Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Des affiches d’Anta Babacar Ngom, seule femme en liste pour l’élection présidentielle sénégalaise, au siège de son parti, à Dakar le 10 mars 2024. Photo Zhora
Bensemra / Reuters.
“Présidentielle 2024 : le scrutin de toutes les premières !” s’exclame Sud Quotidien, alors que la campagne présidentielle au Sénégal s’est ouverte au pas de course le 9 mars, et s’achèvera le 22 à minuit, après toute une série de rebondissements politiques et juridiques.
Le média sénégalais énumère ainsi toutes ces “premières” qui sont intervenues dans la vie politique sénégalaise comme autant de coups de théâtre inattendus, même pour les observateurs les plus aguerris : “processus électoral en mille bris, calendrier républicain chahuté, risque de suppléance à la tête de l’État, temps de campagne écourté, président sortant hors jeu, bras de fer autour de la date du scrutin, pluralité de candidats dont un [est] en campagne depuis la prison”. “L’inédit prend ses quartiers dans le jeu électoral en perspective de l’accession à la magistrature suprême”, résume le titre.
Les candidats sont officiellement 19, selon la liste arrêtée par le Conseil constitutionnel. Dix-huit hommes et une seule femme, Anta Babacar Ngom. Mais de nombreuses incertitudes planent encore sur une élection qui aura lieu en plein ramadan et à laquelle participeront 18 millions de Sénégalais et Sénégalaises. Une élection qui déterminera, pour cinq ans, le destin d’un pays dont la nature démocratique a semblé vaciller plusieurs fois.
Quand aura lieu cette élection ?
La date du 24 mars semble enfin assurée, après de nombreux atermoiements. Tout a commencé le 2 février, lorsque le président, Macky Sall, a indiqué, dans un discours à la nation, avoir décidé le report sine die de l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février. Mais, comme le rapporte Sud Quotidien, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle la loi scellant ce report [le 15 février] et a demandé le respect du calendrier républicain. Après que de nombreuses dates ont été proposées, Macky Sall a fixé l’élection au 24 mars. “Finalement, le consensus a été de tenir la présidentielle à la date proposée par le chef de l’État”, indique Sud Quotidien.
Qui est Amadou Ba, le candidat de la majorité présidentielle ?
À 62 ans, l’ex-chef du gouvernement portera les couleurs de la majorité présidentielle, après que Macky Sall a renoncé à se présenter pour un troisième mandat jugé inconstitutionnel. Comme le rappelle Sud Quotidien, “c’est la première fois dans l’histoire du Sénégal indépendant qu’un président de la République sortant organise des élections auxquelles il ne participe pas comme candidat”.
Amadou Ba, qui était le Premier ministre de Macky Sall jusqu’à son remplacement, le 6 mars, par Sidiki Kaba, se consacre depuis à une campagne électorale qui semble déjà compliquée pour lui. La presse sénégalaise s’interroge en effet sur la réalité du soutien que reçoit le candidat Ba de la coalition présidentielle. Sud Quotidien estime ainsi qu’il demeure un candidat “contesté” même au sein de son camp, rappelant que les dissidents de la mouvance présidentielle Aly Ngouille Ndiaye, Mahammed Boun Abdallah Dione et Mame Boye Diao ont aussi présenté leur candidature. Un geste inédit qui souligne encore la dimension singulière de cette élection présidentielle. Quant à SenePlus, il note qu’Amadou Ba est “attaqué de partout”, s’étonnant des dissensions et du “malaise” qui traversent le camp présidentiel.
Amadou Ba se réclame du bilan de Macky Sall. Mais, comme l’analyse le journal algérien L’Expression, “tandis que le continent est livré à une compétition stratégique intense et que la Russie renforce ses positions chez les voisins sahéliens en butte au djihadisme, le président Sall a maintenu des relations fortes avec l’Occident. Mais les grands chantiers entrepris par ‘Macky’ n’ont pas profité à tous, et le bilan à défendre, c’est aussi celui de dernières années difficiles.”
Qui est Bassirou Diomaye Faye, le principal candidat de l’opposition ?
À 43 ans, ce candidat était le numéro deux du parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), la principale formation de l’opposition, qui a été dissoute en juillet 2023 dans la foulée de l’inculpation de son leader, Ousmane Sonko, pour appel à l’insurrection et complot. Situation inédite là aussi, puisque Bassirou Diomaye Faye a pris la place de Sonko en novembre, détaillait Sud Quotidien dans un autre article, après que ce dernier avait vu sa candidature invalidée à la suite de ses déboires judiciaires.
Mais, comme le rappelle L’Expression, “l’antisystème Bassirou Diomaye Faye entame la course derrière les barreaux”. Incarcéré depuis près d’un an pour outrage à magistrat à la suite d’une publication sur Facebook, indique SenePlus dans un autre article, il reste “perçu comme l’un des favoris du scrutin”, avec un “discours souverainiste et anti-élites” très populaire dans la jeunesse. Quoi qu’il en soit, à la faveur de la loi d’amnistie adoptée le 6 mars et qui concerne les faits liés aux manifestations politiques organisées entre février 2021 et février 2024, la presse sénégalaise pronostique la possible sortie de prison de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko.
Karim Wade peut-il être candidat ?
La candidature du fils de l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade est l’une des questions encore en suspens, Karim Wade semblant décidé à épuiser tous les recours disponibles contre la décision du Conseil constitutionnel de ne pas l’inclure dans la liste définitive des candidats. Selon Le Quotidien Sénégal, il a annoncé avoir déposé le 11 mars un recours devant la Cour suprême pour contester le décret convoquant le collège électoral le 24 mars. “Karim Wade et compagnie [d’autres candidats écartés] considèrent que leurs ‘droits sont bafoués’” car on les prive de “la possibilité de prendre part à l’élection présidentielle ‘pour excès de pouvoir’”, indique le média sénégalais.
Car, comme le rapportait alors Wakat Séra, la Cour constitutionnelle a réaffirmé le 7 mars la validité de la liste des 19 candidats établie avant le report de l’élection présidentielle. La décision passait donc outre à la préconisation, formulée à l’issue du dialogue national convoqué par Macky Sall, de valider la candidature de Karim Wade, candidature qui avait été rejetée en raison de la double nationalité du champion en exil du Parti démocratique sénégalais (PDS) – qui a renoncé à sa nationalité française, mais seulement après avoir déposé son dossier de candidature.
Quid d’Ousmane Sonko ?
L’autre grande incertitude porte sur la candidature ou non d’Ousmane Sonko, fondateur du Pastef, maire de Ziguinchor, dans le sud du pays, et principal opposant à Macky Sall. En effet, le site Dakaractu rapporte, le 13 mars, que l’État du Sénégal s’est désisté de son pourvoi contre la décision d’un tribunal de Dakar ayant ordonné, le 14 décembre, la réinscription de l’opposant sur les listes électorales, dont il avait été radié à la suite des procédures judiciaires le visant. “La condamnation d’Ousmane Sonko par contumace [pour corruption de la jeunesse] est donc définitivement anéantie. La condamnation pour diffamation étant couverte par la loi d’amnistie, le casier judiciaire de M. Sonko redevient vierge”, estime le site dakarois.
Reste désormais, nuance Senego, “à confirmer si cette révision judiciaire lui permettrait d’être réinscrit sur les listes électorales et d’être éligible, malgré sa condamnation pour diffamation. Selon son avocat, cette affaire pourrait être couverte par une loi d’amnistie, mais une confirmation officielle est nécessaire pour éclaircir cette possibilité.”
Courrier international
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