Édition du 17 décembre 2024

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La guerre en Ukraine - Les enjeux

Russie. « L’histoire russe rappelle que chaque défaite militaire majeure a débouché sur un début d’importantes réformes ou sur une révolution »

Le 19 octobre 2022, Poutine instaure la loi martiale dans les territoires ukrainiens annexés et met en place des régimes spéciaux sur le territoire russe, autrement dit « des lois martiales allégées ».

24 octobre 2022 | tiré du site alencontre.org
http://alencontre.org/europe/russie/russie-lhistoire-russe-rappelle-que-chaque-defaite-militaire-majeure-a-debouche-sur-un-debut-dimportantes-reformes-ou-sur-une-revolution.html

MOSCOU – Vladimir Poutine, en déclarant une mobilisation « partielle » en Russie, a réussi au moins une chose : la société russe a finalement réalisé qu’elle était en état de guerre. En effet, en quelques minutes, le président a non seulement détruit le « contrat social » qui fonctionnait dans le pays depuis plus de vingt ans qu’il est au pouvoir, mais il a également annulé le travail de sa propre propagande au cours des sept derniers mois du conflit avec l’Ukraine.

Jusqu’à l’annonce de la mobilisation « partielle », la majeure partie de la société du pays ne pensaient pas à la guerre ; beaucoup n’en avaient même pas conscience. Bien sûr, les propagandistes faisaient rage à la télévision tous les jours, littéralement. Sur Internet, des batailles féroces opposaient partisans et adversaires de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine. Mais la société a-politique russe ne s’y intéressait guère : la plupart des gens ne regardent pas les émissions de télévision politiques et ne lisent pas les sites web politiques, qu’ils soient favorables ou non au gouvernement.

Le 21 septembre, la situation a changé radicalement et de manière définitive. Est apparue une prise de conscience et une résistance est arrivée. Bien sûr, on peut s’indigner que les Russes n’aient réagi à la tragédie de l’Ukraine que lorsqu’elle les a directement touchés. Mais après tout, il a fallu plusieurs années à la société des Etats-Unis pour que l’opinion publique réagisse à la guerre du Vietnam.

D’une manière ou d’une autre, la guerre est devenue non seulement un élément de la conscience publique, mais aussi un élément constitutif de la vie publique et privée. Et la première réaction à ce qui s’est passé a été une dérobade massive face à la mobilisation.

Dans les jours qui ont suivi le discours de Poutine, plus de jeunes hommes ont quitté le pays que l’armée n’avait prévu [300’000 dans les déclarations initiales] mobiliser (si l’on en croit le chiffre officiel, manifestement sous-estimé).

Le nombre de personnes ayant franchi la frontière a approché les 600’000. Il y a maintenant plus de trois fois plus de refuseniks que de soldats en Ukraine. Et ce, en ne comptant que ceux qui se sont rendus dans les états limitrophes. Des cohortes de personnes se sont regroupées aux frontières du Kazakhstan, de la Mongolie et de la Géorgie. Ils sont partis en voiture, à vélo et en scooter, et même à pied. De l’autre côté de la frontière, au Kazakhstan, de nombreux bénévoles ont accueilli les arrivants et les ont assistés. Dans le même temps, des milliers de jeunes restés en Russie ont évité de se présenter aux postes de recrutement. Certains sont partis dans les forêts ; dans certains endroits, ils ont mis le feu aux bureaux de recrutement militaire et aux bâtiments administratifs.

