Au point où le ministre fédéral des Ressources naturelles, Joe Oliver, s’est lancé dans une attaque en règle contre les opposants, les traitant de « radicaux » dignes du « Moyen-Âge ». Ce gouvernement n’hésite même pas à s’inspirer des régimes autoritaires (comme le régime syrien présentement) en accusant les opposants d’être à la solde d’intérêts étrangers pour miner l’intérêt supérieur de la nation canadienne ! C’est une marque inacceptable de mépris et de manque de respect du droit d’opinion. Où va se rendre ce gouvernement pour arriver à ses fins ?
Comme le signale Marc Lee, du Progressive Economics Forum, s’il y a une influence étrangère indue dans cette affaire, elle ne vient pas des opposants mais de l’industrie pétrolière : les entreprises étrangères contrôlent 35% des actifs du secteur au Canada, reçoivent un peu plus de la moitié des revenus et plus des deux cinquième des profits ! Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Il est difficile de savoir le montant exact du financement du lobby et des groupes d’influence qui sont derrière les projets criminels du développement des sables bitumineux.
Aux États-Unis, certains groupes de recherche ont les moyens pour chercher à évaluer le financement qui va aux lobbys. Ainsi, Joe Romm, du blogue Climate Progress, nous apprend que le groupe de recherche MapLigh a dévoilé dans une analyse récente qu’en 2010 et 2011 les membres du Congrès des États-Unis auraient reçu 12 millions $ du lobby du pétrole pour faciliter une réponse favorable pour le projet de pipeline Keystone. Un autre groupe, Oil Change International, a quant à lui démontré que les représentants qui avaient voté pour le pipeline avaient reçu 10,9 millions $ alors que ceux qui ont voté contre n’avaient reçu que 717 552 $, soit 15 fois moins d’argent. Si le pipeline pétrolier n’a pas passé, le pipeline financier fonctionne très bien merci ! Et je le répète, ce n’est que les financements légaux. On ne voit pas les enveloppes brunes aux décideurs, aux fonctionnaires, aux médias et journalistes, à des associations de « citoyens » bidons, etc.
Dans ce contexte, il faudra redoubler de vigilance quant au troisième projet d’oléoduc du plan de développement, celui du volet Est. La société Enbridge est en effet en démarche auprès de l’Office nationale de l’énergie (Québec) pour faire inverser le flux du pipeline qui achemine présentement le pétrole importé de Montréal vers Sarnia, en Ontario. La semaine dernière, une lectrice d’OikosBlogue me signalait la parution d’un article du Ottawa Citizen (mais diffusé dans tous les journaux de PostMedia Network, un groupe de l’Ouest) qui souligne justement l’importance du Plan C (i.e. le volet Est) pour l’exportation du pétrole des sables bitumineux. L’article est intéressant dans la mesure où il révèle que tous ces projets de pipelines ne visent essentiellement qu’à exporter ce pétrole sale hors de l’Amérique du Nord afin de profiter des prix internationaux plus élevés. Et que le pipeline de l’Est, même s’il n’est pas un choix idéal (on parle en effet de seulement 150 000 barils par jour et d’un trajet par bateau beaucoup plus long), permettrait néanmoins d’augmenter les capacités d’exportation et de diversifier les marchés. Selon ce texte, Franck McKenna proposerait d’utiliser le pipeline de l’Est pour alimenter la raffinerie d’Irving, au N-B alors que Jack Mintz, de la School of Public Policy de l’University of Calgary, envisage même la construction d’un nouveau pipeline vers le port de Churchill, dans la Baie d’Hudson. À ce propos, le journaliste Alexandre Shield se trompe dans son article de la fin de semaine dernière, le marché visé n’est pas celui des États-Unis : le pétrole qui serait raffiné dans les raffineries du Texas serait exporté vers l’Asie. C’est d’ailleurs l’un des arguments clés des opposants au projet Keystone : « The Oil Goes to China, the Permanent Jobs Go to Canada, We Get the Spills, and the World Gets Warmer ».
Quoi qu’il en soit, l’article du PostMedia Network met beaucoup d’emphase sur les retombées économiques des sables bitumineux pour le Canada. Je vais revenir sur ces fameuses retombées dans un prochain billet puisque le lobby semble s’être donné un agenda très précis de communication pour présenter les bienfaits de cette industrie pour toutes les provinces, y compris au Québec. Non seulement leurs chiffres sont-ils gonflés, mais ils ne tiennent pas compte des coûts environnementaux qui découlent du développement de cette industrie.