photo et article tirés de :la lettre d’information de la Coordination antinucléaire du sud-est (France) du 28 avril 2021
Les consommateurs de miel américain ingurgitent depuis des années des éléments radioactifs. Et ils ne le savaient pas. C’est ce que démontre une étude publiée la semaine passée par le site anglophone "ScienceAlert".
Jim Kaste, un professseur-géologue du College of William & Mary, à Williamsburg en Virginie et ses étudiants ont mesuré le rayonnement nucléaire des aliments tels les noix ou les fruits. Lorsqu’un pot de miel provenant d’un marché de producteurs de Caroline du Nord a été testé le détecteur de radioactivité s’est affolé. Un grand nombre des autres pots examinés contenaient aussi du césium 137 radioactif. 68 échantillons sur les 122 testés étaient contaminés. Le chercheur et son équipe ont ainsi découvert que le miel d’une grande partie de l’est des États-Unis contenait des traces de radioactivité.
USA_Trinity_explosion.jpgComme cet élément radioactif est généré lors de la réaction atomique de l’uranium et du plutonium dans les bombes atomiques ou lors de la réaction au coeur des réacteurs nucléaires dit civils comment se retrouve-t-il dans le miel ? Les nombreux essais nucléaires effectués pendant la guerre froide par les USA sur son propre sol en seraient à l’origine.
Les essais atomiques et le développement de la bombe nucléaire états-unienne
Le 16 juillet 1945 dans le cadre du projet "Manhattan" les Etats-Unis procédèrent à leur premier essais nucléaire de bombe à Alamogordo à une cinquantaine de kilomètres de la ville de Socorro sur la zone désertique de Jornada del Muerto au Nouveau-Mexique. L’explosion nucléaire dégagea une énergie d’environ 21 kilotonnes de TNT, le sable composé en grande partie de silice fondit et se transforma en verre verdâtre radioactif, un cratère de 1,5 mètre de profondeur sur 9,1 mètres de diamètre se créa, les montagnes alentour furent éclairées « plus brillamment qu’en plein jour » pendant une ou deux secondes, la chaleur « était aussi forte que dans un four », le son de l’explosion fut entendu à plus de 160 kilomètres et le nuage en champignon s’éleva jusqu’à une altitude de plus de 12km (1). Bien que vue à des dizaines de kilomètres et entendue jusqu’à 160km , le public ne fut informé de l’essai que le 12 août lors de la publication d’un rapport officiel.
Exercise_Desert_Rock.jpgLe développement des armes fut réalisé à Los Alamos tandis que d’autres travaux de recherche furent réalisés à l’université de Chicago, à l’université Columbia et au Radiation Laboratory de l’université de Californie à Berkeley. L’enrichissement de l’uranium destiné à accroître la teneur en uranium 235, un isotope fissile nécessaire à la réaction en chaîne, fut réalisé à Oak Ridge dans le Tennessee puis dans les réacteurs du site de Hanford dans l’État de Washington. Puis de 1951 à 1992 c’est sur le site d’essais du Nevada (Nevada Test Site : NTS) d’une superficie de 3 500 km2 situé dans le comté de Nye au Nevada que 928 essais nucléaires, en plus de ceux menés dans le Pacifique, furent perpétrés par les USA. Le 19 mai 1953, l’explosion rebaptisée Dirty Harry par la presse provoque des retombées radioactives jusque dans l’Utah. À partir de 1963, les essais deviennent souterrains. Autant de lieux qui "crachèrent" de la radioactivité en tous sens.
La chaîne du vivant contaminée : plantes, abeilles, eaux, consommateurs
USA_sites-nucleaires.jpgC’est en butinant les plantes, fleurs et arbustes contaminés par les retombées de ces essais nucléaires, que les abeilles entraînèrent dans le nectar prélevé (un liquide cinq fois plus concentré) les éléments radioactifs artificiels les intégrant alors dans le miel ingéré par les consommateurs. La proportion de résidus radioactifs dans le spots de miel est d’environ 0,03 becquerel par kilogramme. C’est peu diront certains défenseurs de l’atomisme mais lorsque l’on sait qu’il n’y a pas de dose inoffensive et que des faibles doses de radioactivité en contact ou, plus grave, ingérées se traduisent inéluctablement par des cancers (bouche, langue, oesophage, estomac, intestins,...) et anomalies génétiques sur plusieurs générations : les craintes sont grandes.
