Édition du 12 novembre 2024

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Environnement

Pourquoi vendre notre électricité à perte ?

Les auteurs sont respectivement député de Québec solidaire, porte-parole de la Fondation Rivières et coréalisateur du documentaire Chercher le courant. Ils répliquent à l’opinion de Françoise Bertrand intitulée « Des chiffres erronés », publiée le 28 septembre par La Presse.

C’est sans grande surprise que nous avons pu lire Françoise Bertrand, présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec, grassement commanditée par Hydro-Québec, se faire son porte-parole et défendre le dossier du complexe La Romaine.

Dans sa lettre ouverte, elle vilipende nos arguments avancés pour appuyer la pétition de 7000 noms déposée à l’Assemblée nationale sur ce projet controversé. Cette pétition exigeait de suspendre les phases 1, 3 et 4 de La Romaine qui n’ont pas débuté et que les nouveaux projets hydroélectriques fassent l’objet d’un examen public par la Régie de l’énergie.

La principale raison pour laquelle le harnachement de La Romaine et des dernières rivières intactes du Québec est indéfendable sur un plan strictement économique est qu’on vendra l’énergie à perte. Les bonnes années de l’hydroélectricité bon marché sont derrière nous. La majorité des profits actuels d’Hydro-Québec, soit plus de 1 milliard de dollars par année, provient des achats considérables d’électricité de Churchill Falls - un site exceptionnel - à seulement 0,25 cent/kWh, soit 30 fois moins cher que le complexe La Romaine. Il n’existe plus aucun site du genre au Québec.

Mme Bertrand nous accuse de tordre les faits en notre faveur dans l’évaluation des coûts de production de La Romaine et des prévisions du prix d’exportation de l’électricité. Le Département américain de l’énergie prévoit une légère baisse des prix de l’électricité puis une stabilisation jusqu’en 2035 environ. Comme le dit Mme Bertrand, la récente entente signée avec le Vermont pour la vente d’électricité fixait le prix à 5,8 cents du kWh et « évaluera par la suite en fonction du marché ». Les plus récents prix à l’exportation ont atteint récemment un prix aussi bas que 4 cents/kWh. Ce sont ces mêmes marchés d’une volatilité extrême qui ont englouti près de 40 milliards de dollars de nos économies dans la folie spéculative des papiers commerciaux.

Hydro-Québec a annoncé le complexe Romaine à 9,2 cents par kWh dans tous les documents officiels et devant le BAPE, ce qui est bien loin du nouveau coût de 6,4 cents annoncé par Hydro-Québec en réplique à la diffusion du documentaire. Le complexe de La Romaine produira-t-il une énergie à 6,4 cents du kWh ou plutôt dans la fourchette allant de 8 à 12 cents, comme nous le soutenons ? Selon le professeur d’économie Jean-Thomas Bernard, le coût réel avoisinerait davantage les 8,6 cents du kWh.

Comment Hydro-Québec, qui refuse d’ouvrir ses livres au vérificateur général, peut-elle justifier que le coût unitaire ait chuté de manière aussi drastique depuis les audiences du BAPE, sinon parce qu’il fait partie d’une stratégie de relations publiques et qu’il ne tient pas compte de l’ensemble des coûts ? Comment, surtout, faire fi du passé et oublier les dépassements de coûts d’Hydro-Québec qui sont en moyenne de 26%, selon l’Institut économique de Montréal ?

Dans ce dossier, il appartient au gouvernement du Québec de donner l’heure juste et de faire la preuve devant la Régie de l’énergie de la valeur économique des projets qu’elle met de l’avant, à plus forte raison lorsqu’il s’en prend aux derniers joyaux comme la rivière Romaine.

Alexis de Gheldere

Chercher le courant

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