Oh, surprise, la semaine dernière l’américain milliardaire Warren Buffett, la troisième fortune de la planète et propriétaire du fonds d’investissement Berkshire Hathaway, a imploré les gouvernements de taxer davantage les milliardaires (La Presse, 16 août 2011). Il a plaidé pour une hausse des impôts sur le revenu des nababs et non de la taxe de vente à la consommation qui pénalise encore plus la classe moyenne au seul profit des monarques, même si Jean Charest et ses milices trouvent la TVQ équitable. Dans leur cas, le jupon dépasse.
Monsieur Buffett aurait bien pu suggérer l’instauration d’une taxe de vente fédérale puisqu’il n’y en a pas aux States. Nos politiciens et nos affairistes d’ici n’ont pas cette honnêteté intellectuelle. Il a dit : « Mon taux d’imposition réel sur mon revenu « imposable » est de 17,4% au fédéral alors que celui des personnes travaillant dans mon bureau est compris entre 33% et 41% ».
Comme le bénéfice imposable exclu plusieurs revenus (50% des gains de capitaux, options d’achats d’actions, gains réalisés mais non encaissés sur plusieurs actifs comme les actions, les fiducies familiales, les dons souvent effectués leurs fondations personnelles, etc.), qu’il est beaucoup réduit grâce à l’utilisation d’un déluge d’abris fiscaux pour riches (CÉLI, REER à 22 000$, dividendes, REEE, REEI, etc.) et qu’il omet les fonds détournés dans les paradis fiscaux et ceux non déclarés, disons que son taux d’impôt effectif sur son véritable revenu économique (qui est beaucoup plu élevé que le revenu imposable) est largement inférieur à 17,4% comme c’est le cas pour tous les nantis.
Il y a un monde de différence entre le taux d’impôt légal ou statutaire et le taux d’impôt réel ou effectif et deux mondes de différences entre le revenu économique (qui mesure réellement votre richesse) et le strict revenu imposable. Au Canada, c’est pareil malgré les hauts cris des pachas supposément trop taxés. En 2005, une étude de Statistique Canada, tel que rapporté par Yves Séguin, l’ex-ministre libéral des Finances et avocat fiscaliste de formation, avait révélé que le taux réel d’imposition des contribuables gagnant 150 000$ et plus par année n’était pas de 50% comme ils le prétendent souvent, mais bel et bien d’un gros 16% (Journal de Montréal, 12 décembre 2005).
Monsieur Buffett n’est pas le seul milliardaire aux États-Unis à avoir interpellé les élus à rehausser l’impôt des seigneurs économiques, donc à accepter de payer eux-mêmes plus d’impôts par souci d’équité et par compassion pour la classe moyenne et les démunis. C’est tout à leur honneur. Mentionnons, entre autres, Bill Gates père (fondateur de Microsoft) et son fils Bill junior ; le géant des médias et ancien propriétaire des Braves d’Atlanta, Ted Turner ; le financier George Soros ; l’acteur Paul Newman ; des membres des riches et puissantes familles Rockefeller et Roosevelt, etc. Et, contrairement à nos économistes ultralibéraux locaux, eh bien les économistes américains, et non cubains, ont également recommandé aux politiciens américains d’augmenter l’impôt sur le revenu des riches (pas les taxes à la consommation ou les tarifs des services publics) : « Tax reform to U.S. growth. Wealthy Americans should pay increasingly higher taxes, economists say » (National Post, 26 novembre 1996).
Taxer davantage les millionnaires afin de stimuler la croissance économique et donc créer plus de richesse qu’ils ont dit. C’est pas du tout pareil au discours tenu ici par le patronat, les politiciens et leurs économistes de service qui prétendent le contraire. Pas sérieux pour cinq cennes, ils essaient de nous faire accroire que pour stimuler la croissance et créer de la richesse, qu’il faille plutôt abaisser les impôts des Crésus et des compagnies. Effectivement, ça crée de la richesse… mais pour les entreprises et les gras durs.