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Bien que les personnes actives sur les réseaux de médias sociaux évoquent un plan secret visant à enrôler un million, voire 1,2 million d’hommes, il n’y a aucun moyen de le faire dans les mois à venir. On s’attend à ce qu’au lieu des 300’000 officiellement annoncés, le gouvernement soit en mesure de mobiliser environ 140’000 à 150’000 personnes. Mais même cela est peu probable, étant donné l’état actuel des infrastructures, de l’organisation de l’état et de l’industrie. Ayant déjà enregistré plus de 100’000 nouveaux conscrits, les militaires et les fonctionnaires ne peuvent ni leur fournir convenablement tout le matériel nécessaire, ni les organiser en unités prêtes au combat, ni les équiper d’armes modernes, ni même les transporter sur le théâtre des opérations de combat. On tente de répartir environ 50’000 soldats entre les unités opérationnelles. La question est de savoir dans quelle mesure le front sera renforcé par un tel renfort. L’effet peut être infirmé surtout si les nouveaux arrivants apportent aux soldats des informations sur l’ambiance à l’arrière. N’ayant ni formation ni expérience du combat, ceux qui sont mobilisés pour l’armée de combat deviennent une charge additionnelle.

Les mobilisés devront être cantonnés quelque part à l’arrière, dispersés dans des camps d’entraînement et des casernes à travers un pays immense. Ils resteront inactifs ou suivront une formation inutile et mal organisée, car il n’y a pas assez d’équipement, d’instructeurs compétents ou de commandants. Les officiers enrôlés sont incompétents, et encore plus pessimistes que la base.

Bien que les autorités régionales tentent de manière désespérée de maintenir l’ordre, elles ne semblent pas y parvenir. Il est déjà clair que des dysfonctionnements se produisent tout au long de la chaîne de commandement. Livrées à elles-mêmes, des unités (plus exactement des groupes d’enrôlés) mal équipées et démotivées deviennent une source de tracas pour les autorités militaires et civiles. Maintenir le contrôle et la discipline demande des efforts considérables. De tous les coins du pays, on rapporte des cas d’ivresse, de bagarres et de désobéissance. Souvent, il n’y a tout simplement aucun endroit où loger physiquement les conscrits. Les autorités utilisent des stades, des maisons de repos et des centres sportifs. Parfois, elles placent simplement les gens sur un terrain vague.

Au début du mois d’octobre, environ 16’000 conscrits se trouvaient déjà sur les lignes de front, sans formation adéquate et souvent sans les armes requises. De nombreuses recrues ont acheté des uniformes à leurs propres frais. De nouveaux venus ont été incorporés aux unités de combat, mais cela ne les a pas renforcées. Au contraire, les pertes ont fortement augmenté et de nombreuses funérailles ont commencé à être réalisées dans les villes russes. Les réseaux sociaux ont rapporté de nombreux cas de capitulation, d’évasion, de désertion, de refus d’obéir aux ordres, et même de défection à l’ennemi. Ce dernier cas n’est pas surprenant : pour punir les activités d’opposition et les manifestations contre la guerre, les citoyens peu coopératifs ont été envoyés au front.

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Dans les régions nationales autonomes, la résistance prend des formes plus vives. Des actions de protestation sont organisées au Daghestan, en Iakoutie [avec sa population turcophone sibérienne], en Touva [en Sibérie orientale]. Elles couvrent progressivement de plus en plus de régions. Il est significatif que ce soit le Daghestan – d’où sont partis de nombreux soldats, engagés sous contrat, pour « l’opération spéciale » – qui s’avère être l’épicentre de la protestation [voir à ce propos l’article publié sur ce site en date du 10 octobre]. Un constat s’impose : la « popularité » du service militaire dans cette région s’explique non pas par la loyauté, la ferveur, mais par la pauvreté de la population. Et maintenant, la protestation sociale et nationale s’est réunie.

Il est souvent écrit que la mobilisation se transforme en une tuerie (« génocide ») des populations minoritaires. Bien sûr, c’est une exagération. En fait, les officiels ne s’intéressent pas au sort des Yakoutes, des Bouriates, des Touvans ou des Avars. Selon les informations qui circulent sur Internet, les autorités, craignant le mécontentement dans les grandes villes, orientent le gros de leurs efforts de mobilisation dans les zones rurales et dans les petites agglomérations urbaines. Or, c’est précisément là que se concentre une partie importante des membres des minorités, qui doivent supporter les difficultés d’une mobilisation d’une ampleur disproportionnée par rapport à leur importance quantitative.

