« Nos craintes sont exacerbées parce que les citoyens vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale voient déjà, trop souvent, leurs droits bafoués par les pratiques du système de santé. Nous estimons que la réforme proposée comportera des conséquences graves non seulement pour les droits et recours des usagers, mais aussi pour l’exercice de leurs droits et recours », d’expliquer Doris Provencher, directrice générale de l’AGIDD-SMQ.
De un, la réforme, dans sa forme actuelle, contreviendra à un droit important des personnes usagères, soit celui prévu à l’article 6 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux lequel donne le droit à l’usager de choisir l’établissement duquel il veut recevoir des services.
En effet, le libre-choix des usagers s’exercera uniquement à l’égard des CISSS, qui deviennent par définition « les établissements » et non vis-à-vis des nombreux centres de services (hôpitaux, CHSLD, CLSC, etc.). « Peut-on toujours parler de libre-choix si ce choix s’avère si mince », interroge l’AGIDD-SMQ dans son mémoire déposé à la Commission de la santé et des services sociaux ? Ainsi, les craintes sont grandes d’assister au retour en force de la sectorisation des soins psychiatriques au profit d’objectifs de rationalisation.
De deux, non seulement le projet de loi ne comporte aucun mécanisme axé sur les droits des usagers, mais il risque d’affaiblir le régime d’examen des plaintes en le concentrant au sein des nouveaux CISSS, par manque de ressources adéquates. Il y aura pour chaque CISSS et chaque établissement suprarégional un seul Commissaire aux plaintes et à la qualité des services. Ce dernier pourrait être assisté de commissaires adjoints.
Dans un contexte de rationalisation, les budgets seront-ils suffisants pour embaucher le nombre requis de commissaires adjoints ? Ceux-ci pourront-ils assurer une présence physique appropriée dans les centres de services (hôpital, CHSLD, CLSC, etc.), permettant ainsi à l’usager de déposer une plainte verbale ou écrite, par téléphone, par courrier ou en personne ?
De trois, avec l’adoption éventuelle du projet de loi, le nombre d’établissements publics sera réduit tout comme ceux des comités d’usagers. Comment les comités d’usagers pourront-ils poursuivre leur rôle de soutien aux personnes qui désirent formuler une plainte ? Comment les usagers et les comités qui les représentent pourront-ils faire entendre leur voix et se prononcer sur la qualité des services et le respect des droits et recours ? Pire encore, le nombre d’usagers au conseil d’administration des CISSS sera réduit de 50%, passant de deux à un, et il sera nommé par le ministre. « La voix des usagers s’en trouvera édulcorée », déplore Mme Provencher.
Le mémoire de l’AGIDD-SMQ se conclut par un plaidoyer pour que toute réforme dans le milieu de la santé et des services sociaux soit axée sur le respect des droits et recours des usagers, le tout afin de favoriser l’implantation d’une réelle culture de droits et de pratiques cohérentes en ce sens.