Puis, en Allemagne, 44 milliardaires qui n’estimaient ne pas en faire assez « pour leur pays ont proposé au gouvernement de créer une taxe annuelle de 5% sur la richesse (qui est mille fois plus élevée que le revenu annuel imposable) » (La Presse, 24 octobre 2009). Et c’est pas fini. Un récent article de Marc Thibodeau de La Presse du 18 août 2011 signalait : « France : Des riches veulent payer plus d’impôts. » Avez-vous déjà entendu un riche du Québec ou du Canada tenir un tel discours ? Mais non, ils proposent et exigent tout à fait le contraire.
Même si au Canada et au Québec les entreprises jouissent « des taux d’imposition parmi les plus bas au monde » (La Presse, 5 mars 2010), eh ben la semaine dernière les banques canadiennes (les championnes utilisatrices des paradis fiscaux) ont demandé un assouplissement du régime fiscal afin qu’elles et les autres compagnies canadiennes paient moins d’impôts. Les mêmes banques qui réalisent continuellement des profits records et les mêmes banquiers (Jacques Ménard de la Banque de Montréal pour ne pas le nommer) qui feignent d’être dévastés par le décrochage scolaire et l’état lamentable de notre système de santé publique. « Les banques canadiennes veulent un assouplissement du régime fiscal » (Le Devoir, 16 août 2011). Les mots me manquent pour les qualifier avec justesse. Décodé ça veut dire : « Encore moins d’impôts » tel que l’a signalé l’excellent éditorial de Jean-Robert Sansfaçon dans Le Devoir du 18 août 2011.
Ämes sensibles, ne lisez pas ce cri du cœur lancé en 2003 par le Conseil du patronat du Québec (CPQ). Ça pourrait vous virez complètement à l’envers et pour longtemps : « Le CPQ estime qu’il faut aider les mieux nantis en réduisant leurs impôts » (Le Devoir, 13 décembre 2003). Pas aider la classe moyenne et les pauvres mais aider les monarques. Nos affairistes n’ont absolument rien à leur épreuve. Baisser les impôts des princes économiques et aussi, en sous-entendu, augmenter leurs subventions publiques, bonifier leurs abris fiscaux et fermer les yeux sur l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux qu’ils pratiquent allégrement sans aucune gêne.
Et, ne voulant pas céder le pas au patronat, il y a : « Les médecins spécialistes demandent une baisse d’impôts pour les plus riches » (Le Devoir, 20 octobre 1999). Leurs faveurs ont été entendues et exaucées par Jean Charest : « Charest y tient aux baisses d’impôt » (Journal de Montréal, 1er mai 2007) et ce même si une vaste majorité de Québécois avaient dit : « Les baisses d’impôt ne sont pas prioritaires pour les Québécois » (Les Affaires, 5 février 2005) et « Les Québécois préfèrent leurs programmes sociaux aux baisses d’impôts » (Journal de Montréal, 12 avril 2005).
Enfin, un dernier souhait comblé par Jean Charest à ses amis : « Le CPQ (Conseil du patronat) préfère une taxe à la consommation à l’impôt sur le revenu » (Le Devoir, 6 juillet 1994). Demandez, et vous recevrez : « Double hausse de la TVQ envisagée pour 2011 » (Journal de Montréal, 1er novembre 2009). Quel grand cœur ils ont. Le patronat qui préfère une taxe à la consommation. Facile à dire quand les compagnies n’en paient pas et n’y sont pas assujetties.
Une dernière très comique avant de vous quitter. Un qui au Québec n’est pas du tout d’accord avec Warren Buffett et ses amis milliardaires américains est l’éloquent Bernard Landry qui a déjà dit : « Faire payer les riches, Bernard Landry n’y croit pas » (La Presse, 26 juin 1996). En cela, Bernard rejoignait l’idéologie véhiculée par l’Institut économique de Montréal et son économiste Norma Kozhaya, qui a affirmé : « Faire payer les riches est inefficace » (Le Devoir, 27 mars 2004).
J’arrête ça drette là. J’en ai assez dit. À vous mes amis de prendre bonne note, de tirer vos propres conclusions et surtout de réagir en conséquence selon vos moyens même modestes.
Article tiré du journal Métro Montréal