Cette découverte de miel contaminé pourrait permettre de localiser des « points chauds » de contamination radioactive du sol et ainsi fournir des informations sur les effets à long terme des retombées nucléaires pour l’environnement, la chaîne alimentaire, l’air et l’eau, et les populations.
Contaminations par les essais atomiques ou/et par les rejets quotidiens des centrales nucléaires ?
La découverte de ce miel radioactif contaminé au césium 137 ouvre une série d’autres interrogations fondamentales. Comme la grande partie des essais de bombes atomiques s’est déroulée il y a plus de soixante ans, et même si les conditions météorologiques de la côte est des États-Unis avaient participé à la quantité inhabituellement élevée de retombées radioactives, comment est-il possible que le césium 137 provienne de ces essais puisque théoriquement la durée de contamination moyenne du césium 137 est de 30 ans. Sa radioactivité aurait déjà donc dû s’éteindre.
Three_Mile_Island.jpgLa centrale nucléaire de Three Mile Island, située dans l’Est des États-Unis en Pensylvanie pourrait être à l’origine des contaminations de la Virginie voisine. Mise en service en 1974, son unité II a subi un accident le 28 mars 1979 classé au niveau 5 de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES). La fusion partielle du cœur du réacteur s’est produite du fait de la perte de réfrigérant primaire ce qui a entraîné le rejet d’une quantité de radioactivité estimée à 43 000 curies (1,59 PBq) de krypton 85 (demi-vie 10 ans), et moins de 20 curies (740 GBq) d’iode 131 (demi-vie 8 jours), dans l’environnement (2).
Tandis que l’industrie nucléaire et un rapport de l’université Columbia ont affirmé que cet accident n’a provoqué ni décès, ni blessures ou effets néfastes sur la santé : une autre étude, réalisée par Steven Wing de l’université de Caroline du Nord, a constaté que les taux de cancer du poumon et de leucémie ont été de 2 à 10 fois plus élevés dans les zones que les masses d’air ont traversées après être passées au-dessus de TMI que dans les autres zones. Le "Radiation and Public Health Project" (organisation antinucléaire) fait état d’un pic de mortalité infantile dans les collectivités situées en aval, deux ans après l’accident. Cette centrale nucléaire a été remise fonctionnement en octobre 1985 par l’exploitant atomiste, malgré des complications techniques et réglementaires, plusieurs injonctions des tribunaux fédéraux et l’opposition de la population. Elle n’a été définitivement arrêtée que le 20 septembre 2019.
D’autres accidents nucléaires avec souvent des rejets radioactifs, des contaminés et des morts
D’autres accidents nucléaires se sont produits avant ou depuis - dont une multitude sur des armements militaires tels les avions porteurs de bombes nucléaires (3) . Notons aussi :
. le 2 septembre 1944 au Laboratoire national de Oak Ridge (Tennessee), un récipient d’hexafluorure d’uranium éclate dans la salle de transfert du laboratoire, tuant deux personnes et en blessant trois autres. Le tuyau de vapeur a explosé et la vapeur arrivant s’est combinée avec un composé à base d’uranium pour former du fluorure d’hydrogène, qui a été inhalé par les cinq personnes ;
WIPP_USA_container-baille-db9d7.jpg. le 21 août 1945, un employé du site Omega du Laboratoire national de Los Alamos Nouveau-Mexique (États-Unis), créé accidentellement une masse surcritique en laissant tomber une brique de carbure de tungstène sur un noyau de plutonium. Il est fatalement irradié dans l’incident et meurt le 15 septembre suivant.. le 21 mai 1946 au Laboratoire national de Los Alamos, Nouveau-Mexique, un physicien canadien assemble manuellement une masse critique de plutonium au cours d’une démonstration alors que les éléments auraient dû être manipulés par une machine. En plaçant son doigt dans un trou, comme dans une boule de bowling et alors qu’il en a retiré les butées il utilise un tournevis pour contrôler un écart entre deux sphères. L’outil glisse et l’ensemble devient critique. Le physicien meurt le 30 mai 1946 d’un empoisonnement massif, ayant reçu une dose estimée de 1 000 rads, ou 10 gray (Gy).