Les troubles au Daghestan ont montré la conséquence de tels agissements. Certes, le nombre de manifestants à Makhachkala [capitale de la République du Daghestan] n’était pas particulièrement important (en chiffres absolus, les manifestations de Moscou et de Saint-Pétersbourg ont attiré des foules bien plus importantes). Mais il est significatif que les femmes du Daghestan, qui constituaient la majorité de la manifestation (qui, soit dit en passant, comprenait des Russes), se soient révélées extrêmement déterminées et même agressives. En revanche, la police locale n’était pas très enthousiaste à l’idée d’affronter des concitoyennes. Peu après les manifestations au Daghestan, les autorités régionales de Moscou et de Saint-Pétersbourg, craignant que des événements similaires ne se produisent dans les capitales, y ont mis fin aux actions pour la « mobilisation partielle ».

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La mobilisation a finalement enterré le « contrat social Poutine », qui postulait la passivité politique du peuple en contrepartie de la volonté des autorités de nous laisser vivre notre vie en paix. Mais aujourd’hui, une autre question se pose : comment va survivre une société dans laquelle les liens sociaux ont été sapés pendant des décennies, où il n’y a pas de culture et d’expérience de la solidarité ? Comment vont agir les gens, soudainement éveillés à la politique et à l’activité civique ?

Le Daghestan nous montre l’une des options possibles pour que cela se produise. Il est probable que se présenteront d’autres variantes. Dans tous les cas, la société ne sera plus la même qu’avant le 21 septembre. Les cercles dirigeants, avec leurs décisions irresponsables, ont néanmoins provoqué un tournant. Le pays s’est enfin réveillé [1].

L’avenir proche nous dira si les autorités seront en mesure de faire face à la situation. Jusqu’à présent, les autorités russes ont fait preuve d’une étonnante capacité à s’extraire des trous les plus profonds qu’elles ont elles-mêmes creusés. Il est vrai qu’à chaque fois, après être sorties de la précédente crise provoquée par leurs propres décisions, elles étaient convaincues de leur invulnérabilité. Et elles ont immédiatement commencé à creuser un nouveau trou. Tôt ou tard, ils risquent de le creuser jusqu’à une profondeur qui leur sera funeste.

Le fait que, stratégiquement, la guerre est perdue, est déjà parfaitement clair pour les militaires, pour l’état-major, pour une partie importante des fonctionnaires et maintenant pour une bonne partie des citoyens et citoyennes. Une autre partie de la population connaît une sorte de ballottement émotionnel, oscillant entre l’enthousiasme patriotique et les accès de dépression. Le dynamitage du pont de Crimée, le 8 octobre, a été le point culminant des mauvaises nouvelles qui ont frappé le gouvernement et le public russes. Le Kremlin ne pouvait pas laisser cela sans réponse. Pendant plusieurs jours, des bombardements massifs d’infrastructures sur le territoire ukrainien ont été effectués [et continuent de l’être]. Bien sûr, cela a réjoui la fraction patriotique de l’opinion publique, mais pas pour longtemps. L’effet des bombardements a été minime d’un point de vue militaire. En deux jours, une centaine de missiles ont été tirés, dont environ la moitié ont été abattus. Or, le nombre de structures qui doivent être détruites pour vraiment paralyser la capacité de l’Ukraine à conduire la guerre se compte par dizaines de milliers. Quelques jours plus tard, lors d’un sommet à Astana [le 13 octobre], Poutine a reconnu que la poursuite de ces raids était inappropriée : s’ils n’avaient pas été interrompus, la Russie aurait utilisé la totalité de son stock de missiles de haute technologie en une à deux semaines. [Elle a fait appel, par la suite, à des drones de conception iranienne, ou livrés par l’Iran.]

