Édition du 17 décembre 2024

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Philippines

Les Philippines après Haiyan : incurie des possédants, urgence de la solidarité

Le supertyphon Haiyan vient de dévaster les Visayas, au centre de l’archipel philippin, alors que s’ouvre à Varsovie la 19e conférence internationale sur le climat. L’an dernier, un autre cyclone meurtrier avait endeuillé les Philippines alors que ladite conférence se tenait à Doha. Les délégués gouvernementaux avaient salué la mémoire des victimes, avant de conclure qu’il était urgent de ne rien faire. Gageons que cette année, il en sera de même. L’heure est à la ruée sur les gaz de schistes. Les lobbies de l’énergie dictent leur loi. Ainsi, pour la Table Ronde des Industriels européens, « la compétitivité » doit être considérée « aussi importante » que « les objectifs de réduction de CO2. » Rien ne doit remettre en cause leurs profits et leur pouvoir [1].

Il serait impossible de « prouver » que tel ou tel cyclone n’aurait pas eu lieu sans le réchauffement atmosphérique. Certes, mais là n’est pas la question [2]. Haiyan est le plus puissant typhon ayant touché terre jamais enregistré dans le monde. Pour son malheur, l’archipel philippin subit de plein fouet la violence des phénomènes météorologiques exceptionnels qui se forment dans l’océan Pacifique. La liste des typhons meurtriers ne cesse de s’allonger : Frank (Fengshen, 2008), Ondoy (Ketsana, 2009), Sendong (Washi, 2011), Pablo (Bopha, 2012) et maintenant Yolanda (Haiyan, 2013). Le pire peut-être encore à venir : les cyclones se multiplient, leurs trajectoires se modifient.

Le « message » d’Haiyan est clair : voici ce que signifie pour les populations le chaos climatique – en particulier pour les secteurs les plus pauvres qui vivent souvent dans des zones à risque : menacées d’inondations, d’éboulements, d’une montée des eaux maritimes… Or, en ces temps d’urgence, la corruption ainsi que la destruction des services publics au nom des dogmes néolibéraux et des intérêts privés ont contribué à rendre l’Etat impotent.

Incurie de la communauté internationale des possédants, incurie criminelle aussi de la présidence philippine. Le désastre était annoncé, mais rien n’a été fait pour évacuer les habitants des zones les plus exposées. Des stocks solidement protégés de vivre et de matériel médical n’ont pas été constitués. Des centres de secours n’ont pas été préétablis alors que les autorités connaissaient les risques encourus et alors que les communications étaient encore aisées. Les élites philippines semblent tout ignorer de la politique de prévention des catastrophes et s’en soucier comme d’une guigne. Certes les riches, les vrais, peuvent se retirer des zones menacées. Aux autres, aux autorités locales, aux pauvres en particulier de se débrouiller sur place avec bien peu de moyens.

Les télévisions de monde entier et les reportages des journalistes ou des « chasseurs de cyclones » qui s’étaient, eux, rendus sur place nous ont permis de prendre la mesure de la catastrophe [3]. La ville portuaire de Tacloban (220.000 habitants) a été littéralement rasée et on craint qu’en ce seul lieu le nombre de morts se monte à quelque dix mille. Les hôpitaux sont dévastés, le personnel n’a plus de médicaments. A l’abandon, les survivants errent dans les ruines pour trouver de l’eau, de la nourriture, de quoi s’habiller, de quoi reconstruire un abri… et le président Benigno Aquino dénonce les « pillages », se donnant pour objectif de « rétablir l’ordre » : les tanks de l’armée arrivent plus vite que l’aide alimentaire n’est distribuée ! Plutôt que de pointer du doigt, de criminaliser les victimes, Aquino ferait mieux de tirer les conséquences de son incapacité à protéger les populations, à prévenir le désastre.

Tacloban n’est pas la seule localité sinistrée, tant s’en faut. Haiyan est passé sur de nombreuses îles des Visayas, outre Samar et Leyte dont parlent les médias : 41 provinces ont été plus ou moins gravement touchées par le typhon. Les communications sont très difficiles. Il est aujourd’hui impossible d’estimer le nombre de victimes et des destructions. Les Nations unies ont prévenu qu’en ce qui concerne le bilan final, il fallait« s’attendre au pire ».

Impossible de ne pas être en colère face à un tel désastre ; l’heure cependant est à la solidarité. L’aide internationale commence à affluer ; et c’est tant mieux. Aussi indispensable qu’elle soit, l’expérience montre aussi ses limites, voire ses effets pervers comme la situation dramatique en Haïti ne cesse de nous le rappeler.

Les secours doivent être conçus pour redonner un véritable pouvoir de décision aux populations sinistrées. Les victimes ne redoivent pas être traitées comme des assistées attendant la charité ! L’auto-organisation des milieux populaires doit être facilitée afin qu’ils soient à même de défendre leurs intérêts en un moment de grande faiblesse et de grande dépendance, de grand désarroi aussi. Sinon, les plus démunis risquent d’être plusieurs fois victimes : de la catastrophe naturelle, de la distribution inégalitaire de l’aide, puis d’une reconstruction inégalitaire au profit des possédants.

Secours d’urgence (eau, nourriture, soins médicaux…), réhabilitation et reconstruction doivent aussi être liés : l’aide ne doit pas se résumer à une intervention ponctuelle, mais se poursuivre dans la durée.
C’est dans cet esprit, dans cette perspective, que l’association Europe solidaire sans frontières a lancé un appel à la solidarité financière [4], pour aider nos partenaires philippins à secourir des victimes notamment là où le gros de l’aide internationale n’ira pas.

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