Les étudiants de l’université d’Alep ont vu leurs protestations réprimées par les forces dites de « sécurité ». Il y aurait au moins quatre morts et des centaines d’arrestations.
La direction de l’université aurait décidé de suspendre les cours jusqu’au 12 mai au moins.?Le raid policier a commencé dans la nuit de mercredi 2 au jeudi 3 mai 2012. Des membres des forces de sécurité ont pénétré dans l’université d’Alep et poursuivi des étudiants jusque dans leur chambre. Là, ces derniers ont été abattus, d’autres frappés, humiliés de manière sadique, de nombreux ont été arrêtés, afin de susciter une crainte généralisée. Des témoignages font également état de tirs nourris dans l’enceinte du campus. Les « forces de l’ordre » sont intervenues pour punir les étudiants. Ils avaient manifesté dans la journée du 2 mai contre le régime. Jeudi 3 mai 2012, un nouveau défilé a eu lieu, dispersé par des gaz lacrymogènes, selon divers témoignages. La ville d’Alep, capitale économique du pays, a été relativement épargnée par les mobilisations jusqu’ici. Si « Alep ne s’est pas encore révoltée contre le régime, l’importance de ces événements va pousser les habitants à se solidariser avec les étudiants », a estimé le président de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, Rami Abdel Rahmane. Il a ajouté que les forces gouvernementales sont « entrées en force car la mobilisation s’est intensifiée ces derniers temps au sein et à l’extérieur des campus ».
En effet, les étudiants ont multiplié les manifestations ces derniers mois. Une vidéo postée sur Internet – et datée du 12 avril 2012 – montre clairement des étudiants jetés à terre et battus à coups de matraque, par des hommes en uniforme.
Les forces gouvernementales ont continué, le vendredi 4 mai 2012, de réprimer : 26 morts. Cependant, le bureau de l’émissaire international Kofi Annan a estimé que « son plan de paix » était « sur les rails ». Il ajoute : « Il y a de petits signes sur le terrain. Certaines armes lourdes ont été retirées, certaines sont restées [...], certains actes de violence ont reculé, certains se sont poursuivis. » Quel astucieux jargon de diplomate ! Un point « d’honneur » de la profession ?
Tous les analystes sérieux insistent pourtant sur un fait : si le pouvoir enlève ses armes lourdes (blindés, canons, etc.) des villes, cela conduirait à un soulèvement généralisé contre le clan Assad. D’où le choix de déplacer ce type d’armement, assez rapidement, et de frapper le plus fort possible, à chaque fois, quitte à détruire des quartiers entiers d’un nombre croissant de villes.
Ainsi, les forces répressives ont tué 26 civils, dont deux enfants, dans les provinces d’Alep, Homs, Hama, Idleb, Deir Ezzor, Lattaquié et Damas, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Et cela malgré la présence d’observateurs de l’ONU chargés de « surveiller l’application d’un cessez-le-feu », ignoré depuis le 12 avril. Comme chaque vendredi, depuis mars 2011, les manifestant·e·s ont défilé, avec comme cris de ralliement, inscrits sur leurs pancartes : « La Syrie veut la liberté » ; « La Syrie saigne » ; « Bachar, dégage ! ». Des vidéos mises en ligne par des militants montrent des foules à Homs, Qamichli, Idleb, Deraa et Alep.
Plus de 65’070 Syriens ont fui leur pays, en grande majorité vers la Turquie (23’343) et le Liban (22’000), selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR). Ce dernier a précisé que 49’193 étaient enregistrés auprès de ses services et 15’877 en passe de l’être, selon son site du Syria Regional Refugee Response. Il faut y ajouter : 15’999 en Jordanie et 3129 en Irak.
Le 4 mai 2012, Amnesty International a établi un « bilan ». Il suffit à décrypter les déclarations commises par l’émissaire de l’ONU. Amnesty « a reçu les noms de 362 personnes annoncées comme tuées depuis que les observateurs de l’ONU ont entamé leur travail en Syrie le 16 avril […]. La tendance récente à des violences qui éclatent juste après la visite d’observateurs souligne la nécessité de mettre en place bien plus vite une mission d’observation plus musclée », déclare Ann Harrisson, une responsable d’Amnesty pour le Moyen-Orient.
Le seul « plan de paix » effectif réside dans la détermination imposante d’une population – aidée, sous une forme artisanale, par des militaires qui désertent les rangs des forces armées dont la férocité et l’inhumanité font corps avec le système. Cette population insurgée a un objectif : sa libération.
Faut-il citer, ici, face à ceux qui osent invoquer la « violence des deux parties », la lettre encyclique de Paul VI, en date du 26 mars 1967, Populorum Progressio ? Face à un pouvoir non seulement dictatorial, mais qui a pris l’initiative, depuis 15 mois, de recourir à une violence policière et militaire pour réprimer dans le sang des manifestations pacifiques, le peuple syrien, dans ses diverses composantes, fait face au « cas d’une tyrannie évidente et prolongée qui [porte] gravement atteinte aux droits fondamentaux de la personne et [nuit] dangereusement au bien commun du pays ». Si violence il y a, il s’agit de celle de l’assassin. A ne pas confondre avec celle de celui qui veut l’arrêter. (Rédaction A l’Encontre, 5 mai 2012)