Trois ateliers successifs ont été organisés durant cette première journée. Le premier a porté sur les leçons des révolutions du Maghreb-Machrek avec une intervention de Mimoun Rahmani d’ATTAC/CADTM Maroc qui s’est arrêté sur les principales leçons à retenir des soulèvements populaires que connaît la région arabe, tout en précisant qu’ils sont le résultat d’un changement profond de système des valeurs. Fathi Chamkhi, porte-parole de RAID/ATTAC/CADTM Tunisie a focalisé, quant à lui, son intervention sur les spécificités de la révolution tunisienne.
Un deuxième atelier a porté sur les révoltes populaires en Afrique du Nord et subsaharienne avec un accent particulier sur la crise malienne, dans le cadre des interventions de Sekou Diarra de la CAD Mali et d’Issa Aboubacar du RNDD Niger (tous deux membres du réseau CADTM). Adama Soumare du CADTM Sénégal a, quant à lui, insisté sur les répercussions des révolutions arabes sur l’Afrique subsaharienne avec notamment le soulèvement populaire qu’a connu le Sénégal, conduit par les jeunes universitaires et les musiciens rappeurs regroupés dans le mouvement « Y en a marre ».
Le troisième atelier a permis de mettre en évidence les rôles des femmes dans le processus révolutionnaire en Tunisie et les impacts de la dette sur leur vie. L’intervention d’une membre de l’Association tunisienne des femmes démocrates (UTFD) a bien démontré que les Tunisiennes ont de tout temps été actives dans les luttes sociales (grèves et occupations d’usines par les ouvrières du textiles en 2005, actions des femmes du bassin minier qui ont empêché tout arrivage ferroviaire durant 3 mois dans la région) et politiques (opposition structurée du mouvement féministe à la dictature de Ben Ali leur ayant valu une répression violente). En première ligne lors des mobilisations populaires, les femmes ont initié de nouvelles formes de luttes telles que les sit-in à la Kasbah (place publique face au gouvernement de Tunis), des blocages, des convois routiers permettant aux femmes rurales de participer aux manifestations…
L’arrivée au pouvoir du parti islamiste Ennahda fut vécue comme un véritable coup de massue. Disposant depuis 1956 du Code du statut personnel le plus progressiste du monde arabe proclamant le principe de l’égalité de l’homme et de la femme sur le plan de la citoyenneté, interdisant la polygamie et la répudiation et autorisant le divorce et l’avortement, les femmes tunisiennes craignent désormais fortement pour leurs droits et libertés. L’un des défis majeurs de l’UFDT est de parvenir à inscrire dans la nouvelle Constitution le principe de l’égalité des sexes et l’interdiction de toute forme de discrimination à l’égard des femmes. L’UFDT entend bien continuer à se battre pour le respect effectif des droits sociaux, économiques, culturels et reproductifs des femmes.
Il a aussi été question de l’Égypte avec l’intervention de Noha El Shoky, co-fondatrice de la Campagne populaire contre la dette de l’Egypte (partenaire du CADTM). Sous la dictature de Moubarak, le mouvement féministe était contrôlé et dirigé par le pouvoir. On pouvait parler sans ambiguïté d’un féminisme d’Etat. L’implication des Egyptiennes au processus révolutionnaire n’a nullement débouché sur la concrétisation d’une quelconque égalité des sexes. Que du contraire ! Frères musulmans et salafistes travaillent conjointement à imprégner la société d’idées rétrogrades et agressives pour les femmes. Si on ne peut prouver qu’ils les provoquent directement, aucun de ces deux mouvements ne condamnent les violences, harcèlements sexuels et intimidations de tout ordre qu’ont à subir les militantes pour leurs actions publiques et politiques. Afin de faire face à ces attaques, les féministes tout comme l’ensemble du mouvement social égyptien doivent, selon Noha, travailler à devenir plus homogène et renforcer leurs convergences avec les mouvements progressistes des pays limitrophes (Tunisie, Libye, Maroc, etc.).
La place des femmes des autres pays africains en proie à des soulèvements populaires et militaires (au Mali, au Sénégal et au Maroc) a également été développée. Les intervenant-e-s ont notamment rappelé que les femmes des militaires insurgés contre la menace sécessionniste au Nord du Mali se sont organisées au sein d’un mouvement populaire ’Trop c’est trop’ pour dénoncer l’embargo illégitime imposé par la CEDEAO au Mali en réaction au coup d’état militaire et l’ingérence des puissances impérialistes occidentales comme la France coloniale qui soutient les Touaregs du Nord.
La journée s’est achevée sur une présentation par Samir Abi (ATTAC-CADTM Togo) des outils pédagogiques pour rendre accessible à toutes et à tous la question de la dette.
Les deux prochains jours du séminaire seront organisés en collaboration avec le collectif ACET (Auditons les Créances européennes envers la Tunisie) et porteront sur les thèmes suivants : les liens entre la dette, la souveraineté populaire, les droits des femmes, les ressources naturelles et les politiques de libre-échange. Les conférencier-e-s présenteront aussi l’audit de la dette et les campagnes en cours en Afrique. Enfin ils questionneront le rôle de la Banque centrale et la souveraineté monétaire en Tunisie. Un grand meeting populaire clôturera ce séminaire mercredi à 19h00 à la Bourse du Travail.