. le 26 juillet 1959 au Santa Susana Field Laboratory près de Simi Valley, en Californie le réacteur expérimental au sodium a subi une fusion partielle du cœur où, selon le Président de l’Institute for Energy and Environmental Research, « les mesures d’iode-131 ont été environ 80 à 100 fois plus importantes que les relevés provenant de Three Mile Island. » ;
. le 3 janvier 1961 au National Reactor Testing Station à Idaho Falls (Idaho), trois techniciens sont tués alors qu’ils effectuent une manœuvre de routine dans le réacteur expérimental SL-1 : une explosion de vapeur a lieu vers 21h, à la suite d’une excursion de puissance consécutive à une manipulation des barres de contrôle. Les corps sont si sévèrement irradiés qu’il est nécessaire d’enterrer leurs mains séparément dans une décharge pour déchets radioactifs. Le réacteur est démonté, puis le noyau de 13 tonnes et la cuve sont retirés quelques mois plus tard.
. le 10 décembre 1961 au Nouveau-Mexique, un test souterrain d’explosion nucléaire libère des nuages imprévus de vapeurs radioactives. La mort rôde, des autoroutes du Nouveau-Mexique sont fermées et interdites à la circulation.
. le 18 décembre 1961 à Yucca Flat au Nevada Test Site, le test militaire souterrain "Baneberry" rejette 250 PBq de radioactivité par une fissure dans la roche.
. en janvier 1965 au Lawrence Livermore National Laboratory (Californie) un accident libère 300 kCi de substance radioactive.
. en septembre 1966 au Lawrence Livermore National Laboratory (Californie), le feu se déclare dans une entité de plutonium
. le 5 octobre 1966 sur le rivage du lac Érié près de Monroe (Michigan), un dysfonctionnement du système de refroidissement au sodium du réacteur nucléaire de démonstration d’Enrico Fermi cause une fusion partielle du cœur. La radiation est contenue et heureusement aucun employé n’est à l’intérieur à ce moment-là. Ils réussissent à mettre à l’arrêt manuellement le réacteur de 200 MW. Il sera remis en service en octobre 1970 puis démantelé en novembre 1972
. le 19 novembre 1971 à Monticello dans le Minnesota, un réservoir d’eau déborde relâchant 190 m3 d’eau contaminée dans le Mississippi. Des matières radioactives entrent plus tard dans le système d’arrivée d’eau de la ville de Saint-Paul ;
USA_centrale-nucleaire_Indian-Point.jpg. le 15 février 2000 à Indian Point le réacteur no 2 de la centrale nucléaire rejette de la vapeur radioactive du fait d’un dysfonctionnement du générateur de vapeur ; le 7 juin 2011 à Fort Calhoun au Nebraska, le débordement de la rivière Missouri entraîne l’inondation de la centrale nucléaire et un incendie s’y déclare ;
. le 14 février 2014 au WIPP (site d’enfouissement radioactif notamment de plutonium) situé dans le sud-est du Nouveau Mexique une fuite radioactive consécutive au mauvais conditionnement d’un container se produit rendant inaccessible tout le site qui est fermé.
Autant d’accidents et d’incidents avec rejets de radioactivité qui viennent s’ajouter aux rejets quotidiens, jour et nuit, 24h/24h, de chaque réacteur nucléaire en fonctionnement "normal".
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(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Trinity_(essai_atomique)
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrale_nucl%C3%A9aire_de_Three_Mile_Island et https://fr.wikipedia.org/wiki/Accident_nucl%C3%A9aire_de_Three_Mile_Island
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d%27accidents_nucl%C3%A9aires
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source : https://www.mdzol.com/mundo/2021/4/22/miel-de-abejas-de-estados-unidos-tienen-restos-radiactivos-de-pruebas-nucleares-153875.html
Photos : DR
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