Capacités financières :
Une question fondammentale qui émerge face à l’enjeu des frais de scolarité est celle de la vision de l’éducation que le gouvernement propose aux Québécois par le biais de cette hausse : quelle éducation ? pour qui ? Question qui nous renvoie à notre propre vision du Québec pour les années à venir. Souhaitons-nous une société dont les principaux moyens financiers seraient tirés de l’exploitation des ressources naturelles et de l’industrie conventionnelle non durable ? Un peuple moins instruit et plus endetté est forcément un peuple moins créatif, inventif, novateur ; un peuple plus dépendant des emplois qu’auront la bonté de lui offrir les grands possesseurs de capitaux par leurs investissements.
La plus importante ressource naturelle du Québec est justement sa créativité et son savoir, desquels pourront émerger les véritables solutions pour sortir des trois crises actuelles : financière/économique, écologique/climatique et sociale/démocratique.
Plutôt que de sabrer dans l’éducation, plusieurs politiques alternatives permettraient de réaliser de véritables économies (dont un exemple est donné par Québec Solidaire en [1]) : diminuer les crédits et augmenter les impôts des grandes entreprises, instaurer un système d’impôts progressifs, etc. La société québécoise mérite de se faire présenter un véritable plan financier en vue d’acquérir une meilleure autonomie, et celle-ci passe nécessairement par un meilleur accès au savoir.
Les Danois ont récemment été nommés chefs de file en innovation. Ce n’est pas surprenant lorsque l’on sait qu’ils misent depuis longtemps sur le savoir et l’environnement. En effet, ce pays fournit des bourses en plus de la gratuité de son système d’éducation !!! Leur qualité de vie est également exemplaire (comme l’indique les données de l’OCDE sur le sjet). Ils sont donc la preuve qu’il y a moyen d’être des chefs de file en innovation tout en permettant une équité sociale largement supérieure à la nôtre. Une éducation publique gratuite telle que pratiquée dans les pays scandinaves sert à la fois le bien commun et l’épanouissement des citoyens. Pourtant, Charest et son équipe font avancer le québec dans une direction diamétralement opposée, et, franchement, la conclusion qui s’impose est que ce gouvernement ne dirige pas le Québec pour le bien de l’ensemble des québécois.
Formation intellectuelle :
On ne le redira jamais assez : la hausse des frais de scolarité dissuadera encore plus de personnes de faire, poursuivre ou reprendre des études [2].
De plus, cette hausse des frais s’inscrit dans une logique de marchandisation de l’éducation (Université inc.) : il faut que l’université forme des travailleurs et que la recherche crée des produits de consommation. Cette nouvelle éducation qui se dessine travestit totalement le sens originel de la formation universitaire ; cette éducation générale qui formait des citoyens critiques.
C’est cet esprit critique qui est mis en péril par la hausse des frais de scolarité, esprit nécessaire en vue d’analyser et de remettre en question la situation actuelle du Québec et son avenir. Le gouvernement souhaiterait-il réduire les Québécois au statut de simples travailleurs ?
Droits démocratiques :
Nous assistons présentement à une grave crise démocratique dans laquelle nos représentants gouvernementaux ne dirigent pas pour représenter la population québécoise, mais plutôt comme s’ils présumaient d’office que leurs intérêts et opinions personnelles représentent ceux de la population qui les a élus.
Les injonctions interdisant le piquetage, les retours en classes forcés, les arrestations et amendes abusives ayant cours montrent jusqu’où ce gouvernement et ses alliés naturels sont prêts à aller pour imposer leur vision du monde. Rappelons que nombres de choses qui nous semblent naturelles aujourd’hui (grèves de travailleurs, droit de vote des femmes, droit à l’avortement) étaient interdites il y a moins d’un siècle au Québec et furent acquisent par le combat des citoyens face à leurs dirigeants réfractaires, combat utilisant parfois des moyens illégaux. En fait, la capacité d’un état à tolérer la critique et la transgression de ses lois et décrets est un indicateur de sa libéralité. La manière dont le gouvernement Libéral essaie actuellement d’imposer ses politiques déshonore son nom et nous informe sur l’état commateux de notre soit-disant démocratie.
Comparativement aux modèles de démocratie participative, la démocratie représentative dans laquelle nous vivons présente aussi l’inconvénient de faire en sorte que les citoyens ont à se mobiliser sur une base volontaire chaque fois que se présente un nouvel enjeu d’intérêt public. Or, sous le gouvernement Charest, la multiplicité et la diversité des revendications (ressources naturelles, taxe santé, Plan Nord, frais de scolarité, etc.) dilue les forces militantes progressistes. Encore une fois, les citoyens sont mieux outillés pour participer à un débat démacratique s’ils sont plus instruits et moins accaparés par le besoin de travailler pour subsister à leurs besoins primaires et rembourser leurs dettes scolaires.
Conclusion :
Comme beaucoup de jeunes québécois, nous avons été éduqués à croire en un triple mythe : que nous vivons dans une démocratie, que notre système d’éducation est public et que nos ressources naturelles nous appartiennent ; alors que la réalité est diamétralement opposée : les riches dirigent le pays, les pauvres ne reçoivent pas la même éducation que les autres et n’ont pas les mêmes perspectives de carrières, nos ressources naturelles sont données à de grands possesseurs de capitaux.
En ce temps de crise, notons que l’unique parti représenté à l’assemblée nationale s’attaquant de front aux trois aspects dont nous venons de traiter est Québec Solidaire. C’est, à notre sens, le seul parti luttant pour la défense du bien commun et proposant une réelle réforme de notre société. À titre d’exemples de l’enracinement de Québec Solidaire dans les luttes sociales actuelles, voici quelques mesures proposée par ce parti et tirées de son programme :
– Reconnaître dans la Charte des droits et des libertés le droit à l’association en syndicats, le droit à la négociation et le droit à la grève (incluant les grèves politiques).
– Renforcer la Loi anti briseur de grève et voir à son application pour empêcher qu’elle soit contournée.
– Abolir le droit à l’injonction contre le piquetage en changeant la définition de services essentiels de manière à ce qu’elle soit stricte et limitée.
– Interdire les lockouts.
Notons que toutes ces propositions ont été votées bien avant la grève étudiante.
Alors que tout semble aller si vite pour précipiter le Québec dans la même voie conservatrice que le Canada, la grève et les revendications étudiantes sont le moment propice pour réfléchir au type de société dont nous voulons actuellement et pour l’avenir, sachant qu’une société plus juste et égalitaire passe par une société plus éduquée. Si malheureusement l’objectif de notre Premier Ministre n’était pas de tendre vers cet idéal, nous lui demandons alors d’avoir au moins le courage de mettre à l’épreuve ses autres politiques en fournissant à ses citoyens les moyens de les mesurer et de les analyser, soit en leur donnant libre accès à l’éducation.
Vive le printemps érable !
Raphaëlle Dancette, étudiante au doctorat en gestion des ressources maritimes et
Raphaël Rebelo, étudiant au doctorat en mathématiques et enseignant au cégep
Étudiants pour la gratuité scolaire
Professeur pour la gratuité scolaire
Parents pour la gratuité scolaire
Travailleurs pour la gratuité scolaire
Citoyens pour la gratuité scolaire
[1] Québec Solidaire, Sortir de la crise provoquée par la hausse des frais de scolarité, 2012
[2] E Martin et S Tremblay-Pepin, Faut-il vraiment augmenter les frais de scolarité ?, IRIS, 2011