Édition du 17 décembre 2024

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Cultures, arts et sociétés

Subordonnée : un roman de Isabelle Gaumont

« Subordonnée » est tout le contraire du roman narcissique d’aujourd’hui : « L’obsession de la performance à tout prix s’y étale dans toute son horreur et son absurdité ».
Ceux et celles qui pensent avoir un travail peinard, lisez ce livre, vous comprendrez la détresse que peut causer le travail moderne. Ceux et celles qui vivent un travail trop stressant, lisez-le aussi, vous y retrouverez très crûment ce que vous ressentez au travail.

L’auteur (une femme) a su rendre compte avec « Subordonnée » du milieu de vie actuel de très nombreux travailleurs et travailleuses de l’ère moderne du secteur tertiaire, soit dans ce cas les services financiers. « La compagnie de Simone Beaubien est un vampire du rendement » où on vous donne le droit d’être appelé « Associée ». C’est un milieu de travail très majoritairement féminin.

Le travail moderne a remplacé la production manufacturière d’objets par la production à la chaine du crédit. C’est le travail de recouvrement du crédit à la chaine : pression continue de la part des dirigeants, pression continue de l’équipe de travail, surveillance constante par l’informatique et les superviseurs du travail, des appels et des déplacements. Dévaluation des efforts et dévalorisation de l’individu vont de pair.

Un minimum de 20 appels à l’heure est exigé. Il faut aussi supporter les insultes des clients qui sont appelés pour recouvrer leurs dettes :

« - Tétais où ?
 Aux toilettes. Je me sentais pas bien. Ça doit être quelque chose que j’ai mangé.
 Ouin…La prochaine fois, ça va dans ton dossier. »

« Des superviseurs passaient sans arrêt derrière mon dos en se frottant les mains et en répétant une incantation : « Cattes de kédit ! Cattes de kédit ! »... « C’est la carte ou la vie ».

Les AssociéEs deviennent des cas psychosociales et se « dissocient » les unEs des autres. La compétition, la suspicion et la dénonciation dominent. Le rendement n’est jamais suffisant, les patrons font des réunions pour le démontrer, ne pas donner d’augmentation de salaire et exiger un petit effort de plus….

Épuisement, burn-out, maladies modernes de l’âme des travailleurs et des travailleuses. Savez-vous que L’OMS prévoit que la première cause d’invalidité au travail en 2020 sera la « dépression nerveuse » ?

Le « nous ne travaillons pas assez » de Bouchard, ce grand lucide des profits des patrons, en prends un coup d’enclume dans ce livre.

On ne quitte pas ce roman sans un haut le cœur. Lisez-le à petites doses.

*** Subordonnée. Isabelle Gaumont, Hurtubise HMH, 2007. ***

Claude Charest

l’auteur habite Sept-Iles.

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