Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

Projet de loi no 106 : des amendements mineurs, un projet de loi qui ouvre toujours toute grande la porte aux pétrolières et gazières

Le Front commun pour la transition énergétique publie son analyse et accorde une note plus que médiocre aux amendements que le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand a soumis hier à l’Assemblée nationale lors de la présentation du projet de loi no 106 « concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 » en vue de son adoption de principe.

Le Front commun constate que la mouture actuelle du projet de loi n’accélère pas suffisamment la transition énergétique et ouvre toute grande la porte à l’exploitation des hydrocarbures au Québec. Elle ne répond à aucune des quatre demandes du Front commun : mettre le chapitre IV sur les hydrocarbures temporairement de côté ; déclarer l’arrêt des travaux d’exploration ou d’exploitation des hydrocarbures en cours et un moratoire sur ce type d’activité ; donner un cadre contraignant aux objectifs poursuivis par la transition énergétique en créant une Loi sur la transition énergétique assortie de cibles globales et sectorielles ; respecter les obligations du Québec envers les Premières Nations dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi.

« Le ministre Arcand s’entête à refuser la scission du projet de loi dans le but de traiter séparément le développement de la filière des hydrocarbures et l’accélération de la transition énergétique, deux stratégies qui sont totalement incompatibles. La demande de scission fait pourtant consensus parmi les trois partis d’opposition et est endossée par l’Union des producteurs agricoles, les grands syndicats et la totalité des nombreux groupes sociaux, environnementaux et citoyens qui se sont prononcés sur ce projet de loi », s’est indigné Patrick Bonin de Greenpeace.

La demande d’interdire les procédés d’extraction non conventionnels, l’une des principales revendications du Front commun pour la transition énergétique, a reçu un encouragement hier quand le premier ministre Couillard a affirmé aux maires de la Fédération québécoise des municipalités réunis en congrès qu’il n’y aurait pas de fracturation hydraulique dans les Basses-terres du Saint-Laurent. Le Front commun considère toutefois qu’il reste énormément à faire avant d’avoir un texte de loi acceptable à cet égard. « La volonté du premier ministre doit s’exprimer clairement dans le texte du projet de loi, ce qui n’est vraiment pas le cas en ce moment. Le projet de loi doit interdire tous les procédés d’extraction qui mettent en péril l’eau potable des Québécois et cette interdiction doit s’appliquer à toutes les régions du Québec, et non seulement aux Basses-Terres du Saint-Laurent », a précisé Carole Dupuis, du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec. Le Front commun maintient également sa recommandation, exprimée dans son mémoire et essentielle au dialogue, d’interrompre les projets d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures déjà en cours sur le territoire québécois. « Y-a-t-il des zones sacrifiées ? », a demandé Maude Prud’homme du mouvement Tache d’huile en Gaspésie.

Par ailleurs, le texte amendé donne toujours préséance aux pétrolières et aux gazières sur les municipalités en matière de protection de l’eau potable, de gestion des puisements d’eau, de planification du schéma d’aménagement, de zonage et de lotissement. La minime concession qui leur est faite, soit la possibilité de soustraire certaines zones à l’industrie des hydrocarbures, ne permet pas de demander une exemption pour cause de non-acceptabilité sociale mais oblige plutôt les municipalités à prouver que l’industrie des hydrocarbures rendrait non viables les activités existantes. De plus, cette possibilité d’exemption a un impact négligeable a priori car elle « ne s’applique pas aux hydrocarbures dont l’exploration, la production ou le stockage est déjà autorisé par une licence ». Or, la plus grande partie du Québec habité – la vallée du Saint-Laurent, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine et l’île d’Anticosti – est déjà sous permis et serait donc inapte à profiter de cette possibilité d’exclusion.

Finalement, le chapitre consacré à la transition énergétique reste très timoré et peu engageant. « Le projet de loi ne comprend aucune cible contraignante de diminution de la consommation d’énergie, il n’est pas arrimé aux cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec et rien n’indique que le gouvernement entend renoncer au développement des filières pétrolière et gazière, puissantes émettrices de GES. C’est très inquiétant », a déploré Jacques Tétreault, président du Comité citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain.

