Paul Moist, Canadian Dimension 11 juin 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Il est clair que les Conservateurs.trices ont considérablement amélioré leurs atouts après la pauvre performance des chefs précédents, Andrew Sheer et Erin O’Toole.
Il faut dire que P. Poilievre est un très bon communicateur, capable de maintenir son message. Son parti a 20 points d’avance sur les Libéraux. Rien de ce qu’ils peuvent dire ne se reflète dans les sondages. Il pousse le parti libéral et le N.P.D. vers le bas et Maxime Bernier a complètement disparu.
Il a non seulement maintenu la base conservatrice de Stephen Harper dans le parti mais il s’est tourné vers la classe ouvrière et y a fait des progrès aux dépends des deux autres partis.
En avril dernier, Ginny Roth écrivait à ce sujet dans The Hub : « plusieurs de ceux et celles qui constituaient traditionnellement la base du N.P.D., donc membres des syndicats ouvriers, se tournent vers le chef conservateur ».
Dans un article dans Canada’s National Observer, Max Fawcett fait remarquer que les supporters libéraux qui quittent le parti ne se tournent pas vers le N.P.D. Les données publiées par Abacus démontrent que « 10% de ceux et celles qui ont voté pour le N.P.D. en 2021, soutiennent maintenant P. Poilievre et le P.C.C.
M. Fawcett cite également un sondage Angus Reed qui révèle que « plus d’un tiers, (36%) des électeurs.trices du N.P.D. disent qu’il leur serait possible de se tourner vers le parti Libéral ».
On pourrait s’acharner à disséquer le parcours parlementaire de P. Poilievre pour conclure qu’il n’offre rien aux travailleurs.euses et qu’on ne peut pas lui faire confiance. Mais ça n’expliquerait en rien sa stratégie populiste actuelle, les raisons pour lesquelles il semble avoir autant de succès comme ses semblables dans la récente élection européenne.
Il s’est saisi de certaines plaintes de la population canadienne : les revenus stagnants, le coût de l’alimentation qui ne cesse de monter et l’accès impossible à la propriété.
Bien sûr, 18 mois c’est une éternité en politique spécialement en période d’incertitude économique et politique mondiales. Mais, il est de plus en plus clair que les Conservateurs.trices sont susceptibles d’avoir une majorité parlementaire. Si ce succès s’avérait, il s’expliquerait par divers facteurs dont l’habileté de P. Poilievre à s’emparer des frustrations de la classe ouvrière. D’une certaine façon, il est la réponse en lui- même. Il est habile avec les médias sociaux et il a admis que la population est en peine partout dans le pays. L’inflation frappe à l’épicerie, le prix du loyer et des hypothèques. Les salaires augmentent mais pas au niveau de l’inflation de l’an passé ni à celui des pertes réelles qui se sont accumulées depuis deux décennies.
Les taux d’intérêt sont toujours élevés comparativement à ce qu’ils étaient antérieurement. 60% des hypothèques arrivent à échéance au pays. Elles avaient été contractées avant la hausse des taux. Donc, chaque jour, les Canadiens.nes prennent conscience de la détérioration de leur situation par rapport à ce quelle était en 2021 lorsque les Libéraux de J. Trudeau ont obtenu un 3ième mandat, un 2ième minoritaire.
Laissons de côté P. Poilievre pour le moment. Il y a toujours d’autres forces qui ont une influence pour expliquer que les Conservateurs aient 20 points d’avance aujourd’hui (dans les sondages). D’abord et avant tout, il y a le fait que Justin Trudeau soit hors- jeu aux yeux de l’électorat. Beaucoup ne le croient plus. La plupart pense qu’il a fait son temps. Il semble bien qu’il demeurera le leader du parti. Ce qui est moins évident, c’est ce qui se produira avec un caucus réduit après la prochaine élection qui devrait arriver en octobre 2025 ou plus tard.
Mais le plus étonnant est que ces pertes chez les libéraux se portent presque exclusivement chez les Conservateurs. On aurait pu penser que le N.P.D puisse en profiter lui qui recherche ses appuis dans les mêmes talles que les Libéraux, qu’il aurait donc pu bénéficier de leur déclin. Tel n’est pas le cas.
Un sondage publié fin mai 2024 montre que le N.P.D. se situe à 17% des intentions de vote soit un de moins que lors de la décevante élection de 2021. Il semble bien qu’il paye un lourd tribut pour s’être accroché aux Libéraux avec l’entente apport et confiance de 2022.
C’était pourtant habile. Personne ne voulait d’une 3ième élection en 30 mois et il se plaçait, avec 25 députés.es, dans une position pour exercer son influence bien au-delà de son nombre de sièges. D’ailleurs il a réussi à faire adopter des lois qui sont d’importance en matière de politiques sociales : les frais de garde des enfants à 10$ par jour, le plan de soins dentaires pour les familles à faibles revenus et pour deux millions de personnes âgées en plus de préparer un programme d’assurance médicaments.
Cette majorité libérale et néo-démocrate a fait adopter à l’unanimité, une loi anti briseurs de grève qui s’appliquera dans les entreprises et agences fédérales.
