Édition du 3 septembre 2024

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Environnement

TES Canada : ses partisans sortent de l’ombre

Il semblerait que TES Canada trouve enfin des partisans. Au dernier conseil de maires de Mékinac, le mercredi 21 juillet, pas moins de quatre ou cinq personnes sont intervenues avec fougue et détermination pour nous chanter les louanges de TES Canada et la chance inouïe que nous avions, nous à Mékinac, de bénéficier de sa magnanimité.

De l’argent, de l’argent et encore de l’argent, même si pour cela, il faut perdre certaines choses, non définies par nos chantres du progrès, mais sûrement trop importantes pour qu’ils osent les mentionner. «  On ne fait pas des omelettes sans casser des œufs  », prétend un de ces intervenants. J’aimerais bien savoir quelle est la nature de ces œufs. Il est fort probable qu’elle corresponde à ce que nous demandons, nous, les opposants à ce projet, c’est-à-dire  : la conservation de notre bien-être ; la beauté du paysage intimement associé au respect de l’environnement ; la garantie de ne pas le détruire ni l’altérer ; la certitude de ne pas transformer un milieu champêtre en zone industrielle ; non pas la promesse, mais la garantie que tous les citoyens seront équitablement traités au sein du territoire respectif de chacune des municipalités ; que personne ne sera sacrifié par cette mutation en profondeur d’un territoire couvrant 12 municipalités.

Le «  progrès  » ! Au nom du «  progrès  », et des «  jobs  », et de «  l’argent  » ! C’est presque à l’unisson que ces voix se sont fait entendre. Manifestement, il y a eu concertation de leur part, mais cela va de soi. Les opposants se concertent également. Ils étudient, s’échangent de l’information, analysent le projet sous tous les angles, et sur ces fondements soulèvent des objections, pointent du doigt ce qui leur apparaît être des défaillances, des nuisances, proposent même parfois des solutions. Il est une chose cependant qu’ils ne font pas, c’est d’être obnubilés par l’argent et les jobs au point de vouloir tout sacrifier pour ces deux idoles qui sont probablement pour une grande part les responsables de la crise climatique.

Au cours des deux derniers siècles, ce sont les concessions à ces fantomatiques promesses, la précipitation à y obéir les yeux fermés qui nous a conduits au dérèglement climatique. Deux siècles d’engouement pour une industrialisation avide, et aveugle parce qu’avide, ont suffi pour conduire l’humanité au bord d’un gouffre qu’on nomme «  dérèglement climatique  ». Et tout à coup, il faudrait croire que cette mentalité s’est amendée et que tout ce qu’elle nous promet, une transition sans nuisances et sans victimes, sera bien réelle et de surcroît avantageuse pour nous. Il y a de quoi douter. Ce n’est pas nécessairement la science et la technologie qui sont fautives, mais leur utilisation désordonnée, la vue à court terme et souvent intéressée de ceux qui exploitent leur potentiel.

Curieusement, le discours commun de nos partisans ressemble au discours promotionnel de TES Canada, une apologie sans nuances, car aucune critique ne l’accompagne. La décarbonation annoncée par TES Canada est parole d’évangile. Certes, ils savent, du moins je l’espère, que plusieurs experts la contestent, mais ce sont sûrement à leurs yeux de faux apôtres, des dissidents de la transition énergétique qui ne comprennent pas la mission de TES Canada. À leurs yeux, la critique est nécessairement négative, car le projet de TES Canada avoisine la perfection. Le promoteur joue sa partition, il vend. Et nous, les «  opposants  », qui sommes-nous pour ne pas vouloir l’acheter ?

Il semblerait également que «  les gens qui sont contre le projet  » ont la mauvaise habitude de prétendre parler au nom de la majorité. S’ils ne parlent pas au nom de la majorité, on peut cependant assurer qu’ils parlent au nom d’un très grand nombre de personnes. Car ces gens qui sont contre ont justement fait l’effort de consulter la population, et à l’aide d’une pétition, faire connaître leur «  parole  ». C’est un travail ardu et ceux qui s’y sont déjà attelés savent sûrement de quoi on parle. Vérifier s’ils parlent effectivement au nom de la majorité est simple, il suffit de faire un référendum sur le sujet. Nous serons alors fixés.

