6 avril 2023 | tiré du journal Courrier interntional
https://www.courrierinternational.com/article/polemique-les-policiers-chiliens-auront-droit-a-une-presomption-de-legitime-defense
Des policiers antiémeute lors d’une manifestation à Santiago, le 19 mars 2021. Des policiers antiémeute lors d’une manifestation à Santiago, le 19 mars 2021. PHOTO IVAN ALVARADO/REUTERS
Jeudi matin 6 avril, un policier chilien est mort de ses blessures après avoir reçu la veille deux balles au visage, tirées par un délinquant lors d’un contrôle à Santiago.
Aussitôt, l’opposition a demandé au gouvernement de gauche de Gabriel Boric de promulguer au plus vite la nouvelle loi adoptée la veille sur la “présomption de légitime défense” dès que des membres des forces de l’ordre utilisent leur arme. “Ça suffit ! Cette situation ne peut plus durer. Le président Boric doit exercer son leadership et promulguer la loi dans les heures qui viennent”, a lancé dans un communiqué, repris par le site BiobioChile, Rénovation nationale, le mouvement politique de centre droit à l’origine de la proposition.
Pour l’Union démocratique indépendante (UDI), de droite, il faut envoyer “un signal à ces délinquants malades qui assassinent nos policiers”. La loi était à l’étude depuis 2020 déjà, mais le processus législatif a été accéléré depuis dix jours, après l’assassinat d’une sergente des carabiniers – une force de police militarisée – qui intervenait sur un vol.
La réforme du Code pénal augmente les peines – jusqu’à la perpétuité – pour les homicides de membres des forces de l’ordre. Mais, surtout, la polémique a surgi avec l’extension du régime de la légitime défense. Les forces de l’ordre bénéficieront d’une “présomption d’innocence” automatique quand ils font usage de leur arme pour répondre à des agressions.
Non seulement le gouvernement de Gabriel Boric ne dispose pas de majorité à la Chambre des députés et au Sénat, mais de plus sa propre coalition a affiché ses divisions sur le sujet. Lors de discussions compliquées, le gouvernement a malgré tout obtenu une nuance. La présomption d’innocence pourra être invalidée si une enquête est déclenchée “et peut démontrer le contraire”.
“Loi de la gâchette facile”
À la gauche de la coalition de Gabriel Boric, des voix se sont élevées contre la nouvelle loi, la qualifiant de “loi de la gâchette facile”. Plus qu’“une loi sur la gâchette facile, il s’agit même d’un permis de tuer”, a estimé un député du Parti communiste – soutien de Gabriel Boric –,repris par le quotidien de centre droit La Tercera. La gauche de la coalition a annoncé d’ailleurs son intention de déposer un recours devant le Tribunal constitutionnel, l’organe juridictionnel chargé d’assurer la conformité des lois chiliennes vis-à-vis de la Constitution.
Dans une chronique d’opinion, le site de centre gauche El Mostrador écrit :
“La mal nommée ‘présomption de légitime défense’ […] justifie l’usage excessif de la force, même mortelle, dans des cas où cette réponse n’est pas forcément nécessaire.”
Pour La Tercera, en revanche, “la loi n’exempte pas de responsabilité un agent qui fait usage de son arme de service, mais, à partir de la présomption d’innocence, il faudra désormais démontrer qu’il y a eu un délit avant de prendre des mesures légales”.
Selon plusieurs sondages, l’insécurité est devenue la principale préoccupation des Chiliens. Selon le dernier rapport du site d’investigation InSight Crime, les homicides ont augmenté en 2022 de 32 % par rapport à 2021, pour atteindre un taux de 4,6 pour 100 000 habitants.
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