Ces accomplissements d’une certaine importance coûtent cher au N.P.D. Dans les grandes villes les listes d’attente pour les places de garderies à 10$/jour sont longues ce qui hypothèque les bénéfices politiques pour le N.P.D. La plupart des travailleurs.euse ont déjà une assurance dentaire liée à leur travail. Ce qui ne veut pas dire que ces succès ne soient pas significatifs mais ils ne rendent pas les fruits politiques attendus.
On peut se demander pourquoi le N.P.D. persiste à honorer son entente avec les Libéraux qui permet à P. Poilievre de parler du « gouvernement libéral-néo démocrate ». Selon un néo démocrate de longue date, qui soutient le lien entre le parti et les travailleurs.euses qui ont aidé à le créer : « qu’il ne soit pas encore sorti de cette entente est à la fois surprenant et décevant pour plusieurs y compris l’auteur de ces lignes ».
Les Canadiens.nes font face à une crise du coût de la vie. L’augmentation des prix de l’alimentation et des loyers a mis les familles ouvrières à la marge de l’économie et elles ne font plus confiance la J. Trudeau pour aller de l’avant. Le profil du leader néo démocrate est faible et il est parfois réduit au rôle de figurant dans les conférences de presse quand on lui demande comment il voterait au parlement.
Plus l’alliance avec les Libéraux se prolonge plus le N.P.D. ne représente plus une option valide pour les Canadiens.nes. Il se peut que la situation de 1993 se répète : le gouvernement progressiste conservateur a été pour ainsi dire éliminé réduit à deux sièges et le N.P.D. n’en a eu que neuf. À l’époque il avait un leader peu connu et lors de cette élection de changement, il a payé un lourd tribut.
Ce fut très différent en 1984 quand les Conservateurs. trices de Brian Mulroney ont gagné 211 sièges. Les Libéraux ont été assommés mais les néo démocrates avec un chef crédible, Ed. Broadbent, ont recueilli 20% des votes et gardé leurs 31 sièges.
Si l’élection se tenait aujourd’hui, si les Conservateurs.trices se retrouvaient au-delà de la majorité absolue, il est plus que probable que le N.P.D. se retrouverait avec moins que les 25 sièges qu’il a gagnés en 2021. Difficile de croire qu’il y a moins d’une décennie il formait l’opposition officielle à Ottawa.
Les gouvernements perdent leurs élections plus souvent qu’ils ne les gagnent. En ce moment, P. Poilievre profite de ce que le gouvernement libéral soit fatigué et ne produise pas grand-chose Nonobstant le fait que les libéraux aient gouverné le pays pendant la majeure partie de l’histoire canadienne, ils ont été envoyés au banc des punitions pour une ou deux périodes électorales régulièrement. C’est le cas en ce moment. Ça ne devrait surprendre personne.
Ce qui est surprenant c’est que les sociaux-démocrates et leur option ne soient pas en progression alors qu’il est si important que les services universels dispensés aux citoyen.nes de ce pays soient protégés. Le N.P.D. doit prendre la place pour laquelle P. Poilievre se bat en appelant au renvoie du Gouverneur de la Banque du Canada parce qu’il aurait désavantagé les familles ouvrières en combattant l’inflation pour ainsi dire à tout prix.
Mais, les Conservateurs.trices n’offrent rien aux familles ouvrières. Leur discours se limite à dire à la population dans quelle mauvaise situation elle se trouve, ce qui est vrai par ailleurs. Je m’attends à ce qu’en 2025, la participation au vote continue à diminuer. Cela aussi va être un avantage pour le parti conservateur et va s’ajouter à celle de leur solide base et à celle venant d’autres allégeances.
Il reste du temps pour donner une jambette aux Conservateurs.trices à condition de poser des gestes allant dans le bon sens, dont :
|- Donner son plein appui au congrès du Syndicat canadien du travail et de s’y affilier pour mener une campagne d’information vers les 3 millions et demis de ménages syndiqués sur le véritable dossier politique de P. Poilievre. En 20 ans de carrière parlementaire il s’est constamment opposé à toutes les réformes en faveur des travailleurs.euses. Les syndicats ne peuvent se contenter de soutenir la campagne qu’en la finançant. Ils doivent s’impliquer, encourager tous les affiliés à rejoindre leurs membres grâce à des membres liaison, à des plans d’intervention sur les lieux de travail et en exposant les positions des conservateurs.trices.
|- Le caucus fédéral du N.P.D. doit révoquer l’entente avec le gouvernement libéral immédiatement. Il s’agit de déclencher une élection dès maintenant qui offrirait au N.P.D. l’occasion de se présenter comme la seule force militant pour des changements positifs pour les familles ouvrières.
|- Le dernier défi est de pouvoir présenter en 2025, aux électeurs.trices , une plateforme solide et progressiste qui aille au cœur de ces familles et atteigne leurs sentiments du moment. Il faut confronter les deux autres partis à leurs politiques et en présenter qui s’accordent à ce que la population attend et mérite de la part d’un pays social-démocrate. Il est fondamental que le N.P.D. offre un tel leadership pour travailler à un Canada prospère et socialement juste pour la totalité de ses citoyens.nes.
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