Des sept municipalités pour lesquelles cet exercice fut fait, on obtient approximativement 50 % de gens contre le projet de TES Canada. Si on conteste ces chiffres et doute de leur pertinence, nous le répétons, la solution est simple  : le référendum.

Mais le référendum, aux yeux de ceux qui font l’éloge du projet, ne semble pas une alternative susceptible d’être probante. Pourtant, le référendum n’est-il pas l’outil par excellence d’une démocratie lorsqu’il s’agit de connaître le pouls de la population sur une décision cruciale et lourde de conséquences pour elle ?

«  Au niveau des élections municipales, on est à 25 ou 30 % qui viennent voter. Un référendum, ça va être, disons 35 %. Admettons que ça passe, il y en a qui vont dire qu’il y a seulement 35 % qui ont voté   ». Nous devons avouer une véritable difficulté à saisir cet argument d’un intervenant. Il accepte d’être dirigé par des élus ayant un suffrage de 25 % ou 30 %, mais refuse un référendum sur un suffrage de 35 %. Qu’on me comprenne bien, mon propos n’est pas ici de discréditer les élus, mais de montrer la faiblesse de ce raisonnement.

Parmi ces partisans du pour, il en est un qui a le courage de parler en son «  nom seulement  », car il n’a pas «  cette prétention-là  » de parler pour la majorité. Mais curieusement, tout à coup, il parle au nom des «  jeunes, ils l’ont le sentiment d’appartenance. Ils veulent revenir  ». Assistons-nous à un dédoublement de personnalité ? Il parle pour lui, puis soudain pour les jeunes, puis enfin pour les entrepreneurs, car il en fut également question. Magie de la psychologie humaine, que de surprises nous réserves-tu ?

Enfin, il est un autre point abordé à cette séance du conseil qui mérite qu’on s’y attarde un peu. Il s’agit du projet de règlement qui propose de créer «  un corridor de protection panoramique de 3 km pour la rivière Saint-Maurice [...] afin d’interdire les éoliennes de moyennes et grandes envergures (12 m et plus) à moins de 3 km de la rivière Saint-Maurice  ». On peut comprendre, comme il nous fut révélé, que la réflexion sur cette mesure a débuté en 2015, mais il n’en demeure pas moins que l’avis de motion fut déposé le 6 mai 2024, et je n’ose croire que lorsqu’on dépose un avis de motion, on ait oublié que le principal objet de ce règlement est une distance de 3 km. Naturellement, la détermination de cette distance ne soulève aucun problème. Au contraire, elle ne peut être que soulignée, car elle montre la clairvoyance du conseil municipal de Grandes-Piles face à l’enjeu de la production tous azimuts de l’énergie. On comprend qu’ici le «  principe de précaution  », tant demandé par nous, fut appliqué. Ce que l’on comprend moins, c’est pourquoi il ne le fut pas lors de l’élaboration du règlement de contrôle intérimaire (RCI) adopté le 10 juillet par le Conseil des maires. Pourquoi la rivière Batiscan, joyau qui traverse cinq des municipalités visées par le projet de TES Canada, n’aurait-elle pas droit aux mêmes égards ?

Et si l’on finissait par ce coup de gueule et ce cri du cœur de Yann Queffelec au sujet des éoliennes  : «  La laideur, outre le critère esthétique, c’est l’usurpation d’un paysage immémorial, propriété exclusive et non bornée des nuages, des oiseaux et des esprits errants... C’est un coup de couteau dans l’œil du créateur qui nous a légué l’Univers, c’est le viol du mystère invisible des choses, frère de l’essentiel.   »

Gaston Rivard
Saint-Adelphe

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