Édition du 18 juin 2024

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Pour comprendre pourquoi les riches gagnent les élections

Agé de moins de trente ans, Owen Jones s’est révélé comme l’un des cerveaux les plus lucides et vigoureux de la gauche militante britannique. Pour ceux qui, comme moi, ne le connaissaient pas, son livre « Chavs. La diabolisation de la classe ouvrière » nous a servi pour découvrir son talent et sa capacité de pensée autonome et indépendante, y compris des clichés de la gauche.

La première chose qu’il faut expliquer c’est que le terme « chavs » est utilisé pour désigner avec mépris la sous-culture des secteurs ouvriers – de préférence jeunes – caractérisés par leurs vêtements sportifs de marque, des bijoux ostensibles et un bas niveau culturel et habitués aux prestations sociales publiques, en particulier les logements sociaux.

Jones nous apporte beaucoup d’idées novatrices. Il détaille les clés idéologiques qui expliquent la progression de la droite et qui nous permettent de comprendre des choses telles que pourquoi le parti de la minorité riche gagne les élections. Un fait que le gourou des Démocrates étatsuniens, George Lakoff, avait déjà signalé mais à partir de postulats bien politiquement modérés.

Owen Jones nous éclaire sur la manière dont on est passé de l’idéalisation des riches des « télénovelas » ou de la presse traditionnelle à l’eau de rose à la stigmatisation de la classe travailleuse, avec ses zonards et ses ringards qui servent de chair à blague dans les programme télévisés comme Big Brother et d’autres reality shows.

Le procédé est le suivant. Premièrement on ridiculise leur sous-culture, leur langage pauvre, leurs vêtements ringards, leur vie médiocre, leur sexualité vulgaire, leur taux de natalité tiers-mondiste… de manière à ce que nous nous sentions ainsi supérieurs. Dès que nous les considérons comme odieux, on nous enfonce dans le crâne qu’ils vivent des prestations sociales, même si ce n’est pas la vérité puisque cette population « chav » est celle qui place les produits dans les supermarchés et nous sert à leurs caisses, apporte nos pizzas en moto ou décharge les camions dans les marchés et les ports. Quand on est parvenu à ce que nous les rejetions comme groupe social et que nous les les percevions comme des parasites, il ne reste plus alors qu’à nous faire conclure qu’ils sont pauvres parce que ce sont des médiocres, des perdants et des ivrognes, tandis que les riches sont beaux, intelligents et brillants et que c’est grâce à leurs efforts qu’ils sont parvenus à triompher.

Ainsi, la classe moyenne et accommodée fini par diaboliser le secteur public, qui leur offre pourtant parfois une allocation de chômage ou un logement social, et les « chavs » quant à eux finissent par adhérer aux partis d’extrême-droite qui leur disent qu’ils sont formidables parce qu’ils sont blancs, chrétiens et britanniques pur sang.

(*) Owen Jones, « Chavs : The Demonization of the Working Class », Verso, Londres, 2011

Source : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=167863

Traductions françaises : Ataulfo Riera

Pascual Serrano

Auteur pour la revue Rebellion.

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