Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

1er mai

Un Premier Mai pas comme les autres

Tel que prévu et planifié par les syndicats, les groupes communautaires et les coalitions « Main Rouge » et « Refusons l’austérité », le Premier Mai a été marqué par une constellation d’actions partout à travers le Québec. Environ 25 000 personnes ont participé directement dans ces actions, sans compter les milliers de grévistes et étudiant-es, notamment dans les cégeps. Le seul affrontement de la journée est survenu dans le centre-ville de Montréal lors de la manifestation convoquée par la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC). Partout ailleurs, la police a toléré les actions y compris les blocages de routes et de chantiers, sans aucun incident sérieux, probablement parce qu’il y en avait beaucoup trop en même temps.

Dans l’Outaouais, l’action la plus populaire a été le blocage pendant quelques heures du Casino, où plus de 2000 personnes étaient présentes. Dans la Montérégie, on note piquetages et grèves dans plusieurs cégeps de la région, ainsi qu’une caravane où il y avait plus de 1000 personnes, qui s’est terminée dans une fête à Valleyfield. Plusieurs syndicats, ont profité de leurs pauses du diner pour faire du piquetage devant leurs établissements et ce tant dans la santé que dans l’éducation. Dans l’Estrie, en plus de la grève dans les cégeps de Granby, St-Hyacinthe, Sherbrooke et St-Jean, une manifestation a amené plus de 800 personnes dans les rues de Sherbrooke. Dans le Bas Saint-Laurent, la mobilisation a commencé tôt le matin avec le blocage de la route 132, avec plus de 250 syndiqué-es de la CSN, de la FTQ, de l’APTS, de la CSQ, en plus des actions tout au long de la journée dans diverses villes de la région.

En Gaspésie, les manifestants, outre deux blocages de la 132 au nord et au sud (plus de 600 personnes) ont continué dans la journée en visitant six municipalités. Partout l’accueil des gens était plutôt sympathique. Sur la Côte Nord, la 138 a été bloquée pendant deux heures par des syndicalistes des Métallos, de la FTQ-Construction, de la CSN, de la CSQ, de l’APTS et du SFPQ. Les blocages à vrai dire étaient bien pensés pour ne pas nuire aux gens, car ce sont seulement les camions qui étaient stoppés. Des manifs, des piquetages à l’heure du midi, ont été nombreux à Sept-Îles et Baie-Comeau. Également, des syndicalistes (CSN, APTS, CSQ, SPGQ, SFPQ, ont bloqué l’accès aux bureaux gouvernementaux à Baie-Comeau et perturbé l’Agence du revenu à Sept-Îles. Dans le Saguenay, on a observé un autre blocage des routes 170 et 169 par des militant-es des diverses centrales, sans compter l’« accueil » de Couillard à Bagotville, le blocage du pont à Saguenay-ville et des manifs de plusieurs centaines de personnes à Alma et Saint-Félicien, sans compter l’occupation du Wal-Mart à Alma. Ainsi que de nombreuses manifestations autour des cégeps et des établissements de santé.

À Québec, la journée a commencé par l’occupation du Complexe G par des syndicalistes de la FTQ et du SFPQ. Plus tard, plusieurs centaines de personnes des groupes communautaires et des cégeps ont manifesté sur le boulevard Laurier. À Trois-Rivières, les manifestant-es se sont concentré-es sur le centre-ville pendant plusieurs heures, fermant à toutes fins pratiques les bureaux gouvernementaux. Dans Lanaudière, l’action a surtout eu lieu à Joliette où les militant-es des groupes communautaires et des syndicalistes ont paralysé le centre-ville.

Dans les Laurentides, plusieurs cégeps étaient en grève (profs ou étudiant-es). Plus de 700 personnes se sont rassemblées à Sainte-Thérèse. 500 personnes sont venues manifester devant le palais de justice de Saint-Jérôme où on notait la présence des syndicats des cégeps, du soutien scolaire et des professionnels scolaires affiliés à la CSN, la CSQ, le SCFP et la FAE, tout ce beau monde et d’autres pour finir la journée par un spectacle. À Mont-Laurier, 150 manifestant-es ont bloqué la route 117. À Laval, des piquetages, des marches, des rassemblements ont lieu dans plusieurs quartiers.

