La mise en place de ce comité était une promesse de campagne de Syriza, le parti du Premier ministre Alexis Tsipras. Athènes entend se servir du travail de ce comité en juin, lorsqu’il s’agira de rouvrir le débat sur la dette avec ses créanciers publics.
Quinze experts grecs et autant d’étrangers vont disséquer la dette grecque durant plusieurs mois. L’économiste belge Éric Toussaint, porte-parole du Comité d’annulation de la dette du Tiers Monde, sera le coordinateur scientifique des juristes et économistes internationaux.
D’Athènes, il a répondu aux questions de “La Libre”.
En quoi la dette publique grecque peut-elle être jugée illégale, illégitime ou odieuse ?
Je ne peux pas présumer des conclusions préliminaires que rendront les 15 experts internationaux en juin. Pendant les trois premiers mois, nous allons nous concentrer sur la période 2009-2015. Ensuite, nous retournerons plus loin dans le temps pour comprendre comment cette dette a été générée, en nous penchant sur les achats d’armes, le coût des Jeux olympiques d’Athènes de 2004…. En nous basant sur des arguments de droit, nous rendrons un avis sur la légitimité, la légalité, la soutenabilité, voire le caractère odieux de la dette grecque.
Mais vous-même avez déjà déclaré qu’il était logique de remettre en cause la dette grecque…
Il y a des questions qui se posent de manière évidente. La Grèce a emprunté (en mai 2010) auprès de 14 États membres de l’Union européenne sans consulter le Parlement, le pouvoir législatif. On peut donc se poser la question de la légalité de ces prêts. Le même raisonnement vaut pour les prêts accordés par le FMI, alors que certains directeurs de celui-ci ont déclaré que l’institution avait bafoué ses propres règles. Enfin, ces crédits ont été octroyés en échange de la réalisation par les autorités grecques de mesures d’austérité qui violent les traités et les conventions internationales, en ce sens qu’elles portent atteinte aux droits fondamentaux – ce qu’ont confirmé des experts juridiques internationaux. La Grèce a violé les droits fondamentaux de ses citoyens, mais les créanciers publics, tenus au respect de ces traités et conventions internationales, aussi.
Vous estimez aussi que l’annulation partielle de la dette des créanciers privés, en 2012, n’a pas servi les intérêts de la Grèce ?
Je ne fais que me baser sur ce qu’en a dit Philippe Legrain, conseiller de l’ancien président de la Commission, José Manuel Barroso : à savoir qu’il s’agissait de protéger les intérêts des banques allemandes et françaises qui avaient prêté de l’argent à la Grèce de manière aventureuse. M. Legrain affirme que c’était le souci de Berlin, de Paris, des institutions européennes et du FMI, dirigé par deux Français, Dominique Strauss Kahn puis Christine Lagarde…
Quels sont les précédents de ce genre de comité d’audit de la dette ?
J’ai été membre de la commission d’audit intégral de la dette de l’Équateur
(lancée en 2007). Cet exercice a abouti à la suspension du remboursement d’une partie illégitime de la dette – des titres vendus sur les marchés financiers, sur preuve d’irrégularités évidentes. Et cela sans que l’Équateur ne subisse de représailles de ses créanciers. La différence est que la Grèce est dans une union monétaire et que ces créanciers publics pourraient redouter un effet domino.
Pensez-vous qu’ils tiendront compte de l’avis du comité d’audit ?
Je ne peux pas préjuger de leur réaction. Il incombera aux autorités grecques de prendre les initiatives qu’elles jugeront utiles. Ce que je constate, c’est que les Européens et le FMI sont inflexibles sur l’application, par la Grèce, de mesures qui reviennent en arrière sur l’austérité (avant de débloquer l’aide financière, NdlR) et que dans le même temps, ils exigent qu’elle respecte le calendrier des remboursements. Mais personne ne peut prédire ce qui va se passer. Ce qui est certain, c’est que la Grèce va communiquer systématiquement les résultats du comité auprès des parlements nationaux et du Parlement européen.