27 août 2021 | tiré d’Alternative socialiste
Comme une dizaine de hotspots de Montréal, le 234 rue Hickson est bien connu des services policiers. Prostitution, trafic de drogue, violence domestique, tout y passe. Il représente aussi une « ressource privée » pour certains services en santé et services sociaux de Verdun. Depuis des années, cet immeuble de 32 unités est utilisé comme une maison de chambres bon marché pour y loger des personnes démunies, qui utilisent des drogues injectables, qui sont en détresse psychologique ou qui nécessitent des soins adaptés. Profitant de leur vulnérabilité, le propriétaire ne leur a offert que l’insalubrité et le mépris.
Immeuble insalubre et dangereux
« Des rats, des punaises de lits, des coquerelles… on a tout eu, lance Debbie, une ancienne locataire déménagée le 1er mai dernier. Maintenant, il y a des excréments humains dans des corridors depuis que des gens ont défoncé les portes et les fenêtres pour dormir dans les appartements vides. » Debbie explique la stratégie du propriétaire pour se débarrasser des locataires : « Il ne fait pas les réparations. Il ne fait pas exterminer la vermine. Il laisse tout pourrir jusqu’à ce que les gens n’en peuvent plus et quittent. » Elle souligne que plusieurs personnes, ne connaissant pas leurs droits, se sont fait expulser du jour au lendemain sans compensation.
Le 234 rue Hickson est aussi connu des services du cadre bâti de l’arrondissement de Verdun. Sur la liste des endroits à surveiller, l’immeuble a été le théâtre d’une intervention réalisée par 10 inspecteurs au printemps dernier. Leur travail a révélé que l’intérieur de l’immeuble était complètement à refaire. La structure demeure toutefois sécuritaire. C’est ce qu’il fallait au propriétaire pour avoir légalement les coudées franches et virer tout le monde afin de tout rénover en prévision d’offrir de nouveaux appartements luxueux.
« Gentrification par l’abandon »
Cette pratique de la « gentrification par l’abandon » est dénoncée par le Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV). Averti in extremis, le CACV a mobilisé des travailleuses de rue et quelques ressources pour la dame évincée hier. Le 234 rue Hickson est officiellement la propriété d’une compagnie à numéro (10558486 CANADA INC.) qui possède aussi trois autres immeubles à Montréal. Le propriétaire a d’ailleurs un antécédent qui parle de lui-même. Devenu dangereux, l’un de ses anciens immeubles fait partie des rares bâtiments à avoir été repris par la ville tellement il a été laissé à l’abandon. Les bureaux de cette compagnie enregistrée en juin dernier sont répertoriés au 1635, rue Sherbrooke Ouest, suite 200.
A-t-on affaire à un propriétaire véreux (slumlord) ? « Oui », répond spontanément Debbie. Alors pourquoi le conseil d’arrondissement de Verdun ne fait-il rien de sérieux pour empêcher ces personnes de profiter de la misère des autres ? Pourquoi les propriétés gardées insalubres pendant des années, au su et au vu de toutes les institutions publiques, ne sont-elles pas expropriées sur le champ par la ville et reconverties en logements publics et abordables ?
L’histoire aurait pu être différente
Dans une société où l’on se soucie du bien-être des gens, la dame en question n’aurait pas été évincée par un huissier sans savoir où aller, faute d’argent. Elle aurait été évacuée de son taudis infesté de vermine par les services publics. L’arrondissement lui aurait offert un logement public, à prix modique et répondant à ses besoins particuliers.
Dans une société où l’on se soucie de la santé mentale des gens, un système de santé et de services sociaux publics massivement financé offrirait ses propres établissements. Son personnel bénéficierait de conditions de travail lui permettant de faire les suivis et les démarches requises avec les ressources adéquates.
Mais dans notre société capitaliste, la classe dirigeante ruine nos services publics, notre environnement, notre santé et nos conditions de vie pour le profit. Les grands propriétaires profitent de la forte demande en logement pour élever les prix des loyers ou négliger l’entretien de leurs immeubles. Ceux et celles qui portent l’odieux de cette crise de la gestion capitaliste du logement siègent sur les conseils municipaux et les assemblées législatives. Ce sont ces personnes qui déroulent le tapis rouge aux vampires de l’immobilier en leur laissant faire des flips ou acheter des quartiers entiers.
Il n’y a pas un palier gouvernemental pour racheter l’autre. Le conseil d’arrondissement de Verdun, dont le maire a fait carrière dans l’immobilier, laisse aller la gentrification depuis des années, tandis que l’équipe à la mairie de Montréal a activement amplifié l’embourgeoisement partout à Montréal ! De leur côté, les gouvernements provinciaux et fédéraux comptent sur la performance de l’industrie privée de la construction, en particulier pour les condos de luxe, afin de stimuler leur économie à la dérive.
Organiser politiquement la lutte pour le logement
Les propriétaires et leurs élu⋅es n’ont jamais laissé nos cris d’indignation et nos blessures stopper leur course au profit. Pour nous attaquer aux intérêts de ces gens-là, nous devrons aller au-delà des actes symboliques et frapper là où ça fait mal. Les grands propriétaires ont aussi des adresses. Ils ont des activités lucratives à déranger. Mais pour leur opposer un rapport de force social, le mouvement pour le droit au logement doit s’élargir. Il doit organiser un maximum de travailleurs, de travailleuses et de jeunes pour avoir des chances de gagner. Ces personnes sont concernées plus que jamais par l’enjeu du logement. Elles ont besoin de stratégies pour gagner les luttes, maintenant.
L’automne 2021 voit la tenue d’élections fédérales et municipales. Elles peuvent aider au développement d’un mouvement de locataires large et combatif. Le champ de la réglementation municipale peut offrir des armes redoutables pour combattre les grands propriétaires et développer des quartiers qui répondent à nos besoins.
Le système capitaliste est incapable d’assurer le droit au logement décent pour tout le monde. Les élu⋅es qui gèrent la politique et l’économie pour le compte des capitalistes sont tout aussi incapables. Ne laissons pas d’autres gentrificateurs s’installer aux rênes des conseils municipaux ! Investissons les postes d’élu⋅es municipaux !
Si vous partagez cette réflexion, contactez-nous pour mettre sur pied une campagne électorale municipale dans Verdun dans le sillage de la campagne Nos quartiers ne sont pas à vendre !
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