Édition du 5 novembre 2024

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Québec

Services à domicile : ne pas s’arrêter à mi-chemin !

La nécessité de donner un sérieux coup de barre pour augmenter la qualité et la quantité des services à domicile est plus qu’évidente. Si le développement des services à domicile est un enjeu prioritaire pour le réseau de la santé et des services sociaux, il faut toutefois s’inquiéter à plusieurs niveaux de la proposition contenue dans le Livre blanc pour l’assurance autonomie. Disons-le d’emblée, le projet sur la table vise beaucoup plus à rentrer dans un cadre budgétaire trop serré dû à une obsession du déficit zéro qu’à développer des services à domicile de la meilleure qualité qui soit. C’est pourquoi nous voulons attirer l’attention sur deux dangers contenus dans le Livre blanc.

Jeff Begley est président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)

Le premier danger que nous voyons réside dans l’ouverture au privé et dans le manque d’intégration des services que propose le Livre blanc. En effet, il est proposé que la prestation des services soit donnée principalement par des entreprises d’économie sociale, des groupes communautaires ou des entreprises privées. On ouvre ainsi la porte au privé dans la prestation des services, alors qu’on sait que cette même ouverture a eu des conséquences dramatiques dans l’hébergement de soins de longue durée.

Quand on sait que la prestation de services dans les services publics est, selon plusieurs études, de meilleure qualité et plus efficace que celle donnée par les services à but lucratif et que les services privés sans but lucratif, on se demande alors pourquoi ne pas tout simplement miser sur la meilleure solution. Miser sur les services publics, c’est entre autres, compter sur les auxiliaires aux services de santé et sociaux (ASSS) qui accompagnent et supportent l’usager et sa famille et suppléent à ses incapacités dans l’accomplissement de ses activités de la vie quotidienne ou de la vie domestique. C’est l’ASSS qui fait le lien et le suivi avec les membres de l’équipe multidisciplinaire à propos des besoins de l’usager et ceux de sa famille. Elle est ainsi le chaînon qui relie l’usager aux services de santé et services sociaux du CSSS. Ce que le Livre blanc propose, ce n’est rien de moins que de se passer de ce chaînon.

Cette sous-traitance de la prestation des services aura pour conséquence de maintenir des milliers de femmes dans des ghettos d’emploi féminins sous-payés. Cela entraînera aussi une perte de connaissance de la réalité terrain pour le réseau public. Sans les ASSS, le réseau public peinera à avoir une connaissance fine de l’évolution de la situation de l’usager.

Le Livre blanc va ainsi dans le sens contraire de ce qu’il faut faire en termes d’intégration et de coordination des services. En laissant la prestation des services au privé et la gestion des services à domicile au public, on va non seulement avoir du mal à tenir à jour les plans d’intervention, mais en plus augmenter encore une fois la bureaucratisation du réseau public. Pourquoi ne pas mettre les ressources directement dans les services à la population plutôt que de compter sur la sous-traitance et la bureaucratie ?

Le deuxième danger que nous ciblons est celui de prétendre que le développement des services à domicile permettra rapidement de diminuer le nombre de lits d’hébergement de soins de longue durée. Si nous sommes d’accord pour dire qu’à terme il sera possible de faire des économies, il est important de rappeler que les personnes qui se retrouvent dans nos CHSLD ne peuvent être à domicile et donc que l’hébergement doit demeurer une priorité. Les pays scandinaves, qui ont une couverture publique des services à domicile beaucoup plus large que la nôtre, continuent pourtant d’investir plus que nous dans l’hébergement, et tout cela pour des dépenses de santé globale moins importantes. Il faut donc développer un réel continuum de soins pour les personnes en perte d’autonomie, aussi bien par des services à domicile que par l’hébergement, et ce, dans le réseau public.

Nous invitons donc le gouvernement à ne pas s’arrêter à mi-chemin et à se donner les moyens pour que l’on développe un continuum de soins pour les personnes en perte d’autonomie dont on pourra être fiers.

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