Nous vivons dans une société capitaliste. Les banques, les grandes entreprises multinationales pétrolières et gazières, industrielles et commerciales ont la main haute sur l’économie. Les propriétaires de ces entreprises décident ce qui va être produit, en quelle quantité et selon quels procédés. Leur objectif est de dégager le maximum de profits, d’accumuler et de re-investir pour augmenter leurs débouchés. Cette économie capitaliste est une économie centrée sur la croissance. Comme société de production généralisée de marchandises, le capitalisme est une société productiviste qui pousse à la surconsommation et à l’épuisement des ressources. Ces puissances qui dirigent la société contrôlent des institutions politiques (partis politiques et institutions étatiques) qui protègent leur domination sur l’économie et sur l’ensemble de la société. Le gouvernement canadien subventionne sans relâche les entreprises qui construisent des infrastructures d’exportation des énergies fossiles — pipelines, gazoducs, nouvelles autoroutes, usines de liquéfaction… sans jamais donner un véritable pouvoir de contrôle des populations sur ces décisions économiques. Combien de canadien-ne-s ou de québécois-e-s sont impliqués dans les décisions d’exploiter le pétrole à partir des sables bitumineux ou à partir de plate-forme en haute mer ? La société capitaliste est divisée entre une minorité qui décident des choix économiques et la vaste majorité populaire qui doit vendre leur force de travail pour un salaire.
Malheureusement, malgré la clairvoyance de leurs analyses et l’intérêt des pistes proposées, le document du FCTÉ refusent de décrire et de nommer la réalité du système économique et politique dans lequel nous vivons et qui est au fondement de la destruction de l’environnement et du réchauffement climatique. Et cela n’est pas sans conséquence sur le refus de confronter les défis et les conflits par lesquels la lutte aux changements climatiques devra passer.
Une expérience de pensée nous est proposée : Un Québec « zéro émission, ça pourrait ressembler à quoi » ?
D’entrée de jeu, le document du FCTÉ nous propose de nous « évader un instant du présent afin d’imaginer à quoi pourrait ressembler le Québec au terme d’une transition réussie ». [3]. Pourquoi pas, pourrions-nous dire ? Cela ne permettra-t-il pas d’esquisser le projet de société que nous voulons construire et en motiver plusieurs sur l’urgence du combat ?
En fait, ce qui est proposé c’est une série de transformations sans que soit explicitée la nature et les formes de la remise en question des rapports de domination économique, politique et culturel existant dans la société québécoise. « La société est paisible, comme elle l’est demeurée tout au long de sa transformation ». [4]. Au niveau mondial, nous sommes dans une société où les guerres pour les ressources pétrolières et minières sont à l’ordre du jour. Les entreprises extractivistes dans l’État canadien, Québec compris, réussissent à imposer leur volonté aux gouvernements grâce à leur armée de lobbyistes. Ces entreprises continuent à investir des sommes colossales dans des infrastructures pour augmenter leur production d’hydrocarbures dans les prochaines décennies. Les dirigeants politiques se contentent de belles paroles sur l’urgence climatique et sur la lutte aux GES, mais ils continuent de subventionner les entreprises pétrolières et gazières. Alors, il serait intéressant de préciser comment « toutes les sphères de la société ont contribué à réinventer nos modes de vie, de production et de consommation… » [5]
De plus, on nous annonce que « une économie est axée sur la satisfaction des besoins et non sur l’accumulation. » [6] Le capitalisme aura été dépassé et les capitalistes auront collaboré à ce dépassement ! On nous présente un véritable projet révolutionnaire appelé à bouleverser les modes de production, de consommation et de répartition de la richesse et le rapport à la nature, mais sans poser les conditions politiques de ce renversement des structures de pouvoir qui pourrait permettre ce projet de société rêvé. Seul, semble oublier de ce vaste plan, une décroissance solidaire absolument nécessaire pour faire face à la crise climatique.
De plus, ce Québec rêvé semble s’épanouir sur son territoire sans qu’on semble se préoccuper de ce qui se passe sur le reste de la planète comme si la lutte aux changements climatiques n’était pas un combat par nature planétaire…
Proposer une véritable alternative à l’enfin-nommée société capitaliste présuppose de bien définir les ruptures des structures sociales nécessaires à une véritable émancipation
a. Pas de décision collective sur les choix économiques et environnementaux sans en finir avec la propriété privée des moyens de production et sans instaurer la propriété collective des moyens de production : les coopératives et des entreprises publiques démocratisées permettant de jeter les bases d’une autogestion économique
b. Pas de passage à une société carboneutre sans expropriation des entreprises extractives et l’obligation réglementaire de garder les hydrocarbures sous-terre.
c. Pas de protection des ressources restantes, sans la mise en place d’une décroissance solidaire, car le ralliement à l’objection de croissance est nécessaire pour sortir du productivisme
d. Pas de lois écologistes véritables, sans la mise en place d’institutions permettant la démocratie directe et participative qui dépasse la simple démocratie représentative instrument le plus souvent de la reproduction des élites.
e. Pas de ralliement à un projet de révolution économique, sociale, politique et culturelle qu’implique une réponse adéquate à l’urgence climatique sans une bataille pour une redistribution égalitaire de la richesse et une révolution culturelle s’enracinant dans les combats quotidiens pour l’égalité, la justice et la fin de la prédation de la nature. [7]
La feuille de route est traversée par la préoccupation d’identifier ce qui nous empêcherait de réussir dans la poursuite de la transition vers un Québec carboneutre. Mais à ce niveau, le texte pointe, ce qui n’est pas sans intérêt, de fausses pistes qu’il faut éviter d’emprunter comme le développement de la voiture électrique par exemple. Mais pour ce qui est des blocages politiques, s’ils affleurent dans le texte, ils se présentent comme des procès sans sujet, sans des sujets nommés, sans que la classe dominante ne soit clairement désignée. Et c’est là une carence, car si dialogue social, il doit y avoir, ce dernier doit rassembler la majorité populaire et en finir avec tout attentisme face à la l’oligarchie régnante.
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