Troisième d’une série de trois articles sur la stratégie gazière du gouvernement Couillard
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Rien qu’au Québec, cinq projets d’usines de liquéfaction du gaz naturel totalisant plus de 600 milliards de pieds cubes (Bcf) par an sont sur les planches à dessin [1]. Destinés aux marchés d’exportation et aux régions non desservies par le réseau gazier actuel, ces 600 Bcf s’ajouteraient aux 200 Bcf présentement consommés chaque année au Québec [2].
Les cinq projets sont les suivants :
1. Stolt LNGaz, 49 Bcf, usine à Bécancour pour approvisionner la Côte-Nord et le Nord-du-Québec et exporter le GNL (approuvé) ;
2. Gaz Métro GNL, nouveau train de liquéfaction pour porter de 3 à 9 Bcf la capacité de l’usine de Montréal Est afin d’approvisionner la Côte-Nord et le Nord-du-Québec (approuvé avec injection de fonds publics [3]) ;
3. Pétrolia /Tugliq/Océan, 25 Bcf, exploration gazière en Gaspésie avec injection de fonds publics, gazoduc et usine-barge pour approvisionner la Côte-Nord et le Nord-du-Québec [4] ;
4. Hoegh LNG, 12 à 20 Bcf, usine flottante à Sept-Îles puis à Trois-Rivières pour approvisionner la Côte-Nord et le Nord-du-Québec ;
5. GNL Québec inc., projet Énergie Saguenay à Grande-Anse, 536 Bcf, usine de liquéfaction, gazoduc de 650 km et port méthanier, pour exportation [5].
La région de l’Atlantique n’est pas en reste puisque quatre projets d’usines de production de GNL pour exportation y sont présentement étudiés. Trois d’entre eux ont déjà reçu l’approbation de l’Office national de l’énergie, qui prévient que malgré le « déluge » de demandes [6], plusieurs projets pourraient ne jamais voir le jour, faute de gaz naturel à traiter [7].
Tout comme le projet Énergie Saguenay et, dans une certaine mesure, celui de Stolt LNGaz, les quatre projets des provinces atlantiques ont pour but de profiter du boom du gaz de schiste nord-américain et des faibles prix conséquents pour répondre à la demande des pays européens souhaitant briser leur dépendance envers l’Ukraine et la Russie [8]. Ils représentent près de deux fois la consommation actuelle de la Nouvelle-Angleterre et leur réalisation dépend de la construction d’un nouveau gazoduc entre la Pennsylvanie et la Nouvelle-Angleterre, qui fait l’objet d’une vive opposition citoyenne [9].
L’un des projets déjà approuvés émane de Repsol, première firme énergétique d’Espagne, et vise la transformation du terminal d’importation Canaport de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, en installation de production et d’exportation de GNL [10]. Repsol possède également Talisman, titulaire des permis d’exploration sur de vastes territoires, principalement dans la région de Lotbinière, où elle réclame la possibilité de lancer un projet pilote d’exploitation de gaz de schiste à grande échelle.
La région de Bécancour, également ciblée pour un projet pilote d’exploitation des gaz de schiste, est aussi celle qui accueillera prochainement l’usine de liquéfaction de Stolt LNGaz.
Faut-il faire un lien entre les espoirs des gazières d’être enfin autorisées à exploiter le gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, la prolifération des usines de liquéfaction et les visées exportatrices des promoteurs du GLN ? Faut-il s’attendre à de nouvelles demandes de construction de gazoducs, outre celui du projet Énergie Saguenay ? Nul ne saurait le dire, sauf les compagnies elles-mêmes et peut-être les dirigeants politiques avec qui elles peaufinent leurs stratégies.
Chose certaine, la frénésie gazière a de quoi inquiéter non seulement les environnementalistes, mais bien tous les contribuables qui voudraient voir les fonds publics investis comme levier dans le développement et le déploiement de solutions d’économie d’énergie et dans les énergies de l’avenir, créatrices d’emplois durables, plutôt que dans des secteurs déjà trop encombrés. Souhaitons que contre toutes attentes, notre gouvernement choisira de se démarquer avec détermination et créativité, au lieu de suivre de loin la parade en s’entêtant à faire du Québec un nain dans une industrie de géants en déclin.
Carole Dupuis, coordonnatrice générale et porte-parole
Jacques Tétreault, coordonnateur général adjoint
Regroupement Vigilance Hydrocarbures Québec