Cette situation n’est pas nouvelle, les gouvernements interviennent allègrement dans les négociations du secteur public depuis des années. Les employés et employées de Postes Canada avaient eu droit à une loi spéciale de retour au travail lors du dernier conflit en 1997, après à peine deux semaines de grève.
Aujourd’hui la menace de loi spéciale intervient immédiatement, dès l’acquisition du droit de grève. Ce fut le cas pour les TCA d’Air Canada et pour le STTP. La loi spéciale ne vise pas à faire cesser les moyens de pression. Les services à la population ne sont pas menacés et les arguments économiques sont de la foutaise, ils n’y croient même pas eux-mêmes. Non la loi spéciale vise à obliger les syndicats à accepter les concessions et dans le cas présent à punir le STTP pour avoir refusé les positions patronales. Cette loi vise à casser la résistance des travailleurs et travailleuses.
Nous avons fait face à des offensives similaires au Québec lors des décrets du gouvernement Charest en 2005 qui avaient imposé un cadre salarial et une convention collective, le tout assujetti à une loi qui empêchait tout moyen de pression. Les entreprises privées ont compris le message et Péladeau a tenu en échec au moyen de lock-out une vingtaine de syndicats, dont les employés du Journal de Québec puis nous avons assisté au malheureux dénouement auquel ont eu droit les employés du Journal de Montréal.
Nous sommes face à une nouvelle situation. Dans le secteur public, le droit à la libre négociation n’existe à toutes fins pratiques plus, puisque les syndicats sont constamment sous la menace d’une loi spéciale. Mais le gouvernement Harper vient de franchir une nouvelle étape, la loi spéciale intervient simplement parce que le syndicat refuse les concessions. Cela sera évidemment lourd de conséquences pour tous les syndicats du secteur public fédéral, mais cela fera également pression à la baisse sur tout le mouvement syndical, y compris dans le secteur privé. Au bout du compte l’ensemble des travailleurs et travailleuses seront touchés puisque la pression à la baisse vise à précariser les emplois, réduire leur nombre, diminuer les salaires, réduire les prestations des fonds de pension, et augmenter la charge de travail. Sans compter la diminution des services publics.
Cela nécessite une réflexion concernant nos stratégies et nos moyens de lutte. Dans l’immédiat même si la loi spéciale est adoptée, on ne peut laisser passer cette attaque sans réagir. Il faut prendre des moyens qui vont permettre de développer des appuis et des liens de solidarité entre les différents syndicats et entre les différents secteurs de la population. C’est important pour aujourd’hui et déterminant pour demain. Les directions syndicales doivent prendre la mesure de l’attaque faite au mouvement ouvrier et organiser une mobilisation générale pour le droit à la libre négociation.
Mais à plus long terme, le mouvement syndical devra réfléchir à l’organisation de fronts communs de lutte sur des enjeux qui touchent l’ensemble du mouvement ouvrier. La lutte pour le droit à une pension juste et équitable, le droit à la négociation, la lutte à la pauvreté et pour un salaire décent. Il faut dorénavant organiser des mouvements d’appui larges lorsqu’un syndicat fait face à de tels enjeux allant jusqu’à la grève de solidarité. Le dernier fait historique d’un tel mouvement remonte à octobre 1976 lorsque le CTC avait organisé une journée de grève générale contre la loi de gel des salaires du gouvernement Trudeau. Il faut revenir à de telles mobilisations.
S’il est une conclusion évidente c’est celle de la nécessaire implication politique. On ne peut se contenter de combattre syndicalement, il faut aussi s’impliquer politiquement et saisir toutes les occasions de se mobiliser contre Harper.
La lutte continue
« No justice, no peace »