« Ce projet de loi est tout simplement inacceptable pour la population du Québec, a conclu Ariane Cimon-Fortier de la Coalition Eau Secours !. Les citoyens se battront bec et ongles contre son chapitre IV sur les hydrocarbures, pour le déploiement d’une véritable transition énergétique et une protection adéquate de nos ressources en eau. »

Analyse préliminaire de al nouvelle mouture du projet de loi 106

Sous réserve d’une étude plus approfondie, le Front commun pour la transition énergétique présente ci-dessous son analyse préliminaire de la nouvelle mouture du projet de loi dévoilée hier, en fonction des critères présentés dans son communiqué précédent. Voici l’analyse des 11 points à surveiller qu’avait identifiés le Front Commun.

Exploitation des hydrocarbures : 6 questions, au moins 5 mauvaises réponses

Question 1 – Le projet de loi a-t-il été scindé ?

Réponse du gouvernement : non. Le projet de loi demeure contradictoire avec un volet visant à diminuer la dépendance du Québec aux hydrocarbures et un autre volet visant l’exploitation des hydrocarbures, même si ce développement est inconciliable avec les cibles québécoises de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Question 2 – Le projet de loi interdit-il les procédés d’extraction non conventionnels ?

Réponse du gouvernement : non. Le texte actuel ne laisse aucun doute à cet égard.

Question 3 – Le projet de loi redonne-t-il aux administrations municipales la préséance sur la protection de l’eau potable, la gestion des puisements d’eau et l’aménagement ?

Réponse du gouvernement : non, les pétrolières et gazìères conservent la préséance sur ces fonctions.

La nouvelle mouture permet aux municipalités de soustraire certaines zones aux activités d’exploration, de production et de stockage d’hydrocarbures. Il s’agit là d’une concession minime par rapport à leur demande d’abroger l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. De plus, la portée de cet amendement risque d’être très restreinte car il ne semble viser que les territoires qui ne sont pas déjà sous licence.

Question 4 – La transformation des permis en droits réels immobiliers, les droits d’accès prépondérants et les droits d’expropriation ont-ils disparu du projet de loi ? Donne-t-il un droit de refus aux propriétaires de terrains dont le sous-sol serait fracturé même si les forages se faisaient à partir d’un terrain voisin ?

Réponse du gouvernement : non à toutes ces questions, malgré une clarification quant au droit d’expropriation. La sécurité juridique et financière des citoyen.ne.s demeure gravement menacée.

Question 5 – Le projet de loi interdit-il les activités de recherche et de production d’hydrocarbures en terres agricoles ?

Réponse du gouvernement : non. Le développement des hydrocarbures conserve la préséance sur la préservation des terres agricoles.

Question 6 – Le projet de loi interdit-il les activités de recherche et de production d’hydrocarbures dans les secteurs marins comme la baie des Chaleurs, les lagunes des îles de la Madeleine, les baies de Gaspé et de La Malbaie ?

Réponse : cet élément sera analysé au cours des prochains jours.

Transition énergétique : 4 questions, 4 mauvaises réponses

Question 7 – Le projet de loi inclut-il des cibles contraignantes de réduction de la consommation d’énergie – globales, par filière (négawatts, pétrole, gaz, électricité, etc.) et par secteur (transport, bâtiment, agriculture, industries, etc.) ?

Réponse du gouvernement : non. La transition énergétique demeure un objectif flou, sans cibles contraignantes de réduction de la consommation d’énergie.

Question 8 – Ces cibles sont-elles cohérentes avec les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec à chaque décennie d’ici à 2050 ?

Réponse du gouvernement : non. La transition énergétique demeure un objectif flou, sans lien avec les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre adoptées par le Québec.

Question 9 – Le projet de loi dissocie-t-il le financement de la transition énergétique de toute hypothétique redevance sur l’extraction d’hydrocarbures ?

Réponse du gouvernement : non. On reste dans une logique contradictoire et intenable visant à financer la sortie d’une filière en soutenant le développement de la même filière.

Question 10 – Le projet de loi écarte-t-il le développement annoncé du réseau de distribution du gaz fossile et de l’industrie du gaz naturel liquéfié ?

Réponse du gouvernement : non. Le gouvernement continue à prétendre soutenir la transition énergétique tout en développant une industrie qui va dans le sens opposé.

Obligations envers les premières nations : aucun progrès noté

 Question 11 – Le gouvernement du Québec a-t-il pris les mesures nécessaires pour respecter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, signée par le Canada ?

Réponse du gouvernement : aucun indice ne nous permet de croire que le gouvernement a décidé de respecter ses obligations envers les communautés autochtones.

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