À Montréal, la journée a commencé par un blocage du chantier du CHUM par des syndiqué-es de la FTQ-Construction et de la CSN-Construction. Par la suite, des occupations en cascades ont eu lieu un peu partout dans le centre-ville (Club Saint-James, le « fameux » club privé 357, plusieurs banques, le Centre du commerce international, le Palais des congrès, le siège social de Quebecor, etc.) avec plusieurs centaines de manifestant-es venant des groupes populaires, et aussi des syndicats (CSN, FTQ, FAE, SFPQ, CSQ.

Réunis au Square Phillips par la coalition Main Rouge, plus de 5000 personnes se sont rendues devant la bourse de Montréal. Parmi la foule, des étudiant-es, des grévistes (cégeps, Service de garde), beaucoup de membres des groupes communautaires. Toute la journée, les syndiqué-es des établissements de santé sont sorties dans la rue. Dans les écoles primaires et secondaires, des militant-es de la FAE ont piqueté au début de la journée scolaire, souvent avec l’appui des parents et des élèves. À 16h finalement, les Profs contre la hausse (500 participant-es) se sont mis en marche du cégep Ahuntsic (en grève étudiante) jusqu’au centre-ville où s’assemblaient les cortèges de la CLAC. Sans vraiment de prétexte sauf que les organisateurs de la manif n’avaient pas communiqué leur trajet au SPVM, les policiers ont chargé brutalement, y compris contre des passants et des mères avec leurs enfants. Le cassage a été très minimal, mais malgré tout cela, 86 personnes ont été arrêtées. Un peu comme si la police avait décidé de passer sa frustration sur une cible « facile ».

Que retenir de tout cela ?

Les actions ont touché beaucoup de monde dans toutes les régions. Les gens ont vu de leurs yeux vus les manifestants et en général, ils les ont bien accueillis. Avec cela est venue une couverture médiatique sans précédent, surtout en région mais aussi par les médias nationaux. Ce qui était à l’opposé de la couverture minable lors des manifs nationales de novembre dernier où malgré la foule énorme rassemblée à Montréal et à Québec, cela a été traité comme un « fait divers ».

Au total donc, le résultat a été atteint, dans la limite des objectifs qui avaient été agréés. À notre avis, c’est le marathon qui continue et qui doit continuer, pas à pas, de manière décentralisée, avec une forte participation des régions.

Évidemment, ces actions ne suffiront pas en soi à bloquer le bulldozer néolibéral. D’ailleurs Couillard, Coiteux et Leitao l’ont répété tout au long de la journée du Premier Mai : pas de changement dans la politique de l’austérité. Conclusion : il faudra aller plus loin, même s’il y a encore beaucoup d’hésitations du côté des mouvements. Mais en même temps, une plus grande confiance découlant du succès des actions décentralisées est observable. On ne peut que remarquer que des secteurs importants de la population, pas seulement les militant-es, s’impliquent. Également, à part quelques récalcitrants, les syndicats du secteur public sont sur la même longueur d’ondes.

À un niveau populaire d’autre part, on sent l’opinion évoluer devant l’impact des politiques de Couillard : hausse des frais dans les CPE, augmentation des tarifs d’Hydro, coupures de postes à gauche et à droite, etc. Dans les régions, il y a un sentiment diffus mais palpable que tout cela aura des conséquences assez dramatiques, ce qui explique les alliances inédites avec les municipalités et les élites locales (caisses populaires, commissions scolaires, administration des cégeps), ce qui se retrouve sous la bannière « Touche pas à ma région ».

Que faire alors ? L’idée d’une grève générale, illimitée continue de faire son chemin pour l’automne. Elle sera sur le plancher des congrès printaniers de plusieurs organisations syndicales, notamment à la FNEEQ. En attendant, il y faudra plusieurs autres interventions en mai, en juin et plus tard durant l’été. Par exemple, on va continuer de visiter les bureaux députés et ministres, question de leur rappeler un fait ou deux.

Une « rumeur » urbaine commence aussi à circuler. La Fête nationale, c’est aussi et surtout celle du peuple, non pas le peuple « soumis » de l’époque de Saint-Jean Baptiste, mais le peuple en lutte. Les jeunes de cœur se souviendront que la colère populaire avait changé le sens du 24 juin en 1969. On avait fini par se dire, « on a raison de se révolter ». C’est une manière d’affirmer les choses qui ne nous semble pas démodée aujourd’hui…

Robert Deschambault

Militant CSN

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