Les deux préconisent des solutions qui violent le principe, universellement reconnu en Occident, de l’égalité du vote des électeurs où qu’ils habitent sur un territoire donné.
Dans les deux cas, ils veulent que la loi électorale applique dorénavant une politique de deux poids deux mesures pour avantager les circonscriptions rurales par rapport aux circonscriptions urbaines en établissant un barème différent pour fixer le nombre d’électeurs. Les premières compteraient ainsi un nombre d’électeurs systématiquement moins élevé que les deuxièmes afin d’éviter la disparition des moins populeuses en région.
On sait que certaines circonscriptions rurales comptent présentement jusqu’à deux fois moins d’électeurs que les plus populeuses surtout situées en banlieue de Montréal. De plus, une trentaine des 125 existantes ne respectent pas la règle édictée par la loi électorale interdisant que le nombres d’électeurs d’une circonscription dépasse de plus ou moins 25% la moyenne québécoise afin d’établir une égalité relative entre elles. Les libéraux et les péquistes veulent maintenant supprimer cette règle introduite par le gouvernement Lévesque lors de sa réforme électorale de 1979. Cette norme constitue un minimum dans les autres pays où celle de 15% prévaut souvent.
Au Canada, le principe de l’égalité du vote, illustré pare l’axiome « un citoyen un vote », trouve son application à la lumière du concept de la « représentation effective » de tous les électeurs tel que défini par un arrêt de la Cour suprême en 1991. Le PQ veut maintenant accorder la prépondérance aux concepts flous et subjectifs de la « représentation effective des régions » et de « l’occupation dynamique du territoire ».
Quant au gouvernement, il veut balayer le problème sous le tapis en créant trois nouvelles circonscriptions en banlieue de Montréal sans en faire disparaître pour autant en Gaspésie et dans le Bas-St-Laurent portant ainsi le nombre de sièges à l’Assemblée nationale de 125 à 128. Le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Pierre Moreau, a déclaré qu’on n’avait pas « à opposer Matane à Montréal pour respecter les droits des gens ». Quel beau sophisme !
Porte-parole du PQ, son leader parlementaire Stéphane Bédard, a invoqué pour sa part « l’intérêt national » pour appuyer sa proposition. Mais son raisonnement tarabiscoté laisse plutôt transpirer l’opportunisme électoral. Les péquistes devraient pourtant suivre l’exemple de leur fondateur, René Lévesque qui, en 1984, a tenté de présenter un projet de loi instaurant un scrutin proportionnel régional après avoir mené une campagne énergique qui a duré plus d’une décennie. Cette réforme, en plus de renforcir les régions, aurait corrigé l’injustice qu’inflige le mode de scrutin majoritaire actuel à des tiers partis comme Québec solidaire, l’ADQ er le Parti vert dont les appuis électoraux profitent plutôt aux deux partis dominants (PLQ et PQ) qui augmentent ainsi indûment leur représentation parlementaire. Mais on souvient que le caucus des députés péquistes, imposant une rebuffade majeure au premier ministre, avait alors malheureusement rejeté ce projet de loi.
De plus, le PQ devrait enfin adopter la politique de décentralisation régionale préconisée dès 1977 par le premier ministre Lévesque qui désirait que les centres de décisions se rapprochent de la population. Une telle politique permettrait la dévolution de pouvoirs appartenant jusqu’ici au gouvernement québécois à des gouvernements régionaux autonomes dont les dirigeants seraient élus et qui se verraient dotés des ressources nécessaires pour exercer leurs responsabilités.
Ces deux mesures structurantes, essentielles pour assurer l’avenir des régions, mettraient fin à la politique de l’autruche pratiquée par les deux vieux partis et à l’hypocrisie officielle en vertu de laquelle le sort des régions dépendrait de la présence de quelques députés de plus à l’Assemblée nationale.
Quant aux péquistes, l’orientation qu’ils prennent dans le domaine des institutions démocratiques laisse présager que, rendus au pouvoir, ils contribueront, comme le gouvernement actuel, à ramener le Québec à l’ère duplessiste.
Paul Cliche,
Montréal
16 mars 2011