Édition du 17 décembre 2024

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Psychologie du troll

Dans les médias sociaux, surtout Twitter et Facebook, le troll est une peste. C’est un personnage qui s’immisce dans une discussion pour susciter une fausse polémique, pour créer de faux débats et faire enrager ses interlocuteurs. Parfois même, il est à l’origine d’une fausse discussion en y allant d’une déclaration fracassante, totalement injustifiée. Il s’ensuit souvent un dialogue inutile de la part de leurs victimes pour essayer de le convaincre qu’il a tort.

Ce qui est particulièrement ennuyeux, c’est qu’il s’invite sur la page de la victime choisie, qu’il s’ingère dans un débat jusqu’alors argumenté (rationnel ou passionné, mais argumenté), fait semblant d’argumenter, mais tourne tout à l’enfantillage et à l’argutie.

Or, cette discussion est totalement inutile, car le troll est la plupart du temps au courant que ses affirmations sont fausses. Son seul but est de faire dérailler les débats ou de mettre ses interlocuteurs en furie. Il arrive tout de même qu’un troll soit inconscient de son rôle de troll : il est seulement entraîné par la griserie que procure à certains la sensation de mener les autres en bateau, de les faire tourner en bourrique.

À la fréquentation de mon plus récent troll, j’en ai profité pour faire la somme des connaissances que j’avais de leurs procédés. Cela m’a permis d’en dresser les principales caractéristiques psychologiques, que je propose ici.

Le troll ne veut pas discuter. Il veut faire sortir ses interlocuteurs de leurs gonds. Le but est de pouvoir ensuite poser en victime.

Le troll est de mauvaise foi, ment, tourne autour du pot, ne répond pas sur l’essentiel, tire sur tout ce qui bouge, et quand on se lasse, il accuse son adversaire de ne pas vouloir discuter.

Rien d’autre jamais ne pourra satisfaire le troll que la colère, l’impatience et les excès qu’elle entraîne chez ses interlocuteurs. Il s’en servira ensuite hors contexte pour essayer de disqualifier ces derniers.

Un troll fait des généralisations abusives et tente de convoquer en sa défense particulière des personnes qui ne sont absolument pas en cause dans les propos qu’il cite.

Il n’hésitera pas à se contredire d’une fois à l’autre, puisque rien ne compte pour lui que les écarts auxquels il espère vous mener. Un troll ira jusqu’à nier l’existence des trolls, soit parce qu’il est lui-même parfaitement ignorant, soit parce qu’il joue très consciemment son rôle de troll.

Le troll, qui est incapable de répondre aux arguments qu’on lui sert, reprend les faussetés déjà démenties et les affirme comme si elles étaient nouvelles. En ce sens, sa psychologie ne dépasse pas celle de l’enfant de deux ans.

Puisque le troll ment, s’accroche aux détails, n’a aucun intérêt pour la discussion véritable, il convient de ne pas s’adresser à lui. Lui répondre, c’est le nourrir. L’ignorer, c’est blesser son côté narcissique, ce qui est beaucoup plus efficace.

Je dois avouer qu’il faut croire beaucoup en la liberté d’expression pour laisser un troll se ridiculiser en long et en large sur sa page. C’est ennuyeux de voir ainsi polluer un fil de discussion.

Mais il reste que répondre à un troll, c’est se lancer à soi-même une injonction paradoxale qui consiste à vouloir convaincre quelqu’un qu’il a tort, alors que c’est le dernier de ses soucis et se demander à soi-même de tenir une argumentation raisonnée dans un contexte où la seule chose qui ne compte pas est la raison.

Analysez le troll, ne lui parlez pas.

Si vous tenez à ajouter un peu de gaieté dans le décor et à dépolluer l’environnement qu’il salit, intervenez en passant par-dessus sa tête :

— parler des trolls en général ;

— adressez-vous à tout autre qu’à lui et surtout pas sur les faussetés qu’il débite ni sur les faux arguments qu’il emploie ;

— citez des proverbes ;

— faites des déclarations issues de la sagesse des peuples, mais surtout ne le nourrissez pas.

Le troll s’alimente à la rage qu’il fait naître en vous. L’en priver, c’est l’affamer et le laisser dépérir.

Francis Lagacé

LAGACÉ Francis
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