Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Ressources naturelles - À qui appartient le sous-sol de la paroisse ?

J’ai été interloqué par une lettre parue dans Le Devoir du 1er août dernier intitulée « Non à la gestion paroissiale de nos ressources naturelles » et signée par M. Michel A. Rathier à propos du projet de loi 14 proposant des modifications à la Loi sur les mines. À mon avis, l’intervention de M. Rathier était empreinte de demi-vérités et d’occultations sur la nature véritable de certaines réformes proposées par cette nouvelle tentative de réforme de la pièce maîtresse du droit minier québécois.

Au début de sa lettre, l’auteur affirme : « Peu importe qu’une PME ait investi des millions de dollars dans la recherche et l’exploration de sources minérales, ces droits sont retirés sans autre avis, discussion ou moyen d’arbitrer un geste inacceptable dans notre société démocratique. » Or, la réforme proposée n’est certainement pas aussi draconienne que l’affirme M. Rathier.

En effet, le second paragraphe de l’article 91 du projet de loi 14 dit plutôt que « les titulaires de claims situés à l’intérieur d’un territoire ainsi soustrait doivent, pour exécuter des travaux, obtenir le consentement de la municipalité locale concernée. Les conséquences qu’entraîne l’impossibilité d’exécuter les travaux en raison du défaut d’obtenir une telle autorisation ne donnent lieu à aucune indemnité de la part de l’État. »

Ainsi, si, au moment où le projet de loi est sanctionné, des claims existants sont situés dans un périmètre d’urbanisation, il y aura des négociations avec la municipalité locale. M. Rathier en est d’ailleurs conscient, puisqu’il affirme à la fin de sa lettre : « Le projet de loi 14 assujettit rétroactivement la jouissance de ces droits d’exploration acquis par des centaines de PME à une nouvelle autorisation, qui doit être obtenue d’une municipalité locale, à défaut de quoi des millions de dollars investis en travaux passés et présents seront tout simplement anéantis. »

Nous sommes donc loin d’une expropriation sauvage des droits miniers détenus par l’industrie. D’autant plus que la réforme proposée par le projet de loi comporte un mécanisme permettant de contourner l’interdiction des opérations minières dans les périmètres d’urbanisation. En effet, à la demande d’une municipalité régionale de comté, le ministre des Ressources naturelles peut « mettre fin à une telle soustraction pour tout ou partie du territoire ».

La réforme proposée obligerait donc l’industrie minière à s’adresser aux acteurs locaux, ce qui n’a rien de choquant, sauf peut-être pour ceux qui n’ont jamais eu à le faire.

Une bien mince brèche

M. Rathier prétend aussi que cette réforme aurait de fâcheux effets sur les investissements à venir pour le déjà mythique Plan Nord. Or, le projet de loi 14 ne propose de soustraire aux opérations minières que les « périmètres d’urbanisation » et « tout territoire affecté à la villégiature ». La principale caractéristique du Grand Nord québécois n’est-elle pas justement d’être en grande partie inhabité ? Il y a bien sûr les peuples autochtones, mais ceux-ci doivent être consultés. À lire M. Rathier, on peut imaginer le peu de considération qu’il a pour ces obligations, pourtant tout à fait légales et légitimes.

Plus au sud, le territoire réel sur lequel le consentement des municipalités serait requis pour des travaux miniers est, lui aussi, limité puisque les territoires agricoles ne sont pas des « périmètres d’urbanisation ». Ce constat est particulièrement vrai pour l’industrie des gaz de schiste, puisque la technique de forage horizontal, qui permet de forer dans un rayon de plusieurs centaines de mètres à partir d’un seul site, permettrait sans doute de contourner cette interdiction.

L’industrie minière, que M. Rathier représente indirectement, semble particulièrement irritée par certains éléments du projet de loi 14. En effet, à l’approche des consultations particulières sur celui-ci, l’industrie est en campagne de relations publiques. Là n’est pas le problème.

Cependant, dans le contexte législatif actuel, où l’industrie jouit d’importants privilèges souvent dérogatoires au droit commun et maintenus par le projet de loi 14 (droit d’expropriation, exceptions à l’application de la Loi sur l’accès à l’information, seuil d’assujettissement au régime d’évaluation environnementale et de participation publique très élevé, etc.), cette mince brèche dans une des prérogatives des compagnies minières n’a, à mon avis, rien de révoltant, bien au contraire !

Pourquoi les paroissiens n’auraient-ils pas, eux aussi, leur mot à dire dans la gestion de leur sous-sol ?

Alexandre Desjardins est étudiant à la maîtrise en droit de l’environnement, Université Laval. Cette lettre a d’abord été publiée dans Le Devoir du 8 août 2011.

Alexandre Desjardins

Étudiant à la maîtrise en droit de l’environnement, Université Laval

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