Texte publié dans la revue Sin Permiso
Traduction de l’espagnol au français de Chloé De Bellefeuille Vigneau
Un refrain qui va de la droite à certains secteurs de l’extrême gauche alimente les conflits entre le Brésil et le Vénézuela. Les deux représenteraient des stratégies contradictoires, incompatibles. Plus grands sont les conflits, mieux ce serait. Pour quelques-uns, cela freinerait le leadership de Hugo Chávez dans le continent ; pour d’autres, cela révélerait le caractère de droite du gouvernement de Lula.
Dans la réunion de Manaos (20 septembre), les accords qui avaient été mis de côté ont été repris : ceux reliés à la raffinerie Abreu Lima à Pernambuco et ceux reliés à l’exploration du champ pétrolifère de Carabobo dans la région vénézuélienne de l’Orinaco par Petrobrás et PDVSA, avec 60% et 40% des capitaux pour l’une et l’autre dans chaque projet. Ils se sont aussi engagés à accélérer la construction du gazoduc continental, déjà commencée, qui arrivera à Belém et Recife et pour l’entrée du Vénézuela dans le Mercosur, démentant ainsi qu’il y aurait des résistances mutuelles insurmontables.
Qui gagne et qui perd avec l’entente entre le Brésil et le Vénézuela ? Comme l’affirme toujours Hugo Chávez, l’intérêt de diviser le bloc sud-américain est celui des États-Unis, de sa politique impériale de traités de libre échange, de militarisation des conflits, de diviser pour maintenir sa domination. Ce sont les États-Unis qui perdent.
Perdent également les secteurs industriels intrinsèquement liés au libre-échange, à l’exportation pour les marchés centraux, ceux qui s’opposent à la priorité de l’intégration régionale, ceux qui ont peur de l’unité du continent, ceux qui se subornent à la politique impériale des États-Unis. La droite, intéressée à liquider le Mercosur et les autres espaces d’intégration qui privilégient un Sud relativement autonome face aux États-Unis, perd.
Ceux qui veulent amplifier les différences entre Hugo Chávez et Lula qui amèneraient la division du bloc sud-américain et le renforcement de l’offensive en faveur des traités de libre-échange de la part de États-Unis, perdent. Avec eux, la politique nord-américaine gagnerait, les élites économiques du continent qui s’incommodent parce que les espaces d’intégration régionale affectent leurs intérêts gagneraient.
Il reste des thèmes à traiter entre les gouvernements du Brésil et du Vénézuela. Les politiques économiques différentes demeurent : rupture avec le modèle néolibéral au Vénézuela, et soutien du même modèle, mais avec des améliorations, au Brésil. Si les deux participent au Mercosur, le Vénézuela participe aussi à une forme supérieure d’intégration : l’ALBA.
De plus, les deux partagent – tout comme l’Uruguay, l’Argentine, la Bolivie, l’Équateur, Cuba, le Nicaragua et le Paraguay – l’intention de privilégier l’intégration régionale au détriment des accords de libre-échange avec les États-Unis.
Plus encore, les accords réaffirmés dans la dernière rencontre entre Lula et Hugo Chávez étendent l’intégration régionale au champ énergétique. Cet accord et la bonne entente entre les gouvernements du Vénézuela et du Brésil doivent être salués par tous ceux qui comprennent que l’intégration régionale est un espace d’autonomie face à l’hégémonie des États-Unis et aux projets de libre-échange ; par ceux qui désirent la construction d’un monde multipolaire, intégré et solidaire.
Emir Sader est membre du comité de rédaction de Sin permiso.
Traduction du portugais (Brésil) à l’espagnol pour www.sinpermiso.info: Carlos Abel Suárez