La plupart des infrastructures qui ont été la cible des bombardements ont été construites à l’époque soviétique. En URSS, ces structures étaient construites en tenant compte a priori de la possibilité qu’elles soient bombardées, peut-être même avec des charges nucléaires. Leur conception incluait de multiples niveaux de sécurité. Le taux de survie de ces structures est tout simplement fantastique, comme le montre la situation du pont Antonovsky sur le Dniepr. Les forces ukrainiennes n’ont pu que l’endommager, mais pas le détruire, même si elles ont tiré sur lui environ deux cents « obus ». En l’espace de deux ou trois jours, toutes les centrales électriques endommagées ont repris leur activité et les dégâts ont été réparés. Et les nouvelles en provenance des lignes de front, une fois de plus, étaient décevantes.

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Dans une telle situation, de plus en plus de personnes (non seulement les opposants et les militants anti-guerre, mais aussi les cadres liés au Kremlin) commencent à penser non pas au déroulement de la guerre, mais à ce qui se passera après la guerre. L’histoire russe nous rappelle que chaque défaite militaire majeure a conduit à un déclenchement de réformes importantes ou à une révolution. Il est clair que la guerre ukrainienne, surnommée « opération militaire spéciale », ne fera pas exception.

Bien sûr, Poutine ne peut ni cesser la guerre ni admettre la défaite. Les deux scénarios pourraient bien signifier l’effondrement de son régime. Cela explique, en partie, pourquoi les diplomates et les politiciens russes proches du Kremlin ont commencé à appeler à des négociations. Ni le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ni la présidente du Conseil de la Fédération, Valentina Matveenko, n’ont posé de conditions claires pour un éventuel arrangement, mais il est plus que clair que le retrait des troupes russes des territoires occupés est inacceptable pour le régime de Poutine et que laisser ces régions sous occupation est inacceptable pour la partie ukrainienne. [Mercredi 19 octobre, Vladimir Poutine a ordonné l’instauration de la loi martiale dans les quatre territoires ukrainiens de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijia, en partie occupés par Moscou et officiellement annexés par la Fédération de Russie en septembre – Réd.]

Ne voyant aucun moyen de négocier avec Kiev des conditions acceptables pour Poutine, les diplomates du Kremlin espèrent négocier avec l’Occident en passant par-dessus la tête des Ukrainiens. Mais quel que soit le cynisme des politiciens des Etats-Unis et de l’UE, il ne faut pas espérer le succès de telles démarches. Poutine est devenu trop nocif. Pour les Ukrainiens, le préalable pour des négociations réside dans son éviction du pouvoir. Une grande partie de l’élite russe serait tout à fait satisfaite d’une telle issue, mais cela semble peu probable étant donné que Poutine lui-même n’acceptera jamais une telle éventualité.

On ne sait pas encore comment le « problème Poutine » sera résolu, mais certains signes indiquent que la lutte pour la succession est déjà en cours au Kremlin et dans ses alentours. Comme l’a révélé une enquête (lancée par le bureau du procureur le 14 octobre à l’initiative de l’Etat-major), les correspondants de guerre et d’autres personnes fidèles à Poutine et soutenant sa guerre avaient tendance à rendre les généraux de l’armée responsables des défaites et appelaient à une extermination du peuple ukrainien comme solution au problème. Les militaires n’ont jamais été satisfaits de ces critiques et propositions, mais jusqu’à récemment, ils sont restés silencieux. Aujourd’hui, la situation change et ils commencent à riposter.

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Les cercles dirigeants de l’Occident et de la Russie seraient très probablement en mesure de trouver un compromis pour assurer la préservation de l’ancien système, mais sans Poutine (les noms des éventuels candidats à la présidence sont déjà discutés ouvertement par les politologues et les fonctionnaires russes). Mais il est peu probable que les cercles dirigeants parviennent à garder la situation sous contrôle, en évitant des changements plus profonds.

