec solidaire a réussi à relever le pari de donner la parole, de passer à travers le débat, de souligner les dissensus reflétant des expériences sociales et politiques hétérogènes. Il a su, face à ces réalités, dégager les voies de dépassement des divisions, vers une unité supérieure du parti.
C’est cette expérience de confronter des divergences réelles qui a été vécu dans ce dernier congrès. Cela a été vrai sur les questions de la laïcité, de l’indépendance du Québec, de l’articulation de la question nationale et du projet social. Cela a été vrai également de sa capacité d’articuler la volonté démocratique de secteurs populaires d’avancer vers une société égalitaire, juste et intégratrice et dans un même temps, de se donner des visées de transformation des institutions politiques. Nous pouvons donner comme exemple la combinaison de la réforme du mode de scrutin, de la décentralisation des institutions et de la généralisation de l’égalité de genre dans ces différentes institutions politiques, sociales ou économiques. On pourrait facilement sous-estimer l’ampleur des progrès réalisés dans ce premier congrès d’orientation de Québec solidaire. On pourrait affirmer comme le font assez superficiellement les grands médias que Québec solidaire a adopté dans le congrès qu’il vient de vivre quelques prises de position générales sur des sujets bigarrés ! Ce serait une vision bien superficielle des choses. Québec solidaire en plus de son approfondissement de la compréhension du réel où l’on conduit ses réflexions, a commencé à mettre au point des méthodes de débats politiques efficaces sur des questions complexes. Québec solidaire a commencé à pouvoir agir comme un creuset où s’esquisse des synthèses qui seront porteuses de ce rassemblement de la capacité d’agir ensemble et de jeter patiemment les bases permettant de forger la volonté de tendre vers des transformations sociales selon des pistes à préciser au fil des luttes.
Québec solidaire ne disposait pas d’un programme, pourtant, il a agi. Oui, mais avec ce congrès, il a su élever son horizon et donner une perspective historique à sa pratique. Désormais, Québec solidaire sait qu’il doit élaborer un programme qui lui permettra de faire face aux défis de notre époque, qu’ils soient de nature économique, écologique ou civilisationnel.
Québec solidaire a accompli beaucoup durant ce congrès. Mais, ce n’est qu’un premier moment de la longue marche de débats et d’expériences qui lui permettront de forger sa compréhension de différentes dimensions du réel et de nourrir ses convictions que le peuple du Québec est capable de se donner un pays et qu’il le fera pour autant que ce combat s’articulera à un projet de société égalitaire, écologiste et féministe.
Québec Solidaire continue l’élaboration de son programme. L’enjeu 2 des débats portera sur l’économie que le parti veut au service des besoins sociaux et sur les conditions d’une société écologique. Les débats devront donc permettre de déboucher sur une compréhension théorique de la société capitaliste actuelle et des voies de la résistance aux crises multiples dans lesquelles l’humanité est entraînée : crise économique, crise écologique, crise alimentaire, crise climatique…
C’est un débat majeur que le parti entame. Mais encore une fois, ses militantes et militants peuvent être persuadés que ce n’est qu’à partir d’une analyse rigoureuse qu’ils pourront esquisser des solutions et rallier les forces sociales qui sauront transformer les perspectives dégagées en projets précis.