Aujourd’hui, 1,5 million de Nicaraguayens vivent à l’extérieur du pays, la plupart d’entre eux - environ 800 000 - ayant émigré aux États-Unis.
Le 27 décembre 2024, Confidencial
Traduit de l’espagnol par Ovide Bastien, auteur de Racines de la crise : Nicaragua 2018
Quelque 95 000 Nicaraguayens ont émigré en 2024 vers différents pays, la grande majorité - 58 000 - vers les États-Unis et dans le cadre du programme de migration régulière connu sous le nom de liberté conditionnelle humanitaire.
Six ans après le déclenchement de la crise sociopolitique en 2018, la migration est l’une des conséquences majeures de la répression , explique le spécialiste des migrations et chercheur au Dialogue interaméricain Manuel Orozco, qui ajoute que le nombre de personnes quittant le Nicaragua a triplé : près de sept ménages sur dix ont un membre de leur famille à l’extérieur du pays.
En 2017, il y avait 658 203 migrants nicaraguayens, dont 280 000 aux États-Unis. Aujourd’hui, ils sont 1 519 043, dont 839 620 aux États-Unis, selon les données du chercheur basées sur des sources officielles et ses propres calculs, ce qui impliquerait que quelque 850 000 Nicaraguayens ont émigré au cours des six dernières années.
Plus de 70 000 Nicaraguayens sont arrivés aux États-Unis en 2024
Les États-Unis sont la principale destination de l’immigration nicaraguayenne. En 2024, quelque 72 000 Nicaraguayens sont arrivés aux États-Unis, y compris ceux qui sont entrés grâce à la liberté conditionnelle humanitaire, selon les données du gouvernement américain.
Traditionnellement, le transport de l’eau tous les jours revenaient aux femmes. Photo prise par Ovide Bastien à Las Pozas, décembre 2001
La liberté conditionnelle humanitaire a été l’une des questions prédominantes de l’actualité cette année pour trois raisons : la suspension temporaire du programme pendant un mois en août ; la promesse de Donald Trump, alors candidat à la présidence, de l’éliminer s’il redevenait président ; et l’annonce par le gouvernement actuel qu’il ne renouvellerait pas le séjour de ceux qui sont arrivés dans le cadre du programme, qui est valable pour deux ans.
La liberté conditionnelle humanitaire ou le programme CHNV est un mécanisme de migration régulière pour les Cubains, les Haïtiens, les Nicaraguayens et les Vénézuéliens qui leur permet de demander à vivre et à travailler aux États-Unis pendant deux ans, à condition qu’ils aient un parrain pour les soutenir et que les autorités approuvent la demande.
Maintenant que Trump s’est assuré quatre années supplémentaires à la présidence des États-Unis, on s’attend à ce qu’il tienne sa promesse et que le programme CHNV soit définitivement annulé, de sorte qu’il ne sera plus une option pour ceux qui veulent migrer légalement. En outre, les personnes qui se trouvent déjà aux États-Unis en vertu de ce mécanisme devront, si elles souhaitent y rester régulièrement, demander un autre statut d’immigration avant l’expiration de leur statut actuel, comme l’ont prévenu les spécialistes de l’immigration.
La suppression de la liberté conditionnelle affecterait les pays les plus touchés politiquement par les dictatures et n’apporterait aucun soulagement à ces personnes. On ne sait pas quelles alternatives l’administration entrante prévoit pour ces quatre pays, en particulier en ce qui concerne les trois dictatures (Cuba, Venezuela et Nicaragua), souligne M. Orozco.
Trump va-t-il mettre à exécution ses menaces anti-immigration ?
Le mandat de Trump à partir du 20 janvier 2025 s’accompagne également de la menace d’expulsions massives de migrants - une autre de ses principales promesses de campagne -, y compris de Nicaraguayens.
Les migrants qui seraient les plus vulnérables à un plan agressif d’expulsion des étrangers des États-Unis seraient : ceux qui ont déjà un ordre d’expulsion en place ; ceux dont l’asile politique a été refusé et qui n’ont pas d’autre option à demander ; les migrants sous statut tels que TPS (Temporary Protected Status) et DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) - s’ils ne sont pas renouvelés - et ceux qui bénéficient d’une liberté conditionnelle pour raisons humanitaires.
Orozco ajoute un autre facteur à prendre en compte concernant le risque d’expulsion : les personnes les plus susceptibles d’être expulsées seraient celles qui sont arrivées au cours des cinq dernières années, car ce sont celles qui peuvent être plus facilement suivies par les autorités, puisqu’il existe une sorte d’information à leur sujet dans les bases de données du gouvernement. Ces personnes viennent principalement de Cuba, du Nicaragua, du Venezuela et d’Haïti , souligne-t-il.
Le chercheur affirme qu’il y a actuellement 80 000 Nicaraguayens sous le coup d’un arrêté d’expulsion et prévoit que 10 % d’entre eux, soit environ 8 000, pourraient être expulsés dans le cadre d’une première grande tentative de l’administration Trump de tenir sa promesse électorale au cours des premiers mois de l’année 2025.
Le Costa Rica a reçu plus de 21 000 demandes d’asile de la part de Nicaraguayens en 2024
Le Costa Rica est resté la deuxième destination des migrants nicaraguayens, bien que le nombre de demandes d’asile ait chuté de plus de 28 000 en 2023 à 21 710 entre janvier et novembre 2024, selon les données de la Direction générale des migrations et des étrangers (DGME) du Costa Rica.
Un changement significatif dans les conditions pour les migrants et ceux qui ont l’intention de migrer au Costa Rica est intervenu en juin 2024, lorsque les autorités ont rétabli un certain nombre de droits pour les demandeurs d’asile. Le délai d’arrivée pour déposer une demande d’asile a été supprimé et la possibilité de recevoir un permis de travail lors de la demande du statut de réfugié a été rétablie.
En septembre, octobre et novembre, les demandes d’asile des Nicaraguayens au Costa Rica ont augmenté de manière significative, ce qui pourrait indiquer le début d’une reprise de la migration vers le voisin du sud.
L’augmentation des envois de fonds du Costa Rica vers le Nicaragua coïncide avec l’augmentation des demandes, explique M. Orozco. Les demandes sont passées de 1 000 à 3 000, et le montant moyen des envois de fonds passe de 26 à 30 millions de dollars par mois , précise-t-il.
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