Paradoxalement, les patriotes désabusés et les opposants (tant libéraux que de gauche) sont presque unanimes à déclarer que le système est complètement détraqué. La propagande du Kremlin continue d’effrayer les gens avec le fait qu’en cas de défaite dans la guerre et un changement de régime, la Russie serait menacée de désintégration et de chaos. Mais même si ces histoires semblent convaincantes pour la masse de la population, la plus haute hiérarchie bureaucratique elle-même est bien consciente que la vraie menace n’est pas celle-là. Une économie construite sur l’extraction et le transport de matières premières à l’étranger présuppose la préservation d’un espace politique et économique unifié. Personne ne viendra couper le pipeline en plusieurs morceaux.

Le véritable problème auquel les dirigeants de la Russie post-Poutine – quels que soient leurs sympathies et leurs sentiments – devront faire face est qu’ils devront lancer des réformes susceptibles de saper leur propre pouvoir. D’une part, pour rassurer l’Occident, il faudra prendre au moins quelques mesures de démocratisation politique, même si elles ne sont que cosmétiques. D’autre part, les classes laborieuses exigeront des changements sociaux, une plus grande égalité, l’annulation de la réforme impopulaire des retraites et la redistribution des richesses.

La crise liée à la guerre et les conditions préexistantes à cette dernière démontrent clairement que le modèle de capitalisme oligarchique qui s’est instauré en Russie au cours des 30 dernières années touche à sa fin. Comme l’a déclaré un de mes amis, nous, les Russes, avons une vieille tradition : « Chaque fois que nous perdons une guerre, nous déclenchons une révolution. » (Article publié le 21 octobre par The Nation ; traduction rédaction A l’Encontre)

Boris Kagarlitsky, « dissident », a été prisonnier politique en URSS sous Brejnev, puis député au conseil municipal de Moscou (arrêté à nouveau en 1993 sous Eltsine). Depuis 2007, il dirige l’Institut d’études sur la mondialisation et les mouvements sociaux à Moscou, un groupe de réflexion de gauche russe. Il est le rédacteur en chef du magazine en ligne Rabkor. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont les deux derniers parus en anglais sont Empire of the Periphery. Russia and the World System (Pluto Press, 2007) et From Empires to Imperialism (Routledge, 2014).


[1] Dans Le Monde, daté du 23-24 octobre (page 23), le sociologue Lev Goudkov, directeur du centre Levada, dernier institut de sondage indépendant en Russie, affirme, entre autres : « Mais, selon moi, il [le soutien à « l’opération spéciale »] serait plus juste de parler d’une absence de résistance – ou d’une absence d’opposition – que d’un soutien ou d’une bénédiction […] Or, nous constatons que l’« opération spéciale suscite des sentiments contrastés. Il y a certes de la fierté, de la satisfaction, mais aussi, au même niveau et souvent chez les mêmes personnes, des émotions négatives : choc, confusion, dépression, désespoir, honte… Cela dénote une insatisfaction importante, voire de la mauvaise conscience, et aussi une conscience très claire que la guerre éclair de Vladimir Poutine a échoué. […] Jusqu’au bout, le ministère de la défense a caché la situation en se contentant de communiqués lénifiants. Quand la mobilisation a été annoncée, la réalité est apparue. L’échec est devenu évident, et nous voyons déjà se profiler une nouvelle hausse des sentiments négatifs : peur, confusion… Le pourcentage de personnes disant ressentir de la fierté au sujet de l’« opération spéciale » est passé de 51% à 20%. Et ce n’est que le début. Les mythes dans lesquels beaucoup de Russes ont placé leur fierté – l’Etat fort, l’armée puissante – sont écornés. Si l’on poursuit le parallèle avec la période soviétique, il y avait, à l’époque, d’autres motifs de fierté – de la production culturelle jusqu’à la conquête de l’espace. Aujourd’hui, non. Cela va probablement faire grimper le ressentiment et la violence dans la société. Ce sont aussi les fondements du pouvoir poutinien qui sont atteints. La popularité du président s’est bâtie non seulement sur la promesse de stabilité, mais aussi sur l’idée de force, sur des guerres victorieuses, à commencer par la Tchétchénie, et sur la protection du peuple face aux menaces extérieures. Sa légitimité et sa crédibilité sont atteintes. » (Réd. A l’Encontre)

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